Une coordination nationale des « facs et des labos en lutte » a voté « l’arrêt » de l’université et de la recherche à compter du 5 mars explique Le Monde. En cause l’absence de signaux sur un plan de recrutement et la création de nouveaux contrats alternatifs à la fonction publique alors que se profile la publication de la très attendue loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).
Les « tenure tracks » à la française vont-elles voir le jour ? En cause la création chaque année de « tenure tracks » sur un modèle qui a fait leurs preuves aux Etats-Unis comme à l’EPFL. Sur environ 1000 postes de maîtres de conférence créés chaque année 150 bénéficieraient de moyens supplémentaires. « L’idée sur laquelle nous travaillons est celle de « chaires de professeurs juniors ». Il faut permettre, au sein de certaines disciplines, le recrutement de scientifiques sur une première période de 5 à 6 ans, en prévoyant des moyens d’environnement spécifiques », a expliqué Frédérique Vidal lors du séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité, organisé conjointement par le CNRS et la Conférence des Présidents d’Université le 4 février 2020. Dans une tribune publiée le 10 février par Le Monde elle précise : « Elles n’ont évidemment pas vocation à venir remplacer les recrutements prévus pour les maîtres de conférences ou les chargés de recherche. Elles viendront en plus, pour permettre de faire des recrutements supplémentaires de profils différents, et éviter par exemple que certains jeunes chercheurs, formés en France, choisissent de rester à l’étranger, faute pour nos universités et nos organismes de disposer des moyens de leur faire des propositions comparables ».
Toujours dans Le Monde, la sociologue Christine Musselin s’interroge : « Sur le millier de maîtres de conférences que l’on recrute tous les ans (ils étaient 2 000 au milieu des années 2000 !), 850 seraient donc recrutés avec un salaire moins élevé et moins de moyens que leurs collègues en tenure track ? Ils seraient, dès le départ, relégués au second rang ? ». Dans une autre tribune un collectif de chercheuses et d’universitaires spécialistes du genre dénonce une « précarisation des emplois considérablement accrue dans des pays généralement présentés comme des modèles à suivre, frappant plus durement les femmes ». Selon elles aux Etats-Unis, en 2013, les femmes n’occupaient que 38 % des emplois permanents (tenured jobs), un statut de plus en plus rare (moins de 30 % de l’ensemble des postes), mais leur part était estimée à 62 % des emplois précaires à temps partiel (adjuncts).
Une revalorisation des carrières. Et pourtant Frédérique Vidal a annoncé fin janvier vouloir « prendre les mesures garantissant que, dès 2021, tout chargé de recherche et tout maître de conférences soit désormais recruté à hauteur d’au moins 2 SMIC, contre 1,3 à 1,4 SMIC aujourd’hui ». 92 millions d’euros seraient consacrés à cette revalorisation indemnitaire dès 2021 pour que l’ensemble de la communauté de recherche soit « rémunérée à son juste niveau ». Au total, près de 120 millions d’euros seraient ainsi consacrés à la revalorisation des carrières de la recherche en 2021.
Évaluation généralisée. La question de la tenure n’est pas le seul point de crispation. Dans une autre tribune des chercheurs et des enseignants-chercheurs, membres du collectif Sauvons l’université dénoncent de leur côté « l’introduction de « mesures de qualité », de « critère d’excellence » et « d’indicateurs de réussite » qui fait redoubler le travail et a introduit l’esprit du marketing dans des activités qui n’ont pourtant rien à voir avec la vente et la concurrence. On s’est mis à reporter sur des tableurs des unités de mesure soi-disant pertinentes – nombre d’articles publiés ou nombre de mois consacrés à telle activité – en perdant totalement de vue le caractère intangible des activités humaines dont il est question. L’évaluation généralisée n’est plus destinée à établir la vérité scientifique mais tend à devenir une mesure de « performance ».
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