ECOLE D’INGÉNIEURS

Où en sont l’Efrei et l’Esigetel ? : entretien avec Frédéric Meunier et Roger Ceschi

Il y a maintenant trois ans que l’Efrei a repris l’Esigetel. Les deux écoles d’ingénieurs du numérique ont aujourd’hui construit un tronc commun en prépa débouchant sur deux cycles ingénieurs très différents. Fréderic Meunier, le directeur général du groupe Efrei, et Roger Ceschi, son directeur général adjoint, respectivement directeurs de l’Efrei et de l’Esigetel, expliquent les spécificités et les points communs de chaque école.

Olivier Rollot : Vous avez regroupé sur le même campus l’Efrei et l’Esigetel. Comment faites-vous aujourd’hui pour les différencier ?

Frédéric Meunier : Quand nous avons repris l’Esigetel en 2011, l’école était encore installée à Fontainebleau. Nous avons un temps cherché d’autres lieux avant de nous rendre à l’évidence : l’option la plus intéressante était de l’installer sur le campus de l’Efrei à Villejuif, ce que nous avons fait en 2012. Dès lors nous avons voulu affirmer l’appartenance de l’Esigetel à l’univers Efrei, notamment avec des logos proche, tout en mutualisant différents services, comme la recherche, l’international et les services généraux. L’important est que chaque école soit d’abord remarquée par la valeur ajoutée de ses filières. Aujourd’hui ce sont deux écoles assez différentes avec un vrai panel de possibilités.

Olivier Rollot : Deux écoles différentes dans lesquelles on entre par un tronc

Roger Ceschi : Les deux années de prépa intégrée en tronc commun, par lesquelles les élèves commencent leur cursus, permettent d’acquérir les compétences de base nécessaires pour maîtriser ce qu’on appelle les « courants faibles » et les « objets connectés », l’un des plus importants marchés de demain. Ensuite ceux qui veulent travailler sur l’informatique « soft » poursuivront à l’Efrei et ceux qui se passionnent pour l’informatique « hard », celle des matériels et des objets, préféreront l’Esigetel. L’Efrei leur propose six majeures (Architecture des SI et cloud, Business Intelligence, Sécurité et réseaux, Ingénierie logicielle, Image et réalité virtuelle et IT for Finance.) et l’Esigetel quatre, réorganisées cette année : Avionique et espace, Droïdes et drones, Réseaux et virtualisation et enfin Énergies nouvelles et réseaux intelligents, cette dernière qui ouvrira en 2017. Les dix chercheurs de nos deux écoles travaillent sur deux thématiques : le big data et la web intelligence d’une part et les objets connectés et la localisation indoor d’autre part.

O.R : Mais pourquoi n’avoir pas tout simplement fusionné les deux écoles ?

F. M : Créée en 1986, l’Esigetel a une très bonne image auprès des entreprises et cela aurait été dommage de la faire disparaitre. Un peu comme HEI, l’Isa et l’Isen, qui ont constitué un groupe commun, nous voulons nous regrouper tout en gardant nos marques. Avec nos deux écoles, nous couvrons aujourd’hui toutes les dimensions du numérique. Nos élèves ont même la possibilité d’obtenir en plus une licence à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée (UPEM).

O.R : La dimension internationale des études est de plus en plus mise en avant par les recruteurs. Que faites-vous pour rendre vos étudiants internationaux ?

F. M : Il y a trente ans que nous abordons cette dimension internationale avec 30 nationalités présentes sur notre campus et 90 accords internationaux, dont de nombreux doubles diplômes. Tous les étudiants de la première année du cycle ingénieur passent un trimestre aux États-Unis, en Angleterre, en Malaisie ou en Inde. Si on y ajoute d’autres périodes (stage en première année de master, dernière année d’étude ou stage de fin d’études), ce sont en tout sept mois que passent en moyenne les élèves à l’étranger dans le cadre du cycle ingénieur. Nous avons par ailleurs quatre majeures qui sont enseignées à 100% en anglais, langue de travail de plus en plus d’ingénieurs. Le niveau de nos élèves au TOEIC (800) est supérieur à ce que demande la Commission des titres d’ingénieur (CTI).

O.R : Vous êtes implantés en dehors de France ?

F. M : Nous avons même créé plusieurs classes prépas en Chine et une au Maroc à Tanger, à chaque fois avec des partenaires locaux. Avec la Beijing University of Technology, par exemple, nous dispensons un cursus de 3 ans à Pékin – un de plus qu’en prépa pour que les étudiants chinois maîtrisent bien le français et l’anglais – qui permet ensuite d’intégrer l’Efrei ou l’Esigetel en L3 en France. Nous avons aujourd’hui 96 élèves à Pékin, répartis sur trois années, dont au moins les deux tiers devraient terminer leur cursus ingénieur à l’Efrei ou à l’Esigetel.

O.R : Autre priorité aujourd’hui dans les formations : l’évolution des pédagogies. Où en êtes-vous de vos réflexions sur ce point ?

F. M : Dans l’ADN de nos écoles outre les sciences et techniques il y a l’ouverture nécessaire offerte par la formation générale en sciences humaines et sociales. Pour réussir, un projet doit avoir un bon équilibre entre la technologie, la finance et le commercial. Concernant l’évolution des pédagogies, de nouveaux modes d’enseignement devraient s’imposer rapidement. Le temps de cours sera de plus en plus consacré à un approfondissement avec l’enseignant plutôt qu’à une transmission « traditionnelle » de savoir. Les connaissances nécessaires à cet échange devront être assimilées avant le cours, par exemple avec un MOOC [massive open online courses, des cours en ligne].

R. C : Il faut reconnaître que les jeunes ont évolué et qu’il faut s’adapter. D’un côté le fossé entre le bac et la première année de prépa s’est élargi avec la réforme du bac S, de l’autre il faut rendre les cours directement opérationnels. Nous allons par exemple travailler de plus en plus dans une démarche d’« apprentissage par projet ou problème (APP) » : confronté à un sujet, l’élève comprend pourquoi il doit posséder telle ou telle compétence et les acquiert ainsi plus facilement. On ne peut plus réfléchir seulement en termes de cours, de TD et de TP !

O.R : Vos deux premières années ressemblent elles à des années de prépa

F. M : Non parce que, dès le début, nous travaillons en APP avec des stages pendant chacune des deux premières années.

R. C : La grande différence c’est aussi qu’on n’est jamais sûr d’intégrer l’école à laquelle on songeait quand on intègre une prépa classique. Avec notre prépa intégrée, vous avez plus de deux ans pour choisir entre deux écoles. Le tout avec une ambiance moins stressante qu’en prépa mais un rythme quand même soutenu.

F. M : Je le répète à nos candidats : si vous avez une chance d’entrer dans l’une école des rares écoles les plus prestigieuses, passez par une prépa classique. Sinon, vous serez mieux dans une école post bac. Et si vous voulez vous former à un métier dans le numérique, garant d’une employabilité durable et passionnante, rejoignez le groupe Efrei. Notre pédagogie n’est pas basée sur le bachotage mais sur les projets, vous aurez des expériences en entreprise et nous encourageons la vie associative, qui est notée dans le cursus, avec pas moins de 40 associations.

O.R : Le tout avec des perspectives d’embauche très favorables comme dans la plupart des écoles d’ingénieurs ?

R. C : Le salaire brut annuel est proche de 40 000 € et 94% des élèves trouvent un CDI pendant leur stage de fin d’études. Nous avons par ailleurs en moyenne 6 % de créateurs d’entreprise. Quand on nous demande, pour un palmarès, combien de mois il faut en moyenne à un élève pour trouver un emploi après l’obtention de son diplôme, la réponse est « – 3 mois » ! Nos élèves trouvent en effet leur emploi trois mois avant l’obtention de leur diplôme qui leur est remis en octobre/novembre.

O.R : On parle beaucoup de création d’entreprise. Vous la favorisez ?

F. M : Depuis longtemps. Nous avons un bâtiment du campus dédié aux entreprises incubées de nos diplômés avec deux référents pour les accompagner. Nous y recevons aujourd’hui environ 12 entreprises pendant 6 à 12 mois. Un fonds d’investissement vient même d’être créé par les anciens pour les aider.

O.R : Le groupe Efrei, ce n’est pas que deux écoles d’ingénieurs ?

F. M : Effectivement, nous avons également créé EfreiTech pour y dispenser d’autres formations dans le numérique de bac+2 à bac+5, le plus souvent en alternance. Nous proposons par exemple, en partenariat avec l’EDC Paris Business School, un double diplôme « e-business » à bac+5 visé grade de master. 80 étudiants nous ont rejoints cette année. Nous préparons également au BTS services informatiques aux organisations (SIO) en le renforçant pour qu’il permette aux meilleurs d’intégrer ensuite une école d’ingénieurs.

O.R : 2015 promet d’être une année compliquée avec beaucoup de réformes qui vont s’appliquer. Comment l’abordez-vous ?

F. M : Nous devrions signer un nouveau contrat avec l’État, qui signifie que nous devons préalablement passer au statut d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG). Nous serons parmi les tous premiers à déposer un dossier mais nous ne connaissons pas tous les critères qui doivent encore être arrêtés par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. De manière générale, concernant les établissements contractualisés, bientôt EESPIG, nous souhaitons qu’ils soient traités avec équité par rapport aux établissements publics : par exemple de ne pas voir leurs subventions amputées deux années de suite de 13 puis de 7 % quand les ressources des autres écoles d’ingénieurs publiques ne sont pas ou très peu diminuées.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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