ECOLE D’INGÉNIEURS

Numérique : les formations se multiplient

Le numérique recrute et le fait savoir. Réunies au sein du syndicat professionnel Syntec Numérique, les entreprises de service numériques (les ex SSII) ont ainsi contribué à la création d’une association de promotion de leurs métiers et des filières qui y mènent : Pasc@line. « Nous travaillons également sur l’adéquation des formations avec les besoins des entreprises de façon à les faire évoluer », explique Noël Bouffard, le président de Pasc@line et directeur délégué à la direction générale de Sopra, une entreprise du numérique qui recrute quelques 1700 personnes par an dont une très grande majorité de jeunes diplômés. Un véritable enjeu pour cette entreprise comme pour toutes celles, pas seulement dans les services, qui peinent encore à trouver les profils « numériques » dont elles ont besoin. Mais aujourd’hui des formations voient le jour à la vitesse du web.

Des écoles d’ingénieurs plus ou moins spécialisées

Dans son classement des meilleures écoles d’ingénieurs du numérique, L’Usine digitale plébiscite cette année Télécom ParisTech devant une école moins renommée mais qui monte d’année en année : l’Isep. « Le numérique est aujourd’hui omniprésent, par exemple dans l’aéronautique comme dans la robotique, la santé comme dans la finance, deux secteurs dans lesquels nous développons aujourd’hui des parcours spécifiques », explique Michel Ciazynski, son directeur général.

Le numérique est partout et de plus en plus d’écoles y forment comme l’Epita, l’Efrei, Télécom ParisTech, l’Isep, l’ECE, Supélec ou l’Ensimag dans l’informatique « pure ». « Les écoles d’ingénieurs spécialisées forment environ 6 000 des 8 000 ingénieurs que nous recrutons chaque année, les autres viennent d’écoles plus généralistes », commente Noël Bouffard. Car nombreux sont également les spécialistes du numérique à être aujourd’hui diplômés des Écoles Centrales ou de Polytechnique tant le secteur recrute largement et tant les dimensions numériques sont aujourd’hui présentes partout.

De nombreuses formations universitaires

Si les écoles du numérique font aujourd’hui beaucoup parler d’elles, les universités possèdent également des formations de grande valeur. Directement dans le numérique, il existe des licences professionnelles comme celle de l’université de Cergy Pontoise de Développeur web de systèmes d’information et multimédia. Plus larges et de niveau master (bac+5), les filières MIAGE (méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises) sont ainsi particulièrement renommées un peu partout en France.

Pour autant une entreprise comme Sopra, qui ne recrute que des titulaires d’un master et plus, privilégie les écoles d’ingénieurs. « Les masters universitaires n’ont pas encore développé tous les liens avec les entreprises qu’ils devraient avoir. Les stages ne sont pas toujours obligatoires et il n’y a pas toujours un responsable des relations entreprise », remarque Noël Bouffard.

Des écoles 100% informatique

Avec la création de son école d’informatique 42, Xavier Niel a voulu démontrer qu’un industriel comme lui manquait tellement de professionnels bien formés qu’il était prêt à monter sa propre école. Et quel spectacle que ces 900 ordinateurs Apple sur trois niveaux dans son école du boulevard Bessières à Paris, de ses étudiants qui travaillent si tard le soir qu’ils dorment le matin et de ces serviettes de bain dans les couloirs après qu’ils y aient pris leur douche… « Nous sommes une école 24/24 », explique Fabienne Haas-Boudahout, la directrice des relations entreprises venue, comme une grande partie de l’équipe de 42, d’une autre école d’informatique : l’Epitech (groupe Ionis).

42, Epitech, deux écoles qui laissent une grande part à l’autonomie de leurs étudiants avec des locaux pratiquement toujours ouverts et une forte incitation à créer sa propre entreprise. Mais leurs cursus n’en sont pas pour autant totalement semblables : celui de 42 dure trois ans et celui de l’Epitech cinq. « Cela permet à nos étudiants de monter des projets de plus en plus ambitieux et notamment le projet « EIP » (Epitech Innovative Project) », explique Emmanuel Carli, le directeur général du groupe Epitech. Clôturant le cursus, ce projet donne l’occasion aux étudiants de quatrième année de travailler pendant dix-huit mois par groupe de cinq à sept pour monter un projet réel qui peut déboucher sur la création d’une entreprise.

Informatique et management

Des écoles mêlant informatique, design ou encore management, comme la Web School Factory, Sup Internet ou, la dernière créée, Wis (Web International School), se développent également. « Nous nous adressons à tous ceux qui ont compris que le numérique était présent partout pour former une nouvelle race de managers, qui vont posséder les fondamentaux du numérique mais aussi des dimensions commerciales et créatives.», explique Anne Lalou, la directrice de la Web School Factory, dont le cursus en cinq ans postbac s’organise donc autour des techniques numériques avec des spécialisations en design, e-business ou technologies. Mixte dans ses approches, la Web School Factory a été créée à partir des expertises de trois écoles du groupe Studialis : l’ESG (gestion), Hétic (Internet) et Strate Collège (design).

L’IT Paris Eiffel, l’école informatique du groupe ECE, prépare à la fois à des BTS informatique (services informatiques aux organisations, systèmes numériques) et à des bachelors de niveaux bac+3 et bac+4. « Nous formons aussi bien personnes qui cherchent un parcours très technique, avec notre bachelor professionnel informatique, comme d’autres qui veulent également une dimension plus managériale avec notre bachelor technologique international », explique Sandra Israël Nicolas, la directrice de l’école. Dans ce dernier cursus, elle entend « former les managers du numérique pour des projets techniques et commerciaux ». Le tout en insistant sur la dimension humaine de ses étudiants : « En faisant travailler des « geeks » sur leur confiance en soi on en fait de véritables « bombes atomiques » pour l’entreprise capables de communiquer et fédérer les équipes ! »

Numérique et médias

La nécessité de marier des compétences croisées est également à la base de la création de Wis sur le berceau duquel se sont penchés quatre écoles du groupe Compétences et développement. Les élèves pourront y choisir les modules qu’ils souhaitent étudier : développement web avec l’Epsi, e-commerce avec l’Idrac, start up avec l’Ifag et communication avec Sup’ de Com’.

Cette dimension « médias » est également souvent présente dans les formations numériques. Destinée à accueillir des étudiants passionnés par la communication et les médias témoignant une « motivation particulière pour le numérique », SciencesCom, l’école de communication du groupe Audencia, ouvre ainsi à la rentrée 2014 une spécialisation en apprentissage pour former au métier de « Manager en stratégie digitale ».

Problème : les filles se méfient des geeks

L’un des problèmes de la plupart des écoles du numérique est qu’elles reçoivent encore assez peu de filles : 42 en annonce 10% alors que les entreprises du numérique n’en recrutent qu’entre 10 et 15% de leurs effectifs chaque année. « Il y a là une marge de progression énorme pour nos entreprises qui sont très demandeuses de profils féminins qui ne se tournent pas assez aujourd’hui vers l’informatique », regrette Noël Bouffard. Mais les filles préfèrent la biologie ou la médecine après un bac S. « On a autant à faire avec la problématique de l’humain quand on travaille dans l’informatique que dans l’agro-alimentaire ! », assure Brigitte Plateau, administrateur général du groupe Grenoble INP. Elle même informaticienne elle se souvient que, quand elle a commencé ses études, il y avait autant de femmes que d’hommes : « Ensuite tout a changé avec l’image du geek asocial puis l’idée que l’informatique allait se délocaliser ».

Il faut sans doute sortir d’une formation 100% informatique pour attirer plus de filles. Tel est en tout cas le constat de Laurent Espine, le directeur de l’Epsi et de Wis : « Nous n’avons que 13% de filles à l’Epsi mais nous constatons déjà qu’elles sont beaucoup plus nombreuses dans une formation certes centrée sur le numérique mais plus généraliste ».

Quels profils ?

Si le bas S reste bien entendu la voie royale, d’autres bacs peuvent également permettre d’entrer dans les écoles du numérique. Chez 42 on annonce même que 40% des élèves n’ont aucun diplôme ! Mais, faute de bac S, mieux vaut d’abord être titulaire d‘un bac STI2D (ex-STI) qui permet même d’intégrer certaines écoles d’ingénieurs. « L’Epsi recrute 50% de bac pour 20 à 25% de STI2D mais également quelques ES, voire des L », explique Laurent Espine, dont l’école peur même accueillir des titulaires d’un bac pro ayant obtenu un BTS : « Nous leur proposons alors une reprises des compétences qui leur manquent, notamment en mathématiques ».

Sinon, tous les profils ont leur place dès que les écoles sont moins centrées sur l’informatique. « Nous recrutons tous les profils ambitieux et ils peuvent aussi bien être titulaires d’un bac S que STG, sortir de prépa ou de médecine », explique Anne Lalou.

Une pédagogie fondée sur le projet et l’entreprise

Dans la plupart des écoles du numérique, la pédagogie est fondée sur le projet : les étudiants se voient confier une mission et doivent trouver les compétences qui vont leur permettre d’avancer. Une approche qui correspond bien à la mentalité des jeunes du numérique. « Nous avons pu constater qu’une démarche « inductive » était efficace : les jeunes décrochent moins quand ils suivent un cours traditionnel s’ils voient son utilité pratique dans leur travail. La pédagogie par projet c’est ça : donner envie d’apprendre en cours pour résoudre des problèmes pratiques », explique Michel Ciazynski, directeur général de l’Isep.

Les cursus se veulent également très proches des entreprises. Un tiers du temps pédagogique de la Web School Factory est ainsi consacré à des projets montés conjointement par les entreprises et l’école. L’Epitech vient de créer un « hub d’innovation » pour mettre en contact entreprises et étudiants autour de projets innovants. « 140 de nos 1200 élèves créent chaque année leur entreprise », relève Laurent Espine. L’autre dimension du numérique !

Previous ArticleNext Article
Avatar photo
Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Send this to a friend