POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

« Beaux-Arts Nantes doit trouver des ressources pour passer de 120 à 500 étudiants par promotion »

Mais comment intègre-t-on une école des Beaux-Arts ? Difficilement regrette le directeur des Beaux-Arts de Nantes, Pierre-Jean Galdin, qui ouvre une nouvelle classe préparatoire pour ouvrir son école à de nouveaux profils.

Pierre-Jean Galdin (Photo Thomas Humery)

Olivier Rollot : Comment se présente le paysage de l’enseignement des beaux-arts en France ?

Pierre-Jean Galdin : Il existe en tout 35 écoles des Beaux-Arts dont dix sont nationales – c’est le cas des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire – financées par les collectivités pour délivrer les diplômes du ministère de la Culture. Le cursus se déroule selon les modalités du LMD, soit un premier cycle de trois ans suivi des deux ans du master. A Nantes nous avons décidé en plus de constituer un ‘réseau des arts et de la création », qui n’a pas encore de nom, avec l’Ile de Nantes, le Mediacampus et, en 2021, l’École de design Nantes Atlantique et l’École d’architecture de Nantes. Le tout au sein du projet urbain de la Cité de la création.

En constituant ainsi un bloc de la nouvelle université de Nantes nous sommes dans une logique métropolitaine qui est la meilleure pour dépasser les contradictions entre les Grande écoles et les universités. La concurrence est de plus en plus rude avec les écoles britanniques, suisses, italiennes, etc. Notre marque c’est la France et il faut faire émerger des pôles de création. C’est ce que fait aujourd’hui la ville de Nantes.

O.R : Quels sont les points forts des écoles des Beaux-Arts ?

P-J. G : Depuis la fin des années 70 les écoles des Beaux-Arts ont formé la plupart des jeunes artistes français et en particulier les cinq écoles leaders que sont les deux parisiennes aux côtés de Strasbourg, Lyon et Nantes. A Nantes, avec la mue culturelle de la ville nous avons pu quitter des bâtiments obsolètes pour nous installer sur l’Ile de Nantes dans 10 000 m2. Nous montons en puissance à l’international avec un programme qui nous permet d’accueillir 100 étudiants étrangers par an venus d’Afrique, d’Asie comme d’Amérique du Sud. C’est un grand succès auprès d’étudiants déjà diplômés qui veulent parfaire leur niveau en français. Nous avons une très bonne image historique. Il faut rester à la hauteur !

Une salle des Beaux Arts de Nantes.

O.R : Mais que deviennent les artistes que vous formez ?

P-J. G : Mon travail c’est de former des artistes qui inventent de nouvelles formes artistiques. Leur travail se mesure sur un temps long. Il faut dix ans pour en vivre. Le « Journal des Arts » fait la liste des 2000 artistes qui vivent de leur talent. Beaux-Arts Nantes arrive en cinquième position des écoles qui en forment le plus. Les jeunes que nous formons sont très motivés mais on leur dit que ce sera difficile, qu’il leur faudra également trouver des emplois proches de leur art pour démarrer et en vivre peu à peu.

O.R : Comment intègre-t-on les Beaux-Arts ?

P-J. G : Aujourd’hui il n’y a plus d’options au lycée qui préparent véritablement à nos écoles. Résultat : 90% des 800 candidats que nous recevons au concours d’entrée – pour cinquante places – passent auparavant par des écoles de préparation privées. Et 80% viennent d’autres régions. Quasiment plus personne n’intègre nos écoles après le bac : la moyenne d’âge à l’entrée est aujourd’hui de 20,8 ans. Vous y ajoutez cinq ans de formation et cela devient un très long parcours.

Il faudrait une vraie réflexion de l’État pour créer des préparations publiques et ne pas laisser des préparations privées, rachetées par des fonds d’investissement, assurer tout notre recrutement. Justement nous ouvrons une classe préparatoire en 2019, à Saint-Nazaire, dont le critère de recrutement ne sera pas l’argent et qui durera 1 an après le bac. Nous avons déjà 40 inscrits !

70% des étudiants en Beaux-Arts sont des femmes.

O.R : Qui sont vos étudiants ?

P-J. G : A 70% ce sont des jeunes femmes qui ont toujours dessiné, peint, fait des vidéos et viennent souvent de familles liées au secteur. Nous avons tout un effort à faire pour équilibrer et diversifier notre recrutement.

O.R : Les évolutions auxquelles vous êtes soumis par le HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) mettent en avant votre effort de recherche. Qu’est-ce que la recherche dans une école d’art ?

P-J. G : La recherche qu’effectuent nos enseignants s’inscrit dans une démarche plastique qui requiert de l’interdisciplinarité avec des disciplines du vivant, de la robotique, etc. C’est quand le travail artistique est au croisement de toutes ces disciplines que la recherche est la plus pertinente.

O.R : Beaux-Arts Nantes a les ressources nécessaires pour se développer ?

P-J. G. : Nous devons trouver des ressources propres durablement pour passer de 120 étudiants par promotion à 500, dont 30 à 35% d’étrangers. Ces derniers payent un peu moins de la moitié de ce qu’ils nous coûtent, soit 5 500€ pour 12 000€ de coût réel, s’ils ne sont pas originaires de l’Union européenne. Cette dimension internationale se traduit également par la mise en place d’un campus aux États-Unis, à Houston, avec l’École d’art de Genève sur des thématiques liées aux paysage et aux frontières. Nous avons également un projet en Corée du Sud, sur le cinéma, et un autre au Sénégal, à Dakar, consacré aux métiers d’art. Nous espérons emmener d’autres écoles européennes avec nous car l’art est international, les objets d’art circulent, le marché est mondialisé !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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