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Alternance dans le supérieur : faut-il encore y croire ?

Alors que le Medef annonce une baisse de 14% des contrats d’apprentissage signés au premier trimestre 2014 qui touche essentiellement les niveaux IV et V (lire ci-dessous), beaucoup de questions restent posées sur l’évolution des politiques de l’État et des régions vis-à-vis de l’apprentissage et, plus largement, de l’alternance dans le supérieur. Pour autant, nombreux sont ceux qui restent optimistes quant à son développement. L’EM Normandie souhaite ainsi doubler le nombre de ses étudiants en alternance alors que le Cesi lance une École supérieure des métiers entièrement en alternance (Cesi alternance) et a fait réaliser un sondage sur le sujet avec Ipsos.

Quelle politique ?

Resté stable depuis 2008 (aux alentours de 290 000 contrats signés chaque année) avant une chute à 273 000 en 2013, l’apprentissage s’est essentiellement développé dans l’enseignement supérieur ces dernières années : entre 2007 et 2011 les apprentis inscrits en BTS progressent de 11 % et ceux qui préparent un autre diplôme de l’enseignement supérieur de 36 %. Quant aux contrats de professionnalisation, 14,5 % de ceux qui ont été signés en 2012 préparaient à des niveaux de formation bac +4 et plus. Plus de 40 % des chefs d’entreprise interrogés par le Cesi considèrent aujourd’hui que l’alternance est une solution adaptée pour recruter des cadres ou de futurs cadres.

Mais beaucoup professent aujourd’hui dans les régions régionaux qu’il faut d’abord se concentrer sur l’infra bac en privilégiant des élèves en rupture avec l’enseignement «  classique ». « L’apprentissage dans le supérieur est la locomotive de l’apprentissage en général. Il ne faut surtout pas opposer le secondaire et l’enseignement supérieur », réagit Jean-Michel Blanquer, directeur de l’Essec et ancien directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Education nationale. Quant à Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d’université, il estime que « l’avenir de l’apprentissage est à l’université » car « qui dit apprentissage dit entreprises et on manque d’entreprise souhaitant des apprentis dans les niveaux V et IV ». « Là où on peut vraiment développer l’apprentissage aujourd’hui c’est en licence ou en master », conclut-il.

Aller vers les entreprises

Parce qu’elle veut faire passer le nombre de ses étudiants en alternance (contrat d’apprentissage et de professionnalisation) de 250 à 400 (soit de 10% à 17% de ses effectifs) dans les 5 ans à venir, l’EM Normandie a entrepris un important travail vers les entreprises. « Nous devons les « évangéliser », et notamment les PME pour leur faire bien comprendre les différents contrats », confie Mathilde Brossier, directrice adjointe marketing et relations entreprises de l’école, qui va souvent expliquer à quel point « payer 14 000 € par un apprenti qui travaille à 75% pour l’entreprise et sera au bout de deux ans un futur recruté est un bon investissement ».

L’EM Normandie vient justement de publier toute une étude sur le sujet intitulé Quel avenir pour l’alternance dans les écoles de management en France ? On y apprend notamment que près d’un tiers des étudiants souhaiteraient qu’on organise une campagne de valorisation du rôle des alternants dans l’entreprise. Important alors que, selon le baromètre Agefa-PME/Ifop de l’enseignement professionnel publié en juin 2014, les chefs d’entreprise ayant déjà fait appel à l’apprentissage son 7% de moins à juger positivement l’alternance par rapport à la dernière enquête menée il y a six mois. Interrogés par l’EM Normandie sur leurs attentes, ils sont 37% à demander qu’on « allège les processus administratifs » (notamment sur les contrats de professionnalisation).

Faire comprendre les vrais coûts de l’apprentissage

Si la dimension sociale est souvent citée par les écoles comme la principale motivation de leur investissement dans l’alternance, elles savent aussi que l’apprentissage est plus un coût qu’une recette. Dans sa contribution à la Stratégie nationale de l’enseignement supérieure, la Conférence des Grandes écoles estime ainsi que la substitution du financement barème (versement affecté directement par les entreprises au titre de la taxe d’apprentissage) par le financement quota (développement de l’apprentissage dans les écoles) ne peut pas être une solution aux difficultés financières des grandes écoles alors que la « quasi-totalité des formations par apprentissage dans le supérieur sont financées en-dessous de leur prix de revient ».

« Les 100 apprentis de notre programme Grande école nous coûtent cher, de l’ordre de 400 à 500 000 € par an », souligne ainsi Jérôme Caby, le directeur de l’ICN qui explique ne recevoir « en moyenne que 4500€ par an et par apprenti ». Alors, le contrat de professionnalisation est-il l’avenir de l’alternance dans le supérieur à l’heure où les financements menacent de se tarir ?

Olivier Rollot (@O_Rollot)

  • Apprentissage : le Medef tire la sonnette d’alarme
  • « L’apprentissage s’effondre : nous avions déjà 8% de contrats signés en moins en 2013 et nous sommes à -14% sur le premier trimestre 2014. » Présidente de la commission Education, formation et insertion du Medef, Florence Poivey (photo) a présenté des propositions pour relancer l’apprentissage alors que ce sont 62 000 jeunes de moins qui sont en formation cette année par rapport à 2012.
  • Pour l’organisation patronale, si la crise a sa part de responsabilité, c’est avant tout l’action du gouvernement qui en est la cause avec six erreurs majeures qui vont de lasuppression de l’aide financière aux employeurs d’apprentis (ICF) pour les entreprises de plus de 10 salariés à la réduction du crédit d’impôt apprentissage aux entreprises en passant par la restriction de l’accès des jeunes apprentis à certaines machines et installations dites « dangereuses ». Prise en octobre 2013, cette dernière mesure interdirait, selon Florence Poivey, à de nombreuses entreprises de la métallurgie ou de l’énergie d’employer des mineurs « autrement que pour regarder faire ».  Enfin, le Medef regrette toujours le prélèvement de 380 millions d’euros sur la taxe d’apprentissage librement gérée par les entreprises pour les affecter aux conseils régionaux.
  • Il y a déjà plusieurs mois que le Medef a développé ses propositions pour développer l’apprentissage qui passent, notamment, par un effort d’orientation des jeunes vers la formule ou sa plus grande implication dans les référentiels de diplômes. « Si l’apprentissage fonctionne bien dans le supérieur c’est aussi parce que les établissements sont à notre écoute, ce qui est loin d’être le cas du ministère de l’Education nationale », déplore Antoine Foucher, directeur des relations sociales du Medef. Mais, face à l’urgence, le Medef veut aujourd’hui aller plus loin en proposant que les entreprises ne payent plus aucune charge sur les contrats d’alternance. « Ce serait une mesure très forte qui serait entendue par les entreprises », explique Florence Poivey. Le Medef souhaiterait également développer les « prépas alternance » destinées aux décrocheurs et, enfin, ouvrir les contrats de professionnalisation à desqualifications pas élément enregistrée au RNCP, reconnue dans les classifications d’une convention nationale de branche ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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