ECOLES DE MANAGEMENT

« L’avenir des formations bac+3 devrait être l’un des enjeux de la campagne présidentielle » : Jean-François Fiorina (Grenoble EM)


Toujours en discussion sur son alliance avec l’EM Lyon, Grenoble EM n’en avance pas moins sur bien d’autres dossiers avec, par exemple, une implantation dès janvier à Berlin. Mais c’est bien le dossier des recrutements postbac qui est aujourd’hui le plus cruciale selon son directeur adjoint, Jean-François Fiorina.

Olivier Rollot (@ORollot) : En juin vous annonciez que les contours de votre alliance avec l’EMLyon seraient précisés en octobre. Nous y sommes et on ne voit rien venir. Où en êtes-vous ?

Jean-François Fiorina : Pour nous, comme pour Lyon, comme annoncé dans leur conférence de presse, la fusion n’est pas la bonne forme à donner à l’alliance. Nous travaillons sur une alliance type Renault-Nissan et donc sur les synergies sur nos points forts. C’est une alliance offensive pour répondre à la concurrence internationale.

O. R : Vos concurrents sont donc de plus en plus en dehors de France ?

J-F. F : La grande université suisse qu’est l’EPFL compte aujourd’hui 1000 étudiants français. De très bons étudiants, qui auraient autrefois fait une très bonne prépa préfèrent aller là-bas que d’entrer dans le système CPGE/grandes écoles. Et qu’on ne nous parle pas du coup des formations à l’étranger : la Suisse présente un rapport qualité/prix imbattable et quand les universités américaines veulent attirer de très bons étudiants étrangers elles leur donnent des bourses qui couvrent très largement le coup des études. C’est sur ces sujets qu’il faut se battre !

O. R : L’enjeu majeur dans la compétition se joue aujourd’hui dès le postbac ?

J-F. F : L’avenir des formations bac+3 devrait être l’un des enjeux de la campagne présidentielle. Les IUT vont bientôt proposer leur dispositif en trois ans, les universités se demandent comment se positionner face aux bachelors et les CPGE quel avenir a le bac+2 dans cet ensemble tourné vers le bac+3.

O. R : Avec son « école du management et de l’innovation », Sciences Po est-il un concurrent redoutable ?

J-F. F : Il l’est depuis longtemps et s’affirme encore plus en rassemblant ses masters en management dans un ensemble cohérent qui peut particulièrement séduire ceux qui veulent « faire du business sans le grand capital »… La force de Sciences Po c’est de constituer des unités de marketing et de gestion par grands domaines dans une université qui a finalement peu de professeurs selon les standards internationaux.

O. R : Avez-vous des projets d’installation de nouveaux campus à l’étranger ?

J-F. F : Nous nous installons en janvier à Berlin où nous transférons une partie des activités que nous avions développé à Londres. C’est une décision que nous avions prise dès avant le Brexit en constatant que les autorités britanniques délivraient de moins en moins facilement de visas aux étudiants internationaux. Il nous fallait alors choisir une ville à forte valeur d’image et nous avons opté pour Berlin qui nous permet également d’être une porte d’entrée vers les pays de l’Est et d’être proches de toutes les start up qui s’y développent. Mais nous restons également à Londres, où nous avons beaucoup d’activités, d’autant que la baisse de la livre sterling fait mécaniquement baisser nos coûts.

Maintenant la question que risquent de se poser des universités britanniques qui vont avoir de plus en plus de mal à attirer des étudiants sur leur sol c’est de s’implanter ou pas en Europe où elles seront des concurrentes redoutables.

O. R : Avec cette concurrence exacerbée dans le postbac, quel scénario imaginez-vous pour les CPGE économiques et commerciales dans les années à venir ?

J-F. F : Il y en a plusieurs. Dans le premier les CPGE sont polarisées sur les deux extrêmes : d’un côté de très bonnes prépas qui mènent aux meilleures écoles, de l’autre des prépas de moins bon niveau qui reçoivent des élèves qui veulent juste éviter l’université et faire plaisir à leurs parents. Le grand danger étant que les élèves intermédiaires, les bacs S mention Bien, se demandent alors si la prépa en vaut vraiment plus la peine qu’un bachelor ou un départ à l’étranger.

Le deuxième scénario c’est le contournement pour des étudiants de prépas qui, maintenant tous inscrits à l’université, ayant raté de peu une entrée dans l’une des parisiennes, peuvent être tentés de ne plus tenter les concours et de s’inscrire à l’université pour y obtenir une licence et finalement intégrer une grande école par le biais des admissions sur titre.

O. R : Une évolution des épreuves des concours post prépas vous paraît-elle envisageable ?

J-F. F : Nous aimerions privilégier des épreuves qui ne soient pas de la récitation. Nous avions par exemple proposé la création d’une épreuve de géopolitique et de mise en perspective ou la réalisation par les élèves de prépas de travaux en TP qu’ils auraient pu présenter mais cela n’a pas été accepté car cela irait à l’encontre d’un système où les étudiants sont ultra préparés. Les traditions bloquent le système tout autant que l’attitude ambiguë de l’Education nationale qui est partagée entre la fierté qu’elle éprouve pour les prépas et son inquiétude sur leur coût supposé.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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