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MOOC : y aller ou pas ?

Alors que la plupart des universités américaines se sont ruées sur les MOOC (massively open online courses, prononcez « mouk »), une enquête menée il y a quelques semaines par l’Association européenne des universités démontrait que plus de la moitié des personnes interrogées au début de l’année n’en avaient même pas encore entendu parler. On imagine que ce pourcentage est aujourd’hui bien plus bas mais le retard pris en Europe reste lui bien réel.

Il y a eu un e-learning avant les MOOC

Alors qu’il va lancer son propre MOOC à la rentrée, Bruno Dondero, le directeur du Centre audiovisuel d’études juridiques (Cavej), regrette qu’on «s’extasie sur les MOOC quand ils viennent des États-Unis en oubliant tout ce qui se faisait déjà en France». Le Cavej enseigne ainsi chaque année à près de 5000 étudiants dans le monde de la licence au master 1. «Nous leur envoyons des cours audio sur supports numériques mais ils ont aussi accès à des sessions hebdomadaires à la Sorbonne et à des cours en ligne.» Une sorte de MOOC si ce n’est qu’il faut payer dès le début des cours (environ 500 euros l’année).

À contrario du e-learning classique, le MOOC est en effet forcément gratuit (open) en entrée mais peut être payant en sortie pour donner droit à des certificats. Beaucoup d’entrants (massive) en ligne (on line) qui doivent un jour permettre de trouver un équilibre économique pour un produit cher car filmé et à l’obsolescence rapide dans de nombreuses disciplines.

Le coût de l’obsolescence

«Dans nos domaines, la gestion, le management, il y a un côté un peu gadget dans la mise en ligne de vidéos de professeurs, confie Olivier Aptel, le directeur général du groupe ESC Rennes. De plus cela demande beaucoup de moyens alors que l’obsolescence d’un cours est plus rapide qu’en astrophysique par exemple.»

En droit une partie du contenu doit ainsi être refaite chaque année. «Tout refaire, demander à des professeurs de revenir enregistrer des heures de cours chaque année, a un coût abusif. Nous préférons ajouter des éléments écrits pour tenir compte des nouveautés et refaisons nos supports tous les deux ans», explique ainsi Bruno Dondero.

Quelle plate-forme ?

Si l’Ecole Polytechnique a choisi d’être la pionnière de l’enseignement supérieur en proposant à la rentrée des cours sur Coursera, d’autres préfèrent, comme Rémi Bachelet, professeur à Centrale Lille (@R_Bachelet,) qui a créé le premier MOOC certificatif français consacré à la gestion de projet, la plate-forme plus ouverte qu’est Canvas. Le Cavej, dont le MOOC sera consacré au droit des entreprises, va lui créer sa propre plate-forme: «Nous ne voulons pas nous sentir prisonniers d’une plate-forme américaine susceptible de vendre ensuite des cours à nos étudiants».

Quels sujets ?

En France, que ce soit le Cavej, Rémi Bachelet ou un peu avant Morgan Magnin, qui avait créé un MOOC intitulé ITyPa consacré à l’apprentissage sur Internet, les premières expériences se sont faites sur des sujets relativement grands publics. «Nous voulons effectivement toucher un large public, au moins 10000 à 20000 personnes pendant nos six semaines de cours en vidéo avec des espaces collaboratifs», reprend Bruno Dondero.

D’autres pensent aussi à la notoriété de leur école. «Les MOOC constituent un modèle économique dont les retours sont indirects : la distribution gratuite du savoir permet de faire connaître la qualité d’un enseignement», assure ainsi Jean-Guy Bernard, directeur général de l’EM Normandie, sont les premiers MOOC seront en ligne en juin.

Quand ?

Si certains se demandent encore si la «fièvre» MOOC ne va pas retomber comme celle des podcasts, la quasi-totalité des acteurs de l’enseignement supérieur se pose aujourd’hui la question: «Faut-il y aller ou pas?». «Il y a parfois avantage à monter dans le train plus tard, quand il est plus puissant, plutôt que se précipiter», temporise Jean-Loup Salzmann, le président de la Conférence des présidents d’université.

«Le développement des MOOC va dans le sens de l’ouverture de l’université vers le monde contemporain. Notre public ce ne sont pas que des étudiants», reprend Barthélémy Jobert, président de l’université Paris Sorbonne. La conclusion à Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC: «Nous y pensons très sérieusement. Mais quel est le bon business model ?».

Olivier Rollot (@O_Rollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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