ECOLES DE MANAGEMENT

Les IAE à la croisée des chemins

Les 31 instituts d’administration des entreprises français vont bientôt fêter leurs 60 ans. Et, sur le papier, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ne réunissent-ils pas aujourd’hui près de 40 000 étudiants, dont 4 000 en alternance et 10 000 en formation continue ? Ne sont-ils pas largement autofinancés, notamment grâce justement à cette formation continue ? Oui mais intéressent-ils tant que cela les présidents d’université autonomes ? Comme les IUT, ne risquent-ils pas d’être les grands oubliés d’une autonomie dans laquelle leurs spécificités – enseignement d’une discipline à part, la gestion, rapports privilégies avec les entreprises, impact important de la formation continue – les rendrait peu lisibles aux yeux de l’université classique ?

Un modèle à pérenniser

Pour éviter d’être ostracisés, les IAE demandent aujourd’hui, dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur, leur « reconnaissance institutionnelle par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche » et « l’application stricte par les universités du cadre réglementaire lié à leur statut d’écoles et d’instituts internes ». Sous-entendu, ce n’est pas le cas aujourd’hui… Et nous voilà dans un nouveau et superbe paradoxe bien français : quand des institutions fonctionnent bien de l’avis de tous (les IAE, les IUT, hier les IUP) il faut forcément que quelques âmes chagrines leurs mettent des bâtons dans les roues…

Les accréditations nécessaires

Tout cela alors que les IAE doivent répondre à de nouveaux défis, notamment en termes d’accréditations, dont l’obtention est absolument indispensable pour accueillir des étudiants internationaux. Or aujourd’hui seul l’IAE d’Aix-en-Provence est à la fois accrédité Equis et AMBA pour son MBA. Les IAE de Lyon 3 et Toulouse ont eux le label Epas. Les 28 autres n’ont aucun de ces labels nécessaires pour se mesurer aux toutes meilleures business schools françaises.

Une recherche insuffisante ?

Mais pourquoi les IAE ne parviennent-ils sont-ils pas plus reconnus par les organismes internationaux ? La réponse peut sembler étonnante. Professeur à l’université Paris XIII, Jean-Michel Courtault s’est penché en 2010 sur la recherche en économie et gestion dans les universités et les écoles de commerce, paramètre indispensable pour prétendre à une accréditation. Il y relève notamment que les écoles de commerce, peu actives en matière de recherche il y a encore une vingtaine d’années, ont rattrapé leur retard, s’imposant comme des acteurs majeurs de la recherche.

Et c’est paradoxalement là que des IAE universitaires ont semble-t-il le plus de retard à rattraper. Alors qu’ils ont fondé leur réussite sur la présence de nombreux vacataires professionnels, il leur faut en effet  intégrer aujourd’hui plus d’enseignants chercheurs pour booster leur recherche. Tout cela sur un marché hyper compétitif où on ne forme que 180 docteurs en sciences de gestion par an quand il en faudrait 250. C’est dire s’ils ont besoin d’être bien considérés par leur université de rattachement…

Olivier Rollot (@O_rollot)

 

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

4 Comments

  1. Cher Mr Rollot,
    Il est vrai que beaucoup d’IAE sont mal considérés par les universités qui les hébergent et ont souffert d’une réduction de leur autonomie face aux nouveaux super-présidents des universités.
    Une remarque cependant : on ne forme pas 180 docteurs en gestion par an en France, mais environ le double. Le problème est plutôt qu’aujourd’hui ils préfèrent aller en école qu’à l’université.

    1. Cher Monsieur, je tenais ce chiffre d’une source qui me paraissait sure. En tout cas la pénurie est telle que certains écoles de management ont créé leurs propres programmes : comme par exemple l’ECRICOME PhD Universa.
      Merci en tout cas pour votre intérêt.
      Olivier Rollot

  2. En plus de ce qui est mentionné dans l’article, les
    IAE ne sont connus par personne en dehors de ceux qui y étudient. Et chaque IAE prêche pour sa paroisse autant en terme de diplôme que de contnus et autres certifications. Une fédération des ADIAE a été créée pour tenter de mutualiser les actions des ADIAE mais en pratique pas grand chose ne se passe. Chaque association d’anciens fait payer ses propres cotisations mais faute de moyens et de plus value,très peu d’anciens cotisent. Et beaucoup galèrent pour trouver leur stages et leur premier job faute d’aide suffisante de leur IAE. Tant qu’une base globale des anciens de tous les IAE ne sera pas créée en ligne avec cotisation unique et base de job unique, les anciens continueront à la jouer perso pour leurs recherches d’emplois et l’entraîde inter dplômés des IAE n’existera pas sur le marché de l’emploi. Certes Paris et Aix arriveront toujours à tirer leur épingle du jeu mais quid des autres IAE qui ont souvent les même profs que ceux des ESC mais pas les moyens de leurs ambitions. Ceci dit il reste un point positif à la confidentialité des IAE. La délivrance de masters de qualité à bas prix et de diplômes à hautes techinicité (entreprenariat,informatique,comptabilité…) qui séduisent les recruteurs qui cherchent des profils moins formatés (et moins chers) que ceux des grandes écoles. A titre d’exemple nombreux sont les étudiants de la filière compta/audit qui finissent experts comptables…
    Bref les IAE,malgré toutes leurs lacunes, constituent un vivier essentiel pour les recruteurs et se doivent de conserver leur modèle éducatif atypique pour survivre.

  3. Bonjour Antoine,
    Sur certains points je rejoins votre avis mais je ne serais pas aussi critique !
    Je suis d’accord sur le fait que les IAE soit un vivier énorme pour les recruteurs qui cherchent des personnes moins formatées (moins corporate) et savent réfléchir hors de la boite !
    Je suis aussi d’accord que dans la plupart des IAE on a le même enseignement que les ESC (ancienne appellation) et je rajouterais même que ces fameux professeurs reçoivent moins de directives à suivre sur le message délivré (moins de message corporate) – Il pourrait quand même changer les logos sur leurs supports de cours 🙂 !

    Néanmoins sur le fait que les IAE n’aient pas de notoriétés, cela n’est pas seulement du aux IAE mais aussi aux étudiants qui y sont passés !
    Certes il faut mutualiser les efforts (on revient aux modèles ESC d’il y a 10 ans avant que chacun ne prenne son indépendance) mais il faut aussi créer et diffuser la marque IAE! Ceci n’est malheureusement pas fait donc forcement seuls les connaisseurs savent la plus value et les caractéristique d’un profil !

    A cela il y a des solutions, mettre en place un réseau plus terrain au delà des conseil d’administration (BDE et autres), savoir créer la marque et la vendre (tiens on pourrait même confier ca a des stagiaires en études en IAE) mais aussi retirer un peu la politique de ce réseau que chacun sait sur le point d’être un réseau puissant sur du long terme !
    On pensera un peu plus tard à le diviser par filière (Marketing, Compta, Audit…)
    Bref, cela ne doit pas venir seulement du management, c’est dans les 2 sens :
    – Le management des IAE doit éduquer les étudiants à être fier de leur école et de leur réseau
    – Les étudiants doivent renvoyer la balle et en faire la promotion dans leur entreprise
    Et servons nous de nos ressources internes pour créer une marque unitaire comme depuis 10 ans on a crée des BDE qui font un beau travail dans leurs IAE respectifs, et cela pourrait être confiés à des étudiants soit en projet étudiant, soit en stage !

    L’union fait la force !

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