ECOLES DE MANAGEMENT, POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Pascal Morand va quitter la direction d’ESCP Europe : retour sur un directeur pas comme les autres

La nouvelle a été donnée par l’AEF lundi : Pascal Morand va quitter la direction d’ESCP Europe à l’automne pour « reprendre une position académique et revenir à l’enseignement et à la recherche », dit-il à l’AEF en insistant sur le fait qu’il est « classique », dans ce genre d’école de management, qu’ « un dean reprenne des fonctions académiques ». Il reprendra également la direction de l’Institut de l’innovation et de la compétitivité (i7), créé par l’ESCP Europe et la Fondation Europe + en 2011.

Quel que soit son successeur, il aura du mal à faire oublier un directeur pas comme les autres. Parce que rencontrer Pascal Morand, 56 ans, c’est toujours un plaisir unique. Cultivé, lettré, ouvert sur le monde, celui qui a créé et dirigé pendant près de vingt ans (1987 à 2006) l’Institut français de la mode détonait souvent dans un paysage plus convenu. Grand amateur de musique rock comme classique, Pascal Morand est en effet aussi chanteur et compositeur. J’avais eu le privilège d’aller le voir jouer l’année dernière au Petit Journal Montparnasse et j’avais été conquis par ses compositions drôles et subtiles. « Imaginez Vincent Delerm ayant reçu une sévère leçon de groove ; vous n’aurez qu’une idée très approximative de la musique de Pascal Morand », annonçait ainsi la salle de concert parisienne.

Sa carrière musicale, il l’avait justement mise en sommeil pour se consacrer à ESCP Europe. Une belle maison à laquelle il s’était appliqué à donner une gouvernance et une cohérence à l’échelle européenne. Résultat : son Master en Management avait été classé numéro 1 mondial par le Financial Times en 2010. Profitant de ses cinq campus (Berlin, Londres, Turin, Madrid et Paris), l’école née de la fusion de l’ESCP et de l’EAP imposait alors son modèle devant le programme CEMS (dont fait partie HEC) et HEC. Cette même année il m’avait accordé cet entretien pour « Le Monde » que je vous invite à relire.

Pascal Morand accolé à l'immeuble d'ESCP Europe (© Manuel Lagos Cid)

Quel effet cela fait-il de se voir à la première place ?

Evidemment cela fait plaisir. Chaque année, la nuit qui précède la publication du Financial Times je dors mal, je me demande à quelle place nous serons. Là nous sommes les meilleurs. L’année prochaine, on verra bien. C’est comme la Coupe du Monde de foot, maintenant nous savons que nous pouvons gagner !

ESCP Europe est prioritairement intégré après une prépa mais pas seulement…

L’idée que son destin est scellé parce qu’on n’est pas entré en prépa à 17 ou 18 ans est terrible et dangereuse. Fermer l’entrée des institutions d’enseignement supérieures, surtout quand elles sont perçues comme des phares qui aident à comprendre la société, est dramatique. Nous nous appliquons donc à recruter des talents très variés qui feront une bonne promotion. Cette année, sur une promotion de plus de 868 élèves en première année du Master in Management grande école, seulement 342 sont issus de classes préparatoires. Et parmi ceux-ci, tous ne sont pas Français, ils sont également Tunisiens, Marocains, etc. Au total, parmi nos 432 étudiants français, beaucoup sont donc issus de l’université, sportifs de haut niveau, ingénieurs, etc. Nous nous voulons l’école de la diversité.

C’est également le cas dans vos programmes post master ?

Nos 15 mastères spécialisés à temps plein et 7 à temps partiel reçoivent aussi bien des littéraires que des scientifiques ou même des artistes. Et ça marche ! Notre mastère spécialisé dans l’édition vient même de fêter ses 20 ans. Quant à notre executive MBA, il est ouvert à tous les profils sans condition de diplôme sous réserve d’un excellent parcours professionnel et d’un très bon niveau en anglais.

Vous avez aussi ouvert l’année dernière un dispositif dit de « double ascension » pour promouvoir l’ascension sociale.

Cinq étudiants titulaires d’un bac professionnel ou technologique et d’un BTS obtenu au lycée Jean-Renoir de Bondy ont intégré ESCP Europe en 2010. En partenariat avec l’université Paris 13, nous leur avons proposé de suivre une licence de sciences de gestion aménagée pour leur permettre de préparer leur intégration. Sur les onze de la première promotion, une seule a abandonné et les cinq qui n’ont pas été reçus à ESCP Europe poursuivent en master à l’université. Les cinq autres se sont parfaitement intégrés à nos élèves et cette année ils seront vingt à tenter d’intégrer l’école.

Mais son succès, ESCP Europe ne le doit-il pas avant tout à son caractère international ?

Plus de la moitié de nos élèves de master viennent du monde entier. 78 sont Allemands, 76 Italiens, 53 Chinois, 18 Russes, 13 Libanais, 2 Ouzbéks, etc. Un autre de nos programmes, notre Master in European Business, reçoit lui 75% d’étrangers. Les modes de sélection sont différents selon les pays. En France, on regarde par exemple d’un très bon œil les activités associatives quand, en Allemagne, on se focalise uniquement sur les notes. Le tout est de faire travailler tous ces profils ensemble.

Vous promouvez d’autres formes de sélection mais vous n’êtes pas pour autant un adversaire des classes prépas ?

Les prépas ont trois grands atouts. On y apprend à travailler vite, à faire plusieurs choses à la fois – ce qui est plus qu’utile dans un monde où on reçoit 200 mails par jour ! – et on y suit des cours dans des matières très diverses qui vont de la philo à l’histoire en passant par les maths et l’économie. Ils sont juste peut-être un peu trop encadrés et ont besoin de décompresser en arrivant chez nous. Quant à leur créativité, si elle n’est pas mise en valeur en prépas, nous avons trois ans pour leur apporter et développer leur curiosité.

Quelles qualités doit avoir un manager aujourd’hui ?

Avant tout une dimension humaniste indispensable pour gérer la complexité de l’économie. Ensuite de grandes capacités d’adaptation, une aptitude à gérer l’incertitude et un sens humain du management. C’est une erreur de circonscrire l’économie de la connaissance au progrès industriel. Le succès de l’iPhone ou de l’iPad va bien au-delà. C’est à ces nouvelles dimensions que nous devons préparer les managers de demain et il y aura d’autant plus d’innovations qu’il y aura de diversité culturelle.

Propos recueillis par Olivier Rollot (pour me suivre sur Twitter : @O_Rollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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