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L’EM Normandie quitte le concours BCE : son directeur général, Elian Pilvin, nous explique pourquoi

Elian Pilvin présentant le livre commémorant les 150 ans de l’EM Normandie.

Les résultats du Sigem 2024 le montraient bien : pour beaucoup d’écoles le recrutement d’étudiants en classes préparatoires devient de moins en moins important. L’EM Normandie franchit aujourd’hui le pas de passer entièrement à un recrutement postbac en quittant le concours BCE. Les explications d’Elian Pilvin, directeur général de l’EM Normandie.

Olivier Rollot : Les résultats du Sigem 2024 sont connus depuis le 12 juillet. L’EM Normandie y sera-t-elle encore présente en 2025 ?

Elian Pilvin : Non. Nous n’avons pas resigné le contrat qui nous liait à la Direction des admissions et concours de la CCI Paris Ile-de-France qui organise le concours BCE. L’EM Normandie ne sera donc pas présente dans le concours 2025. Cela n’a plus guère de sens alors que nous n’y recrutons plus que 1% de nos étudiants du PGE, soit 9 cette année. Nous préférons concentrer nos efforts sur l’univers des écoles postbac où notre Programme Grande Ecole est, a contrario, très bien positionné, aussi bien dans les concours que dans les classements, nationaux et internationaux.

O. R : Ce n’est pas une question financière pour vous ?

E. P : Non pas du tout. Quand on veut exister sur un marché, il faut faire partie des acteurs majeurs. Pendant longtemps, l’EM Normandie a été la seule école à recruter à la fois en postbac et en post-prépas. Ce modèle était à la fois innovant et disruptant au début des années 2000 où le recrutement via la filière CPGE prédominait. C’est le moment pour nous de sortir du recrutement post-prépas. L’école dispose de tous les gages de qualité en France comme à l’international et elle a su s’imposer parmi les leaders des écoles postbac en 5 ans. Il vaut mieux nous concentrer sur le postbac plutôt que d’essaimer. En 2025, l’EM Normandie sera donc une école 100% postbac recrutant également sur titre. Nous pourrons néanmoins toujours recruter des élèves de classes préparatoires s’ils postulent en admission sur titre.

O. R : Quel regard jetez-vous sur les classes préparatoires économiques et commerciales ?

E. P : Les effectifs des CPGE n’ont malheureusement pas suivi la progression des écoles en termes de taille. Elles sont même en contraction depuis plusieurs années déjà. Une réflexion globale est sans doute nécessaire pour refaire des prépas une voie plébiscitée par des élèves qui apprécient la formule des deux années intenses en amont d’une formation au management plus opérationnelle. Il ne s’agit pas de remettre en cause la qualité des CPGE, en revanche on peut réfléchir à une évolution qui me semble indispensable pour éviter de ne servir qu’une dizaine d’écoles. Les velléités des écoles du haut de classement d’ouvrir davantage de places seront en effet sans doute de plus en plus fortes. 15 places de plus ouvertes dans chaque école du top 10 signifie 150 élèves de moins pour les autres !

Il y a un vrai sujet de repositionnement des classes préparatoires et d’attractivité de la filière sur lequel les CPGE et les grandes écoles travaillent, mais pourront-elles endiguer la tendance actuelle ?

O. R : Mais alors comment les classes préparatoires devraient-elles se transformer ?

E. P : Les classes préparatoires devraient sans doute évoluer vers le modèle des CPES (cycles pluridisciplinaires d’études supérieures). C’est-à-dire un cycle postbac en trois ans diplômant en licence et ouvrant à l’entrée dans les écoles sans être dans une logique de concours. Un passage en trois ans rendrait également le système des classes préparatoires plus compréhensible à l’international où il est difficile d’expliquer que les grandes écoles françaises recrutent des étudiants après un bac+2 sans qu’ils aient de diplôme pour entrer au niveau licence. Ce serait beaucoup plus efficace d’adopter le système LMD pour que les écoles recrutent en master en proposant aux étudiants des spécialités plus marquées.

De plus, on pourrait aussi accroitre l’accompagnement à la recherche dans ce nouveau système. Une recherche à laquelle les élèves de classes préparatoires ne sont pas préparés alors que cela est demandé aux grandes écoles dans leurs bachelors par la Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion).

Enfin, je pense qu’il faudrait s’extraire de cette notion de compétition qui est au cœur du Sigem. Il est dommage que des professeurs incitent leurs élèves à cuber plutôt qu’à entrer dans une école moins cotée, figeant ainsi les positions. Ce qui est vraiment important, c’est la qualité de l’employabilité que garantissent les grandes écoles de management.

La logique, c’est de recruter de bons étudiants français et internationaux, pas de battre d’autres écoles qui sont les meilleures du système français.

O. R : Le recrutement des écoles passe aujourd’hui d’une dichotomie bac/bac+2 à une autre bac/bac+3 ?

E. P : Avec des titulaires d’un BTS qui ne veulent intégrer une école que si elle leur propose de l’alternance (en passant par une 3ème année de Bachelor en alternance avant de rejoindre ensuite un PGE) et des DUT qui sont devenus des BUT en 3 ans, la logique du recrutement en admission sur titre (AST) est effectivement passée à l’entrée en master 1. Mais le système n’est pas du tout organisé comme l’est le Sigem ou le site « Mon master » pour les universités. Chaque école recrute comme elle le souhaite alors qu’il faudrait s’inscrire plus précisément sur ce cycle master pour donner un nouveau souffle au système et se différencier des « officines » qui font tant de mal à l’enseignement supérieur.

O. R : Finalement quitter aujourd’hui la BCE est l’accomplissement d’un cycle commencé il y a près de 20 ans pour l’EM Normandie ?

E. P : Sous l’impulsion de Jean-Guy Bernard, l’EM Normandie a commencé en 2006 à devenir progressivement une école postbac en 5 ans. C’était à l’époque une petite « révolution » pour l’école et dans le paysage des grandes écoles. Aujourd’hui, nous bouclons la boucle dans une logique internationale. Je crois en effet qu’une école de management doit recruter des profils diversifiés, autant en France qu’à l’international, pour préserver un bon équilibre et former des talents créatifs capables de répondre aux défis environnementaux et sociétaux.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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