UNIVERSITES

« L’IDEX est fondamental pour réaliser de nouveaux projets »

En février 2016, la Communauté d’universités et d’établissements (ComUE) Université Grenoble Alpes a été lauréate des IDEX. Une dotation en capital demandé de 650 millions d’euros produisant environ 16 millions d’euros par an d’intérêts, à ajouter aux 10 millions d’Euros associés aux Labex. De nombreux projets ont déjà été financés et l’union entre les composantes (l’université fusionnée UGA, Grenoble INP, Sciences Po Grenoble, ENSAG et les organismes de recherche) avance à grands pas explique Patrick Lévy, son président.

Olivier Rollot : Qu’avez-vous réalisé avec les 13 millions d’euros que vous avez déjà reçus ?

Patrick Lévy : Nous sommes partis pied au plancher et nous les avons dépensés en calant notre action sur notre première dotation de 13M€ pour mobiliser en tout 130 M€ sur des actions de recherche pluridisciplinaire, par exemple. Ce fut une opération scientifique de grande envergure et très sélective : 50 dossiers présentés, 32 gardés, 16 sélectionnés et auditionnés, 7 labellisés. En tout 500 personnels concernés. Le tout très rapidement en confiant les actions de recherche à l’Université Grenoble Alpes et de formation à Grenoble INP. Aujourd’hui nous ne savons pas si nous toucherons les 3 millions  que nous avons sollicités en plus des 13 du préfinancement qui nous permettraient de continuer à avancer. Et dans quatre ans nous ferons le point sur tout ce que nous avons fait et comment nous avons tenu nos engagements pour conserver cette dotation de façon définitive.

16 M€ cela peut sembler faible pour une université dont le budget total est de 650 M€ par an mais il faut bien considérer que 85% de ce budget est représenté par la masse salariale. L’IDEX est fondamental pour réaliser de nouveaux projets et pour cristalliser les dotations venues des collectivités et des entreprises. Nous prévoyons une hausse de 10 à 20% des contrats avec l’industrie dans les années à venir grâce aussi à la visibilité que nous donne l’IDEX. Nous estimions qu’1€ donné dans le cadre de l’IDEX générait en tout 4€ des partenaires. Et en recherche le ratio est de 1 à 10 : avec 13 M€ nous en mobilisons 130 !

O. R : Que vous a apporté l’IDEX ? Quels types de projets financez-vous ?

P. L : C’est un élément essentiel pour créer une vraie complémentarité entre Grenoble INP, Sciences Po Grenoble, l’ENSAG  l’université fusionnée et les organismes de recherche. Le CEA est par exemple très présent dans nos projets. Aujourd’hui tous les masters sont co-accrédités et la recherche est complètement partagée, pour la stratégie comme pour la mise en œuvre.

En tout quatorze appels à projet ont été lancés dont le « Cross Disciplinary Programs », qui représente à lui seul 12 M€, pour soutenir les activités de recherche interdisciplinaire. Notre projet « Initiative de recherche stratégique » doit nous permettre d’être plus attractifs et de permettre aux enseignants-chercheurs de ne pas être débordés par l’enseignement. Mais nous soutenons également des projets de vie étudiante pour lesquels 50 000€ est une grosse contribution.

O. R : Il n’y a pas de Comue sans IDEX ?

P. L : Il y avait une ambiguïté dans la loi de 2013. Le jury IDEX a une vision univoque de ce que doit être une université « intégrée » en demandant un ensemble très cohérent en termes de gouvernance. Mais par essence les communautés dépendent avant tout de ce qu’on met dedans. Elles répondent à une tradition universitaire tout en ayant un rôle politique. C’est difficile pour certaines d’entre elles de répondre à la politique très affirmée du Commissariat général à l’investissement qui demande qu’elles se conforment à un standard international des universités. D’autant que l’Etat n’était longtemps pas clair sur ses intentions.

O. R : Quels axes voudriez-vous privilégier aujourd’hui ?

P. L : D’abord le développement international qui était déjà traité partout bien sûr mais qui avait besoin de plus d’investissement. Une dimension internationale ne se construit pas seulement avec quelques bourses de thèse ou des échanges d’étudiants. Il faut signer des partenariats stratégiques avec de grands établissements dans le monde et cela requiert des moyens. Aujourd’hui nous avons par exemple des discussions aux Etats-Unis à la fois avec Berkeley et Stanford mais c’est sans doute l’université de Pennsylvanie, UPenn, qui pourrait être un partenaire stratégique naturel. Nous pourrions aller plus loin avec plus de moyens après avoir scrupuleusement respecté le pourcentage de notre dotation qui devait être affecté à l’international et qui était assez peu important.

O. R : Tous les projets d’IDEX ne sont pas retenus par le jury. Toutes les Comue ne se portent pas bien. Comment êtes-vous parvenus à unir toutes les composantes universitaires grenobloises autour d’un projet commun ?

P. L : Il existe une forte confiance entre les acteurs. Sans cette confiance il n’aurait pas pu y avoir de processus de fusion des universités grenobloises, qui a demandé des concessions de part et d’autre. C’est un symbole fort d’avoir à sa tête une personnalité issue de l’université de lettres et sciences humaines avec Lise Dumasy. Il en est de même pour la construction collective du projet IDEX.

Cela a demandé beaucoup de travail pour créer une identité commune sans perte d’identité pour chacune des composantes. La marque « Univ. Grenoble Alpes » est ainsi une marque portée en commun, notamment à l’international. Sciences Po Grenoble est l’école de sciences politiques de Univ. Grenoble Alpes, etc. Nous ne nous sommes jamais dits que nous voulions une seule marque mais une hiérarchie de marques. Si l’Université Savoie Mont Blanc ne fait pas partie du projet IDEX, elle est en revanche dans la ComUE. De même que Grenoble EM qui vient, d’être associée à la ComUE ce qui nous permet de regrouper tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche du territoire.

Il faut aussi porter la ComUE auprès de tous et montrer qu’elle a un rôle bien différent de l’ancien PRES qui servait surtout à « serrer les boulons » des projets mutualisés. Au début nos bâtiments étaient installés à la périphérie du campus de l’université. Aujourd’hui nous nous sommes implantés au centre du campus dans un lieu agréable qui permet de se réunir. C’est une grande différence symbolique.

O. R : Certains préconisent des périmètres moins importants ou de se concentrer sur la création d’« universités de technologie ». Cela n’a justement pas été votre choix.

P. L : 40% de l’activité de l’ancienne Université Joseph Fourier relevait de la technologie et il fallait réunir l’ensemble avec Grenoble INP. Il ne faut pas séparer les technologies et les sciences.

O. R : La ComUE et l’IDEX vous donnent-ils des moyens financiers supplémentaires pour faire venir de très bons enseignants, notamment étrangers?
P. L : C’est difficile de faire la course avec la Suisse mais c’est possible avec la plupart des autres pays. Quand une université embauche un enseignant et qu’il obtient un European Research Council (ERC) c’est trois ou quatre millions d’euros de financement qui vous reviennent.
Mais il faut aussi admettre que nous ne pouvons pas proposer beaucoup de postes de professeurs – donc peu de promotions pour les maîtres de conférence – dans un contexte contraint avec un plan de retour à l’équilibre financier pour l’université. La pyramide des âges nous sera défavorable jusqu’en 2022 et le GVT (glissement vieillisse technicité) nous coûtera jusque-là 1M€ pour Grenoble INP et 2 à 4 M€ pour l’Université Grenoble Alpes. L’Etat s’est désengagé du problème mais nous ne devons pas pour autant geler tous les postes.

O. R : Vous évoquez les financements européens. On sait que les chercheurs français en remportent peu. Que faites-vous pour que ça change ?

P. L : En fait les chercheurs français sont parmi ceux qui remportent le plus de financements si on regarde le pourcentage de réussite des projets déposés. Le problème c’est qu’ils en déposent peu… Pour mieux y répondre, nous avons mis au point toute une ingénierie issue des savoirs faire de l’Université Grenoble Alpes, de Grenoble INP, du CNRS et du CEA. Des personnels rédigent, traitent les aspects juridiques, trouvent les budgets, le cabinet de conseil, etc. Et c’est déjà un vrai succès.

O. R : Vous étiez président de l’Université Joseph Fourier avant de prendre la présidence de la ComUE. Ce sont des vies très différentes ?

P. L : Pas vraiment. Je présidais et je préside toujours une université et suis membre de nombreux conseils. Disons que cela a multiplié par 1,5 le nombre de réunions auxquelles j’assiste. Nous avons fait de la ComUE un endroit agile sans structure trop importante avec une équipe de 150 personnes dont beaucoup sont sur des missions très variées (santé, handicap, accueil international, culture, etc.). 45 postes ont été affectés par l’Etat à la politique de site mais pas à l’IDEX. Les 20 postes affectés à l’IDEX le sont en CDD pour le temps où nous pouvons nous engager.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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