ECOLE D’INGÉNIEURS, ECOLES DE MANAGEMENT, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, UNIVERSITES

L’enseignement supérieur à l’ère des marques

La récente transformation de l’Inseec business school en Insignis business school a remis un coup de projecteur sur la nécessaire gestion des établissements d’enseignement supérieur en tant que marques. Si les écoles de management ont été précurseur sur le sujet, écoles d’ingénieurs et même universités s’en sont depuis largement emparées par le prisme des PRES puis aujourd’hui des Comue ou des réseaux. « Il y a bien longtemps que nous travaillions ensemble mais c’est pour mettre encore plus avant notre marque que nous venons de créer le Groupe INP », explique ainsi la présidente du tout dernier réseau à se structurer, Brigitte Plateau.

Il faut avoir sa propre identité !

Insignis a vu le jour pour imposer son identité au sein d’un groupe Inseec toujours plus large mais aussi pour obtenir les accréditations internationales. L’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), à laquelle Insignis postule, appelle cela la « branding distinctiveness », la nécessité de bien séparer les programmes pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre la business school et d’autres par exemple. On retrouve ce mouvement de distinction partout dans le monde comme l’explique le grand spécialiste des marques Jean-Noël Kapferer (retrouvez toute son intervention sur le site d’Insignis) : « Regardons les plus grandes business schools aux USA, celle de Northwestern University s’appelle Kellogg, celle de New York University est Stern, celle de l’Université de Pennsylvania est Wharton. Dès lors qu’une université s’étend dans son offre, la diversité crée des besoins d’identification des parties, comme au sein d’une famille, chaque enfant veut se faire un… prénom et ne pas être simplement décrit au sein d’une gamme ».

Mais cette identité dépend également de la capacité de la marque à être identifiée par une communauté dans laquelle les alumni jouent un rôle crucial, explique Loïck Roche, directeur de Grenoble EM et président du chapitre des grandes écoles de management, sur son blog. Si quelques-unes, parmi les plus grandes, parviennent à créer un réseau d’anciens puissant, beaucoup en sont encore loin constate Loïck Roche car « les conditions de la mise en place du pilier central — l’accompagnement tout au long de la vie professionnelle des Anciens — n’ayant jamais été réunies ou même pensées ».

A l’heure des fusions, comment choisir ?

Il aura fallu dix ans pour que l’école née en 1999 de la fusion de l’ESCP et de l’EAP s’appelle ESCP Europe et renonce ainsi à une double identité (ESCP-EAP) devenue obsolète. Mais en 1999 un choix unique – renoncer à l’une des marques ou même aux deux -, s’était définitivement révélé impossible. Aujourd’hui Centrale et Supélec ont adopté la même solution mais il y a gros à parier que seule Centrale Paris, en passe de s’imposer comme une marque mondiale, survivra à terme.

Engagées dans des fusions, les écoles de management françaises présentes sur plusieurs sites ont choisi des noms génériques prononçables dans toutes les langues (Kedge, Neoma, etc.) mais ont, au passage, perdu un peu de leur identité régionale et même française comme le leur reproche parfois The Financial Times. Parce que la fusion est une chose, le choix d’un nom qui rassemble les parties sans en offusquer aucune une autre. La fusion entre l’université Paris Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) et l’université Paris Est Marne-la-Vallée (UPEM) est bien engagée, mais nul ne sait encore quel sera son nom alors que leur Comue porte déjà le nom d’Université Paris-Est…

Quel nom pour les Comue ?

A Paris, plusieurs Comue se sont logiquement emparées du nom Sorbonne (Sorbonne Paris Cité, Sorbonne Universités) quand d’autres ont préféré – parfois laborieusement – expliquer ce qu’elles faisaient avec Paris sciences et Lettres (PSL) ou heSam. Mais quel sens a aujourd’hui cette dernière Comue avec le départ des écoles qui faisaient le « he » de début (pour « hautes études ») ? Pourquoi s’être passé, en dehors du « S » du sigle, de la marque « Sorbonne » connue dans le monde entier ?

Dans le reste de la France, les ensembles ancrés sur une ville ont pris son nom (Université de Lyon) ou se sont étendues sur leur territoire (Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées). La future Comue de Bretagne et des Pays de la Loire prendra le nom des deux régions (qui restent inchangées dans le cadre de la réforme territoriale) mais comment va bien pouvoir s’appeler la Comue qui réunira les établissements de Poitiers, Tours, Orléans ou encore La Rochelle ?

Une marque pour rester dans la course

Comme le confie encore Jean-Noël Kapferer « il y a marque quand il y a risque ». Le retour sur investissement qu’attendent les étudiants en choisissant tel ou tel établissement, les entreprises en les recrutant, est plus que jamais crucial. Pour les conquérir et les séduire explique-t-il, en France et de plus en plus à l’étranger, le « besoin de “marques” au sens étymologique, c’est à dire de “repères de la valeur” » est un marqueur fort d’une époque de questionnements.

Le tout sur des marchés où la force de réseaux portés par les plus jeunes est telle que le moindre faux pas peut rapidement prendre des conséquences catastrophiques. L’échec brutal de France business school a montré à tous combien des marques, pourtant apparemment bien installées, pouvaient être quasiment détruites en très peu de temps pour peu qu’on en brouille le message. Et la marque !

Olivier Rollot (@O_Rollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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