ECOLE D’INGÉNIEURS

L’Ecole de biologie industrielle racontée par celle qui l’a fondée : Florence Dufour

25 ans après sa création, l’Ecole de biologie industrielle (EBI) s’est installée dans le paysage des écoles d’ingénieurs en y cultivant sa forte spécificité : former les cadres des industries du parfum ou de la pharmacie dans tous les domaines. Rencontre avec celle qui a fondé et dirige toujours l’école : Florence Dufour.

Olivier Rollot : Vous êtes l’un des rares directeurs qui peut dire « cette école je l’ai fondée ! ». C’était en 1992. Comment vous est venue l’idée de créer l’Ecole de biologie industrielle ?
Florence Dufour : A l’époque j’étais chercheur chez Lafarge Coppée en biotechnologies. Je savais que des industriels comme L’Oréal se posaient beaucoup de questions sur leur recrutement, les profils de biologistes ou pharmaciens étant trop peu portés vers l’industrie. Il y avait donc la place pour une école dans cette spécialité. Nous nous sommes installés à Cergy parce qu’elle était à l’intersection de beaucoup de sièges sociaux et des pôles industriels de Chartres et Rouen. De plus nous avons longtemps été membres de l’Institut polytechnique Saint-Louis aux côtés d’écoles qui s’étaient installées avant même la création de l’université de Cergy-Pontoise, comme l’Essec, en étant soutenues par le département et la ville. Nos locaux ont d’ailleurs été fournis par le département du Val d’Oise de 1992 à 2016, date à laquelle nous nous sommes installés dans nos propres locaux.

O. R : L’école s’est développée très vite !
F. D :
Dès la première année nous recevions 120 étudiants sur trois promotions. Ils sont aujourd’hui 750. Il nous a fallu ensuite sept années pour être habilités, en 1999, par la Commission des titres d’ingénieurs (CTI), nous avons été reconnus par l’Etat en 2000 et fait notre entrée au sein de la Conférence des grandes écoles en 2009 puis l’Union des grandes écoles indépendantes en 2011.

O. R : Il y a un an vous avez inauguré de nouveaux bâtiments.
F. D :
Nous disposons aujourd’hui de 6000 m2 de locaux de recherche et d’enseignement, dont 1000 m2 destinés à nos laboratoires, et d’un hectare de terrain. L’université de Cergy dont le pôle de Sciences était né là en 1992 n’en avait plus l’usage. Nous avons pu reprendre ce très beau bâtiment dont l’architecte est le même que celui qui a conçu l’opéra de Shanghai. Un bâtiment très bien conçu avec de la place pour de nombreux laboratoires au sein d’un quartier à la fois populaire et riche en entreprises comme Mérieux, Clarins, Matis, etc. Ce bâtiment, l’association de l’EBI a même pu l’acheter – trois millions d’euros – avec nos fonds propres. Nous avons emprunté – 2,4 millions d’euros – pour réaliser les travaux nécessaires.

O. R : Ce nouveau bâtiment va-t-il influer sur votre stratégie ?
F. D :
Ce déménagement a été l’occasion pour nous projeter avec nos personnels et nos étudiants sur ce que devait être notre vie dans ces nouveaux locaux. Le deuxième étage est ainsi réparti entre des salles interactives classiques et des locaux dédiés à des entreprises incubées ou à des entreprises ayant fondé une chaire. Nous sommes par exemple partenaires avec les pipettes Gilson pour construire des modules de formation permanente alors que Mérieux Nutrisciences réfléchit avec nous à la construction d’un parcours technique co-diplômant.

O. R : A quels métiers prépare exactement l’EBI ?
F. D :
C’est au milieu du cycle ingénieur que nos élèves choisissent de travailler dans la conception, la qualité, le marketing, les procédés de production… toutes disciplines auxquels nous les avons préparés dans le cadre de nos cinq majeures. Mais nous tenons à que tous aient des bases dans les cinq majeures et ils suivent beaucoup de cours ensemble. Et ils doivent être bons partout parce que nous ne pratiquons pas la compensation des notes.

Travailler tous ensemble leur permet également de se constituer des réseaux transversaux. 90% de nos diplômés travaillent dans des entreprises industrielles, essentiellement dans la cosmétique ou la pharmacie. Ils y sont d’autant bien préparés que nous fabriquons des lots – de cinq kilos – de médicaments et de cosmétiques dans nos laboratoires.

O. R : On imagine que ce vos élèves sont majoritairement des filles ? Et venant de S ?
F. D :
A 80%. Nous sommes même l’école d’ingénieurs qui reçoit le plus de filles en France ! Et la plupart viennent effectivement de S même si nous recevons un ou deux titulaires d’un bac STL chaque année auxquels nous donnons des cours de soutien. Les candidats postulent sur admission-postbac dans le cadre du concours Alpha.

O. R : Vous formez vos élèves à d’autres compétences que techniques ?
F. D :
A la prise de parole – même en anglais ! – à la danse ou au théâtre s’ils sont volontaires. Ils peuvent être suivis par des coachs en MBTI. La totalité de nos élèves sont aussi amenés en quatrième année à créer des produits et à imaginer une création d’entreprise dans un secteur tiré au sort. Ensuite un professeur les coache et les accueille dans son laboratoire pendant quatre mois. Il faut posséder beaucoup d’outils pour réussir une carrière de 45 ans en restant créatif et performant !

O. R : Vos étudiants viennent d’ailleurs de gagner le concours Enactus. De quoi s’agit-il ?
F. D :
Le projet Enactus entend « favoriser le projet sociétal par l’action entrepreneuriale ». Nos étudiants l’ont emporté cette année pour la France en pérsentant un purificateur d’air pour protéger les enfants, BARNABAIR, et une lessive « naturelle mais efficace » des MAMIES CENDRINES. L’année prochaine ils seront suivis dans l’incubateur du Val d’Oise pour monter leur entreprise et ont déjà le statut d’étudiants entrepreneurs.

O. R : C’est une particularité unique de l’EBI : vous possédez un laboratoire d’« évaluation sensorielle ». Expliquez-nous.
F. D :
Il s’agit de connaître la satisfaction sensorielle engendrée par un produit. 200 de nos élèves deviennent panélistes en suivant un cursus de dix-huit mois dédié aux techniques d’évaluation à partir de leur première année ingénieur. Ils doivent être capables de décrire précisément les sensations créées par le toucher d’un produit qui va du parfum à l’intérieur d’une voiture. Nous avons même créé le référentiel « EBI Touch » utilisé par les entreprises cosmétiques dans le monde entier ! Nous sommes partenaires avec Renault pour les voitures et utilisons leur référentiel « Senso Tact » pour évaluer les matériaux et les emballages.

Et le sujet n’est pas que marketing. Cela va jusque dans le domaine de la santé. Demain, notamment avec le développement des maladies chroniques il faudra aussi donner des sensations de toucher ou de goût aux médicaments pour qu’ils dégagent des émotions positives et soient totalement acceptables.

O. R : La dimension internationale est-elle importante à l’EBI ?
F. D :
En anglais, nos élèves ont à 86% un score supérieur à 785 au TOEIC dès leur première année ingénieur. Notre troisième année est dispensée à 80% en anglais. Ils sont tellement motivés qu’ils ont créé un TOEIC spécifique à l’école. Ils passent tous un semestre à l’étranger et 75% des stages du cycle ingénieur se déroulent à l’international.

Notre prochain défi c’est de faire venir des étudiants étrangers – ils sont six cette année pour une promotion de 140 – et nous avons aussi besoin pour cela d’avoir plus de professeurs internationaux.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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