POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

L’Aeres évalue les écoles d’architecture : satisfecit général et critiques ciblées

L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) vient d’éditer un rapport sur les écoles nationales supérieures d’architecture, les ENSA. Son bilan est globalement positif puisqu’elle constate qu’elles ont « montré leur capacité à mener une réforme en profondeur qui traduit aujourd’hui dans les évaluations très positives des deux cursus principaux (DEEA et DEA) : une grande homogénéité des études, ainsi qu’une forte maturité des écoles, particulièrement au regard des attentes des cursus conférant le grade de master ». Les principaux points faibles selon l’Aeres ? D’abord l’absence d’accompagnement des étudiants sortant en cours de cursus et, ensuite, des diplômés arrivés sur le marché du travail.

Un rapport qui tombe à pic alors que ces mêmes écoles demandent à former plus de diplômés (lire le post « Faut-il former plus d’architectes ? » sur le blog de l’équipe éducation du Monde) et qu’Isabelle Rey-Lefebvre constate elle que, « le taux de chômage dans la profession d’architecte oscille entre 7,4%, au meilleur de la conjoncture, en 2007, et 14,22% au plus fort de la crise, en 2009, pour s’établir à 10,9% en mai 2010 ».

L’Ecole nationale d’architecture de Paris Val de Seine
25% d’échecs à la fin de la première année

En moyenne un quart des étudiants de première année des ENSA – pourtant dûment sélectionnés mais sans obligation de posséder un bac S – échouent à entrer en seconde. Un taux qui monte à 45% (à Lille) pour n’atteindre que 10% dans les écoles de Bordeaux et Bretagne. Un taux élevé mais largement comparable à celui d’autres filières sélectives comme les prépas par exemple. Pour autant, comme le souligne l’Aeres « cela pose plus généralement la question du processus de recrutement, très sélectif, des ENSA et leur difficulté à réellement percevoir chez les candidats les aptitudes aux études d’architecture et la réalité du projet tant personnel que professionnel ». Et d’ajouter qu’ « il est nécessaire que ces écoles développent une vraie stratégie de communication très en amont du recrutement ».

Seulement 60% de réussite en 3 ans au DEEA

De la même façon, l’Aeres souligne le faible taux de réussite au DEEA en 3 ans, avec là aussi de fortes variations : 33% à Montpellier pour 90% en Normandie. Pour de nombreuses écoles, le véritable taux de réussite au DEEA devrait d’ailleurs peut-être être mesuré sur quatre ans, se demande l’Aeres qui s’interroge sur les écarts constatés entre les écoles : « Dans un dispositif de formation qui a la possibilité de sélectionner ses étudiants, on peut s’étonner d’un taux de réussite en trois ans de 33 %. Les écoles dont les taux sont aussi faibles devraient interroger leur processus de recrutement, surtout lorsque ce taux très faible s’accompagne d’une absence de processus d’aide à la réorientation des étudiants ne pouvant poursuivre au sein de l’école ».

Enfin, les taux de réussite en cinquième année font de nouveau apparaître une grande disparité pusqu’il varie de moins de 50 % (Lille, Paris-Val-de-Seine, INSAS et Montpellier) à plus de 90 % (Paris-Belleville et l’ESA). Comme le soulignent les experts de l’Aeres, cette disparité «  encore moins compréhensible en fin de cursus » Et d’insister sur le « travail nécessaire à fournir de la part des écoles car il n’est pas satisfaisant que seules six écoles affichent un taux de réussite en cinquième année supérieur à 80 % ». Un  satisfecit : « L’évaluation des enseignements par les étudiants s’installe progressivement dans les écoles d’architecture » même si « l’exploitation des résultats reste encore à insérer dans un vrai processus de retour sur l’offre de formation, retour partagé au-delà du simple enseignant ».

Insertion professionnelle et international, des dossiers peu traités

Selon l’Aeres, les écoles d’architecture sont encore loin d’avoir mis l’insertion professionnelle de leurs diplômés au cœur de leurs préoccupations : «  Les taux d’insertion professionnelle sont un outil encore sous-exploité par les écoles. D’une part, celles-ci ne disposent pas réellement d’outils de suivi et, d’autre part, lorsque cet outil existe, il ne semble pas être intégré dans une réflexion interne sur l’évolution des cursus ».

De la même façon, le statut de l’anglais n’est pas clairement défini dans les écoles. « L’évaluation a mis en évidence une grande différence entre les écoles. Il est nécessaire que les tutelles proposent un cahier des charges plus précis, notamment sur la nécessité (ou non) de mener les étudiants à une certification reconnue », indique l’Aeres, se demandant encore si l’anglais a « réellement le statut de langue étrangère ou n’est-ce pas plutôt maintenant un outil indispensable de communication professionnelle ? » Et d’insister sur une ouverture internationale qui « doit devenir une composante obligatoire d’un cursus professionnalisant conduisant au grade de master ». Un satisfecit mais encore beaucoup de progrès à faire donc pour des écoles qui, si elles délivrent un diplôme reconnu nationalement, le font encore selon des méthodes très hétérogènes.

Olivier Rollot (@O_Rollot)

Les études d’archi en bref

  • En France, les études d’architecture sont dispensées par vingt écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) sous tutelle du Ministère de la culture et de la communication, ainsi que par deux autres écoles, l’une publique sous tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur (INSA Strasbourg) et l’autre privée (ESA à Paris). L’ensemble des ENSA accueille environ 18 000 étudiants (3 000 entrants chaque année).
  • Les études supérieures d’architectures sont organisées en trois cycles selon le système LMD. Le premier cycle d’études en architecture confère en trois ans le grade de licence (DEEA). Le deuxième cycle d’études conduit au Diplôme d’Etat d’architecte conférant le grade de master (DEA). Au-delà, l’Habilitation à l’exercice de la maîtrise d’oeuvre en son nom propre (HMONP) est une formation à la fois théorique et de mise en situation, d’au moins une année, pour les architectes diplômés d’Etat souhaitant s’inscrire à l’Ordre national des architectes.
  • Sept écoles nationales supérieures d’architecture ont instauré des partenariats avec des écoles d’ingénieurs permettant à des étudiants de suivre une double formation en vue d’obtenir, après sept ans d’études au minimum, les deux diplômes d’architecte et d’ingénieur.
  • Pour finir, des troisièmes cycles mènent à des Diplômes de spécialisation et d’approfondissement en architecture (DSA), et au doctorat en architecture. Il existe également des Diplômes propresaux écoles d’architecture (DPEA) qui sanctionnent des études dans des domaines spécialisés.
  • Les écoles évaluées sont les 20 Ecoles nationales d’architecture (ENSA – Bordeaux, Bretagne, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Marseille, Nancy, Nantes, Normandie, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse, Paris-Belleville, Paris-La Villette, Paris-Malaquais, Paris-Val-de-Seine, Marne-la-Vallée, Versailles), l’école spéciale d’architecture (ESA) et l’institut national des sciences appliquées de Strasbourg (INSAS). Les rapports d’évaluation, pour chaque école, sont disponibles sur le site de l’AERES : www.aeres-evaluation.fr
  • Source : Aeres
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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