ECOLES DE MANAGEMENT

Artem atteint sa vitesse de croisière: gros plan sur l’ICN avec Jérôme Caby, son directeur

Alors que les rapprochements entre écoles de management et d’ingénieurs se multiplient, Artem réunit depuis 1999 à Nancy l’ICN Business School, l’Ecole des Mines et l’École nationale supérieure d’art. Jérôme Caby, directeur général de l’ICN business school depuis 2009, revient avec nous sur un regroupement qui peut servir de modèle à beaucoup comme sur les projets de son école.

Olivier Rollot : Les fusions entre écoles de management se sont multipliées ces dernières années. Quel regard jetez-vous sur elles ?

Jérôme Caby : Il n’y aucun intérêt pour nous à fusionner avec une école de management française. S’il fallait fusionner ce serait avec un établissement étranger. Notre stratégie est fondée sur Artem dans le cadre d’une large région qui va du Luxembourg à l’Allemagne.

O.R : Ce n’est pas trop compliqué de faire travailler ensemble une école de management, une école d’ingénieurs et une école d’art ?

J. C : Les premières phases d’interaction entre les trois écoles n’ont pas été simples. Communiquer entre une école d’ingénieurs et une école de management ce n’est pas trop difficile mais c’est beaucoup plus compliqué avec une école d’art qui ne parle pas le même langage. On se rend vite compte que le même terme, la recherche par exemple, peut exprimer trois visions différentes. Aujourd’hui les trois directeurs des écoles s’entendent très bien mais il a fallu auparavant apprendre à se connaître. L’alliance Artem est notre choix stratégique de différenciation et s’appuie sur le soutien de l’État et des collectivités locales.

O.R : Artem c’est aussi un tout nouveau campus encore en construction.

J. C : 210 millions d’euros sont investis dans de nouveaux bâtiments où l’École des Mines s’est déjà installée ainsi que la maison des langues. Nous suivrons en 2015 avec de nombreux locaux en commun comme la médiathèque et celui des associations étudiantes. La création d’une «Villa Artem» permettra aux professeurs et étudiants des trois entités de se rencontrer. Nous organisons d’ailleurs déjà des activités mélangeant les élèves des trois écoles et avons des diplômes communs, comme par exemple le MSc design et management du luxe. Nous allons également bientôt ouvrir une spécialité innovation en commun avec les Mines dans le cadre de nos programmes grande école respectifs. Nous attendons avec impatience d’être tous sur le même campus pour aller plus loin dans nos projets communs.

O.R : Vous pensez aller plus loin dans les programmes ?

J. C : Nous pensons effectivement inclure 25% de programmes communs à Artem dans chaque école. Nous repassons devant la CEFDG (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) en 2014 pour renouveler notre visa et notre grade de master et nous pensons que c’est une bonne occasion également de renouveler le cursus. Reste à définir ce que les étudiants des trois écoles doivent tous savoir.

O.R : Il est possible pour un étudiant d’avoir le diplôme des trois écoles ?

J. C : Pour l’instant il est uniquement possible d’avoir celui des Mines et de l’ICN en passant deux années dans chaque école. Mais c’est quand même plus facile pour un ingénieur d’aller vers le management que le contraire. Nous pensons faire la même chose avec l’école d’art.

O.R : Au-delà de Nancy, vous parvenez à faire également progresser votre campus de Metz ?

J. C : Je dirais même qu’il monte en puissance avec aujourd’hui 300 étudiants qui y suivent aussi bien les deux premières années de notre bachelor que le cursus grande école pour les apprentis.

O.R : Au-delà d’Artem quelles sont vos relations avec l’université de Lorraine ?

J. C : Excellentes avec 35 doubles diplômes et des centres de recherche communs. Le président de l’université de Lorraine fait partie de notre conseil d’administration et nous avons de bonnes relations avec les deux instituts d’administration des entreprises (IAE de Metz et Nancy).

O.R : Au-delà de la Lorraine, votre bassin de développement c’est le grand Est.

J. C : Nous sommes présents de Metz à Nuremberg et de Nancy au Luxembourg en passant par Besançon. Nous développons par exemple notre MSc en « international business development » dont la première année sera désormais organisée au Luxembourg. Mais nous aimerions aller encore plus loin en permettant de suivre les deux dernières années de notre programme grande école entièrement en anglais à Nuremberg. Dans l’absolu il serait alors possible à un étudiant d’obtenir notre diplôme grande école sans jamais être venu étudier en France !

O.R : Au-delà de l’Europe, vous allez aussi vous installer en Chine.

J. C : Nous travaillons à un projet d’Executive Education Center dans le Sichuan à Chengdu. Nous avons été sollicités pour y former des cadres locaux en anglais. Ils sont particulièrement intéressés par notre expertise parce que le Sichuan est une région qui s’est beaucoup développé dans l’automobile comme la nôtre.

O.R : Tous ces développements requièrent d’embaucher de nouveaux enseignants. Or on entend souvent dire que c’est de plus en plus difficile dans les disciplines de gestion. Vous y parvenez quand même ?

J. C : Sans problème. Nous en avons recruté douze en 2012, dont les trois quarts d’étranger (ils représentent aujourd’hui 43% du corps professoral contre 25% en 2010). Il est vrai que la dimension Artem nous aide à recruter des enseignants qui ont envie de travailler sur plusieurs dimensions. Un spécialiste de l’innovation est forcément attiré par un produit avec une vraie dimension design. Et ces enseignants produisent de la recherche : sur les trois premiers mois de 2013 nous avons eu autant de publications que pendant toute l’année 2012.

O.R : On parle beaucoup de e-learning en ce moment, notamment avec le développement des massively open online courses (MOOC). Avez-vous des projets en la matière ?

J. C : Nous avons pris la décision de principe de ne développer du e-learning que dans la dimension transversale de nos programmes. Pour le reste les MOOC sont-ils de simples instruments de communication ou veut-on en faire de vrais supports de cours donnant lieu à des évaluations et à l’obtention de crédits ? Nous pourrions en tout cas développer un nouveau master sur ce modèle. Ensuite il faut bien prendre garde aux sujets traités avant d’investir dans des supports forcément très coûteux : la méthodologie, la créativité ou le graphisme sont des cours assez pérennes alors que les normes comptables changent tout le temps.

O.R : Une dernière question : quel est le bon profil pour un directeur d’école de management aujourd’hui?

J. C : Il n’y en a heureusement pas qu’un seul. Pour ma part j’ai été recruté en 2009 après avoir été remarqué par un cabinet de chasseur de tête. J’étais à l’époque directeur de l’IAE de Paris et c’est évidemment mieux de bien comprendre l’univers dans lequel on va travailler. Je devais entre autres gérer la réaccréditation Equis et j’aurais eu du mal à résoudre tous les problèmes si je n’avais pas moi-même été professeur. Ainsi je n’avais pas de problème de légitimité vis-à-vis du corps professoral. De plus j’avais une vraie proximité avec l’université de Lorraine en étant issu d’un IAE. Par contre j’ai dû gagner ma légitimité auprès des chambres de commerce et d’industrie et des entreprises.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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