ECOLE D’INGÉNIEURS

Centrale et de grandes écoles lyonnaises créent le Collège des Hautes Etudes – Lyon Science[s]

Associée à l’École Normale Supérieure de Lyon, Sciences Po Lyon, VetAgro Sup et au CNMSD (conservatoire de musique et de danse), l’École Centrale de Lyon va créer à la rentrée universitaire 2013 un Collège des Hautes Etudes – Lyon Science[s] qui proposera aux étudiants et professionnels de nouveaux parcours de formation. Frank Debouck, le directeur de l’École centrale de Lyon, revient sur ce projet et, plus largement, sur l’actualité des école d’ingénieurs.Olivier Rollot : On assiste à beaucoup de fusions d’écoles de commerce, à des rapprochements entre école d’ingénieurs, vous lancez un projet d’une toute autre nature, absolument pluridisciplinaire, pourquoi ?

Frank Debouck: Nous pensons que l’ingénieur de demain, celui qui sort d’une école de premier rang comme la nôtre (NDLR : Centrale Lyon est considérée comme la meilleure école post prépa en dehors de Paris) sera capable à la fois de maîtriser deux grands domaines d’ingénierie et d’être ouvert sur le monde. Qu’il s’agisse de géopolitique, de physique, de mathématiques, de biologie ou même de musique, nous voulons donner à nos diplômés une ouverture supplémentaire. Dès la rentrée 2013, les élèves des cinq écoles auront la possibilité de suivre des cours dans les écoles membres.

O. R : Cinq grandes écoles qui se rapprochent cela semble loin de la volonté unificatrice des PRES autour des universités ?

F. D : Sans le PRES Université de Lyon nous ne nous serions pas rencontrés avec les quatre autres écoles. Et le fait de proposer des cursus assez similaires, avec des élèves très travailleurs, nous a permis d’avancer très vite. De par leur taille « humaine », leurs lignes hiérarchiques courtes, nos écoles sont très réactives. Il faut se méfier de la création de « monstres » universitaires qui seraient incapables d’innover.

O. R : Mais vous comptez travailler avec les universités lyonnaises ensuite.

F. D : Nous allons d’abord monter un programme qui fonctionne avant de l’ouvrir aux universités. Nous comptons aussi travailler avec elles sur d’autres sujets, notamment sur la création d’un bachelor d’excellence. J’ajoute que ce débat incessant sur le supposé éloignement des grandes écoles et des universités est totalement dépassé. Tous nos laboratoires sont communs avec les universités et nous avons de nombreux étudiants qui y sont inscrits pour y suivre des cours.

O. R : On parle aujourd’hui beaucoup d’innovations pédagogiques. Comment travaillez-vous sur ce sujet ?

F. D : Nous avons créé un « Learning Lab » avec l’EM Lyon pour avancer sur des nouvelles manières d’apprendre. Nous travaillons en particulier sur l’attention des élèves, comment la conserver pendant deux heures de cours, comment travailler en équipe, être créatifs. Nos professeurs sont évalués une fois par an par les étudiants et cela doit être l’occasion de faire évoluer sa pédagogie. Sans pour autant nécessairement faire appel aux nouvelles technologies : un de nos jeunes enseignants est dans le « top 5 » des professeurs les plus appréciés par les élèves alors qu’il travaille avec un tableau et une craie. Mais il a ce « truc » qui fait que les étudiants se passionnent pour son cours.

O. R : Le profil des étudiants des écoles d’ingénieurs évolue. Qu’en est-il chez vous ?

F. D : Nous avons 90% d’élèves issus de prépas et environ 10% de licence qui entrent directement en deuxième année du cycle ingénieurs. La sélection en prépa fonctionne très bien mais tous les bons éléments n’y sont pas forcément. Nous voudrions donc élargir nos promotions (de 380 à 415 élèves) pour accueillir plus d’étudiants issus de l’université. Nous devons nous élargir. Dans le master Idea, que nous proposons avec l’EM Lyon, nous avons ainsi reçu cette année trois étudiants issus de l’Institut du service civique de Martin Hirsch qui avaient démontré l’excellence de leur engagement.

O. R : Des étudiants qui viennent de toute la France.

F. D : Bien sûr. Et pas seulement. Si nous travaillions avec un recrutement régional nous ne serions plus une grande école. Nos étudiants viennent aussi bien d’Alsace que de Rennes ou même de Casablanca. Et sans aucun problème d’adaptation. Ceux qui ont parfois des problèmes de mal être sont… Lyonnais. L’année dernière l’un deux a ainsi préféré partir à l’École centrale de Nantes où il est parfaitement heureux.

O. R : On reproche souvent aux grandes écoles d’être fermées aux profils les moins favorisés. Où en est votre ouverture sociale ? Et qu’en est-il des femmes, souvent peu présentes dans les écoles d’ingénieurs ?

F. D : Nous sommes très fiers de compter un quart de femmes. Quant aux boursiers,  ils sont entre 25 et 30%. Un pourcentage sans doute plus facile à atteindre dans des écoles d’ingénieurs, qui sélectionnent sur le niveau en sciences, que dans des écoles de commerce qui privilégient la culture générale ou les langues. Je voudrais insister sur cette formidable chance que la France offre à ses enfants : des études d’excellence dans des grandes écoles avec des droits de scolarité limités : 596 euros par an chez nous.

O. R : Vous avez ouvert une filière en apprentissage. Favorise-t-elle l’intégration de tous les profils ?

F. D : C’était effectivement notre but premier. Dans les faits on se rend compte que l’intérêt ou non des étudiants pour l’apprentissage est avant tout lié à leur profil. Certains, peut-être plus murs, se sentent mal à l’aise dans un cursus académique classique et veulent plus de pratique sans que ce soit pour autant lié aux questions d’argent.

O. R : Comment vous positionnez vous à l’international ?

F. D : Nos étudiants doivent obligatoirement partir trois mois à l’étranger et tous parlent assez bien anglais, même si nos cours sont à 80% en français Nous recevons également une cinquantaine d’étudiants étrangers dans chaque promotion, dont douze Chinois, douze Brésiliens et autant d’Européens.

O. R : Les grandes écoles aiment parler entrepreneuriat mais, dans les faits, peu de leurs étudiants créent effectivement des entreprises. Qu’en est-il chez vous ?

F. D : Environ 5% de nos diplômés créent leur entreprise. C’est déjà un excellent chiffre mais nous souhaiterions passer à 10%. Ce qui n’est pas simple car nos étudiants ont la chance de trouver facilement un emploi et n’ont donc pas forcément envie de prendre des risques. Cela demande des compétences qu’on ne sait pas forcément encore très bien développer mais sur lesquelles nous travaillons avec l’EM Lyon.

O. R : Autre voie dont on parle aujourd’hui, le doctorat ne semble pas vraiment encore séduire les futurs ingénieurs. Qu’en est-il à Centrale Lyon ?

F. D : Eh bien 14% de nos diplômés poursuivent en doctorat, un chiffre bien supérieur à ce que nous attendions, même si nous souhaitons monter à 20%. Ce doctorat ils ne le suivent d’ailleurs pas forcément chez nous et nos 220 doctorants viennent de partout. Je crois d’ailleurs qu’il est préférable de suivre son doctorat dans une autre école que celle où on est devenu ingénieur. Quant au profil des doctorants, il y en a deux bien différents : d’un côté des jeunes qui ne savent pas très bien ce qu’ils veulent et préfèrent le « confort » d’un labo à l’entreprise, de l’autre ceux qui se projettent différemment dans l’entreprise, souvent parce qu’ils veulent effectuer une carrière européenne où le doctorat apporte une vraie plus-value, notamment en Allemagne.

O. R : On sait que l’insertion professionnelle des ingénieurs est excellente. Dans quels secteurs vont travailler les diplômés de Centrale Lyon ?

F. D : Un peu tous, en tout quinze à vingt sans qu’aucun ne prédomine vraiment. Nous avons ainsi 5% de nos diplômés qui se lancent dans la finance, 6 à 7% dans le conseil, mais davantage dans pharmacie, l’aéronautique ou l’automobile. Nos étudiants font preuve de beaucoup de curiosité et savent profiter des opportunités qui leur sont ouvertes. Au bout de dix ans de travail, près de la moitié de nos anciens ont une expérience internationale et un tiers sont installés à l’étranger.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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