Depuis ce lundi 16 mars les établissements d’enseignement supérieur français sont fermés et passent peu à peu au 100% en ligne. Auparavant c’est aux Etats-Unis que les universités ont fermé leurs campus les unes après les autres et rapatrié leurs étudiants partis à l’étranger sous la pression du Coronavirus. A partir du 23 mars les cours de la Harvard BS ne seront ainsi dispensés qu’en ligne. Même chose à Stanford, Columbia ou Princeton pour ne citer que les plus prestigieuses. En France l’université de Corte est fermée depuis le 9 mars.
Depuis Rennes SB, emlyon BS et Grenoble EM – qui n’ont à ce jour recensé aucun cas avéré de Covid-19 sur leurs campus – ont été les premières à franchir le pas du passage au 100% en ligne. A Paris c’est après que ce soit déclaré un cas avéré que le site Tolbiac de Paris 1 est fermé depuis le 12 mars afin de « protéger au mieux la santé des étudiants et des personnels qui fréquentent ce centre quotidiennement », selon Georges Haddad, le président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. De son côté Sciences Po autorise depuis le 11 mars ses étudiants à ne plus se rendre en cours.
Seule bonne nouvelle pour les acteurs de l’enseignement supérieur : si les rassemblements sont interdits depuis le 9 mars cela ne devrait pas concerner tous les concours. Ceux-ci font en effet partie de la liste des rassemblements « utiles à l’intérêt de la nation » que les préfets doivent constituer. Dans ce contexte seuls les concours postbac seraient transformés pour passer à un processus d’examen des dossiers.
Silence on ferme. En Italie écoles et universités sont fermées et ne sont sans doute pas prêtes de rouvrir. En France les écoles n’étaient jusqu’ici fermées que dans une partie de l’Oise et de l’Alsace ainsi qu’à Ajaccio. Mais qui dit fermeture d’école ne disait pas automatiquement fermeture d’université dans la zone concernée. En effet, les mesures de fermeture applicables à l’enseignement scolaire, qui s’expliquent par la difficulté de faire respecter les mesures barrières (restriction des contacts physiques etc.) à des enfants, ne se « transposent pas à l’identique dans l’enseignement supérieur » selon le gouvernement. D’ailleurs les lycées fermés ne l’étaient pas pour les étudiants suivant une classe préparatoire ou un BTS.
Alors que les établissements d’enseignement supérieur n’étaient pas encore concernés par les arrêtés préfectoraux Rennes SB a été la première à franchir le pas. « Même si nous nous ne sommes pas au stade 3 de l’épidémie nous ne voulions plus continuer à vivre dans cette angoisse permanente. Notamment avec nos partenaires étrangers », expliquait le 10 mars le directeur de Rennes SB, Thomas Froehlicher qui a vu deux étudiants indiens revenir diagnostiqués positifs au Coronavirus au retour d’un voyage en Italie aller directement à l’hôpoital sans revenir sur con campus.
La première université française à fermer ses portes a été Corte en Corse maintenant suivie par Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur son site de Tolbiac alors que, sur le site de l’université de Haute-Alsace à Mulhouse, les cours ne devaient pas dépasser les 50 personnes. Quant à l’université de Picardie-Jules Verne elle a fermé son IUT de Creil et maintenu ses sites de Beauvais ouverts mais… l’enseignement se faisait à distance.
Comment s’adapter en cas de fermeture des locaux ? Des « régimes pédagogiques adaptés (RPA) » peuvent être institués pour « tenir compte des circonstances sanitaires sans compromettre la continuité pédagogique ». Il peut s’agir de e-learning ou l’aménagement d’espaces de travail dédiés et sécurisés pour les étudiants (distances minimales, limitation du nombre d’étudiants dans une salle de bibliothèque etc.). De plus tous les établissements d’enseignement supérieur sont censés avoir produit un « plan de continuité d’activité » qui sera déployé en cas de fermeture des campus.
Sur son site CY Cergy Paris Université explique qu’une « continuité pédagogique est mise en place pour maintenir un contact régulier avec les enseignants en vous tenant informé de l’avancée des enseignements notamment en prenant appui sur les réseaux existants (en particulier l’ENT et la messagerie électronique), en facilitant l’accès à des supports de cours ou en vous proposant des devoirs et exercices que vous êtes en mesure de réaliser».
Comme tous les établissements d’enseignement supérieur, l’ESC Clermont BS « prépare un plan de fermeture potentiel pour une semaine à un mois avec le relais de l’enseignement à distance », explique sa directrice, François Roudier, qui s’interroge : « Sur des périodes courtes nous avons les moyens de faire face. Mais que feront les entreprises avec nos stagiaires si nos campus sont fermés ? ». A Rennes c’est sur la plateforme Microsoft Teams que les étudiants vont travailler. « De chez eux les étudiants peuvent tout à fait poser des questions. Le seul problème possible peut être la qualité du son », commente Thomas Froehlicher.
Comment se dérouleront les examens ? « 90% de mon temps est consacré aux mesure à prendre pour faire passer les examens », révèle le président du concours Passerelle et directeur de Grenoble EM, Jean-François Fiorina quand Laurent Champaney, vice-président de la Conférence des grandes écoles et directeur des Arts et Métiers, s’interroge : « Que ferons- nous si un étudiant se met à tousser pendant un examen et que d’autres demandent à partir ? ». Longtempe le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation n’a rien voulu entendre et le message – informel – était plutôt « faisons comme pour une grippe ».
La question est encore bien plus difficile à résoudre dans les universités. Sans parler de la nécessité de dédoubler des concours de Paces ce sont des milliers d’examens qui ont lieu dans des amphithéâtres dans lesquels les étudiants sont parfois très proches et doivent passer devant les uns des autres pour rejoindre leur place. La fermeture des universités aura des effets catastrophiques pour leur organisation.
Et pour l’instant on ne parle que des écrits. Dans les écoles les oraux de juin semblent suffisamment loin pour qu’on puisse espérer que la crise du virus ait été résolue. Mais si ce n’est pas le cas déplacer des milliers de candidats dans toute la France risque de poser beaucoup de problèmes…
Suspension des mouvements d’étudiants. Si quasiment plus aucun mouvement vers ou de la Chine n’est possible depuis plus d’un mois c’est toute la mécanique des échanges internationaux qui semble en passe de se gripper. Aux Etats- Unis les programmes d’échanges sont suspendus et les universités demandent même aux participants de retourner dans leur pays d’origine selon University World News (UWN).
Cette difficulté à se déplacer met en péril le cursus de beaucoup d’étudiants pour lesquels la période à l’étranger est obligatoire. Par la voie de sa présidente, Elisabeth Crépon, la Commission des titres d’ingénieur (CTI) a indiqué dans Les Echos qu’il pourrait y avoir « des dérogations pour la délivrance des diplômes d’ingénieurs si la mobilité internationale ne peut pas être faite comme prévu », à condition de « garantir les compétences terminales du diplôme ».
Difficultés financières en vue. Les établissements recevant beaucoup d’étudiants étrangers s’attendent à vivre des moments difficiles. Qui peuvent même affecter tout un pays comme c’est le cas de l’Australie qui a fait de l’enseignement supérieur un business majeur. Sur une population étudiante de près de 1,8 millions d’étudiants, 21% sont étrangers. Elle recevait ainsi en 2017 plus de 380 000 étudiants avec une hausse de 53% en 5 ans. Des étudiants internationaux qui viennent essentiellement d’Asie et de Chine à 60% (15% des étudiants chinois en mobilité) qui représentent environ 0,6% de son produit intérieur brut. Elle devrait donc être le pays le plus touché par la crise. Beaucoup d’universités australiennes se serrent déjà la ceinture mais les emplois seront largement épargnés conte le Times Higher Education (THE).
100% en ligne ! « La crise fait de l’éducation en ligne un courant dominant en Chine » titre UWN en expliquant que, depuis le 17 février, près de 2 700 enseignants de l’Université de Tsinghua ont par exemple dispensé 4 000 cours en ligne à 25 000 étudiants. Aux Etats-Unis c’est à Seattle, ville particulièrement touché par le Coronavirus, que l’Université de Washington est devenue la première grande université des États-Unis à délivrer ses cours 100% en ligne (UWN). Dans cet esprit le département américain de l’Éducation a assoupli les exigences sur la façon dont les universités peuvent utiliser les technologies d’apprentissage à distance pour enseigner temporairement à leurs étudiants (Education Dive).
Même mouvement en France où les établissements sont plus ou moins préparés à franchir le pas. Le campus turinois de ESCP BS a ainsi pu rapidement étendre ses cours en ligne à l’ensemble de ses étudiants « entre l’habitude des cours en ligne et l’âme internationale », explique La Stampa qui cite le directeur du campus Francesco Rattalino : « Nos élèves ne peuvent plus venir en classe, nous ne savons pas s’ils sont à Turin ou sont rentrés chez eux. Mais nous ne pouvions pas arrêter de les former ». Et le directeur général de ESCP BS d’enfoncer le clou : « Le modèle ESCP a été conçu comme un laboratoire in-vivo du monde réel. Nous en faisons aujourd’hui l’expérience, dans une période particulièrement grave, où nous devons nous adapter pour assurer tant la sécurité de nos étudiants que la continuité de leur parcours académique ».
Avoir travaillé sur des dispositifs de travail en distance pour des publics particuliers permet aussi d’avancer plus vite. C’est le cas l’ESC Clermont BS. « Nous avons développé le blended learning depuis quelque années, notamment pour les sportifs que nous formons et qui ont des contraintes particulières, mais surtout en formation continue. Nous allons mettre maintenant en action plus rapidement que prévu des solutions en ligne », remarque François Roudier. Les problèmes à résoudre sont encore plus marquées pour les écoles d’ingénieurs, qu’il s’agisse d’organiser des TD ou de mettre à disposition de leurs élèves un matériel informatique de pointe. Mais pas forcément sans solution pour peu que des initiatives aient été prises. C’est le cas à l’Icam qui a investi depuis deux ans dans un campus numérique. « Nos serveurs centraux qui permettent à tous nos étudiants d’avoir accès, quelle que soit la qualité de la carte graphique de leur propre ordinateur, aux solutions de virtualisation les plus pointues comme Catia. Dans l’absolu un étudiant peut donc tout à fait travailler de chez lui », confie le directeur de l’école, Jean-Michel Viot.
Quel avenir pour les implantations chinoises ? De nombreux établissements d’enseignement supérieur français sont implantés en Chine. Dont beaucoup d’écoles de management. Qui sont diversement impactées. « En Chine notre implantation n’est pas fermée car elle ne se situe pas dans une zone contaminée. En revanche tous les départs d’étudiants vers la Chine ont été annulés. Quant à ceux qui étaient là-bas, certains ont préféré y rester », confie François Roudier quand son homologue de l’ISC, Jean-Christophe Hauguel, explique : « En Chine nous délivrons essentiellement des programmes de DBA (Doctorate of Business Administration) et MBA (master of business administration) aux étudiants chinois. Une rentrée doit avoir lieu en avril mais nous n’enverrons pas de professeurs. Nous recevons également chaque année 40 étudiants chinois qui étaient déjà en France avant la crise. Enfin nous avons rapatrié tous nos étudiants qui étaient présents en Chine ».
La décrue de l’épidémie enregistrée en Chine permet même à d’autres établissements de se préparer à la relance de leurs activités d’enseignement supérieur. Le Master of Science in Financial Technology & Risk Control de la SABS (Shenzhen Audencia Business School) vient ainsi d’être accrédité par le ministère de l’Education chinois. L’école accueillera ainsi en septembre 2020 la première promotion – 100% chinoise – de ce nouveau programme sur son campus aujourd’hui fermé. La formation sera enseignée à 100% en anglais par des professeurs de SABS ainsi que des professeurs d’Audencia qui feront le déplacement de France. Et, à moyen terme, des étudiants d’Audencia en France pourront également choisir d’intégrer ce programme. Comme le dit un proverbe chinois « On ne peut empêcher les oiseaux noirs de voler au-dessus de nos têtes, mais on peut les empêcher d’y faire leur nid ».
- Comme les députés, dont plusieurs sont atteints par le virus, les directeurs d’établissements d’enseignement supérieur sont particulièrement susceptibles de rencontrer un public contaminé. Marc Mézard, le directeur de l’ENS Paris, a ainsi été diagnostiqué positif au Covid-19 le 8 mars. Selon le communiqué adressé aux étudiants il reste pour le moment confiné chez lui et « continue de diriger l’école à distance ».
- Relire notre article Covid-19 : vers un enseignement supérieur à distance ?
Il va être difficil de contrôler les examens.On va voir ça donne quoi.