ECOLES DE MANAGEMENT, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

« Nous avons fait un vrai choix stratégique qui a été d’affirmer que le modèle le plus pertinent était la salle de classe » : Stéphan Bourcieu (Groupe ESC Dijon Bourgogne)

L’ESC Dijon vient de réaliser une très belle rentrée avec de plus en plus d’étudiants inscrits dans son programme grande école comme dans ses bachelors. Stéphan Bourcieu, directeur général du groupe ESC Dijon-Bourgogne, nous trace le portrait d’une école qu’il veut avant tout proche de ses étudiants.

Olivier Rollot : Les nouvelles pédagogies sont aujourd’hui au cœur de la réflexion des établissements d’enseignement supérieur. Quelle forme de pédagogie vous paraît aujourd’hui la meilleure ?

Stéphan Bourcieu : Nous avons fait un vrai choix stratégique qui a été d’affirmer que le modèle le plus pertinent était la salle de classe. A l’ESC Dijon il n’y a pas de cours en amphi, ou alors seulement quand nous invitons par exemple un professeur de géopolitique de Sciences Po qui s’y sent plus à l’aise. Notre modèle c’est un professeur devant 20 élèves. Une sorte de contre modèle aujourd’hui, quand on parle de plus en plus d’enseignement à distance, mais auquel nous tenons absolument dans le cadre de la montée en gamme de notre école.

O. R : Vous n’avez donc pas réalisé de MOOC (massive online open course).

S. B : Nous y avons réfléchi mais estimé que d’autres investissements, par exemple dans nos bâtiments, étaient plus utiles alors que personne n’a encore pu définir de business model pour les MOOC. Cela dit les MOOC ont leur raison d’être, par exemple s’ils permettent de mutualiser des enseignements universitaires en déshérence pour continuer à les dispenser à distancer sur plusieurs sites. Mais quand on a tenté d’utiliser des MOOC pour remplacer des livres, cela n’a pas du tout marché. Parce qu’une heure sur une tablette à regarder un prof rébarbatif ce n’est pas un bon format. Les professeurs n’ont pas été formés à parler devant une caméra mais devant un amphi. Un MOOC c’est un film, un scénario, un montage. Je préfère des formats plus courts comme par exemple les vidéos de 10 minutes qu’on peut trouver sur Xerfi Canal.

O. R : Une stratégie fondée sur des cours en petits groupes cela doit forcément coûter cher !

S. B : La masse salariale représente les deux tiers du budget avec des professeurs payés entre 50 et 80 k€ par an (sur une base de cinq jours). Entre autres parce que c’est obligatoire pour obtenir les accréditations, nous avons aujourd’hui 62 professeurs permanents pour 2200 élèves. Faites le ratio : d’autres en ont certes 160 mais pour… 7000 élèves et favorisent les cours en e-learning et en amphi pendant que tous nos cours se déroulent en salle de classe.

O. R : Cette pédagogie semble en tout cas séduire les étudiants puisque vous avez fait une bonne rentrée 2016.

S. B : Les étudiants savent que nous ne sommes pas dans une logique de volumes qui n’est pas dans l’ADN de nos écoles. Résultat : le rang du dernier intégré de prépa (concours BCE) a été cette année le 821ème (sur 1400 admis) contre 1110ème sur 1300 admis en 2013. En tout nous avons reçu cette année près de 300 élèves de prépa. Dans les « matchs » qui opposent les écoles 12 élèves nous ont préféré à Kedge cette année (88 ont fait l’autre choix) et autant à Neoma quand nous perdions tous nos matchs avec elles il y a quatre ans. Le tout avec une barre d’admission en légère hausse et alors que certaines écoles n’ont pas affecté toutes leurs places. C’est une dynamique de fond intéressante pour nous.

O. R : Mais justement, comment doivent évoluer aujourd’hui les écoles de management quand certaines ne font pas le plein ?

S. B : Nous sommes dans un secteur économique qui est parvenu à maturité après une croissance considérable ces vingt dernières années. Maintenant il y a trois directions possibles pour les écoles : l’innovation et la destruction créatrice, des stratégies de volume qui passent par des fusions (Kedge, Skema, etc.) ou des rachats (Inseec) et enfin la différenciation. C’est notre choix et grâce à ce positionnement différent, de nombreux élèves ont ainsi préféré cette année venir chez nous que dans une école mieux classée dans les palmarès.

O. R : Cette différenciation n’est pas que dans la pédagogie.

S. B : En France nous montons en gamme dans la qualité de service. Venir à l’ESC Dijon c’est bénéficier d’un très fort niveau d’accompagnement avec un espace carrières et ses coachs, une démarche compétences, etc. À l’international nous pouvons avoir un positionnement un peu différent avec nos spécialisations dans le vin, mais en France nous restons une école généraliste.

O. R : Vous avez aussi été classés premier cette année par le site Major Prépa pour la qualité d’accueil des élèves de prépa venus passer les oraux.

S. B : Notre modèle de proximité et d’accompagnement doit être montré dès le jour des concours. Les élèves qui viennent passer les oraux chez nous sont contents de pouvoir dire qu’ils ont « même rencontré le directeur » et que des responsables sont venus répondre à leurs questions. La preuve de notre réussite c’est ce candidat, qui pensait juste venir s’entraîner aux oraux en passant par l’ESC Dijon, et qui restera finalement après ! Sans oublier tous ceux qui sont venus et peuvent ensuite dire à leurs amis « va passer les oraux à Dijon, c’est sympa ! ».

Tout le problème du choix d’une école c’est qu’on ne peut pas l’essayer comme on le fait avec une voiture. Les oraux permettent ce test mais, du côté des écoles, il faut aussi bien prendre garde à ne pas faire de la survente.

O. R : Et votre bachelor, vous en êtes satisfait ?

S. B : Oui et tout particulièrement à Lyon où nous avons reçu 43 étudiants cette année et allons doubler nos surfaces. Il faut dire que nous sommes la seule école de management possédant le grade de master à proposer un bachelor à Lyon.

O. R : Vous allez bientôt adopter le statut dit d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC). Où en êtes-vous ?

S. B : Les décrets ont été publiés et ne manque plus que la position officielle du ministère des Finances, qui devrait être publiée en même temps que la loi de finances, pour préciser définitivement le statut fiscal des EESC. Nous avons fait le plus dur en étant devenu une association en 2013 et en ayant changé les statuts des personnels. Reste encore à évaluer la valeur des bâtiments et nous devrions pouvoir publier des statuts au premier semestre 2016.

O. R : Peut-on être à la fois EESC et bénéficier du statut d’EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général) ?

S. B : Dans les deux cas nous sommes d’intérêt général et nous ne voyons pourquoi les deux statuts ne seraient pas compatibles. D’autant que nous faisons partie des membres fondateurs de la comue Université Bourgogne Franche-Comté et qu’il est logique pour nous d’être associé à l’enseignement public.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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