Si la dimension académique reste prépondérante dans un cursus, tout ce qui la complète au sens large, « l’expérience étudiante », revêt une importance de plus en plus cruciale. Le ressenti global des étudiants c’est ce qui fera leur attachement à leur école. Un sujet que la directrice générale de Neoma, Delphine Manceau, et son directeur général adjoint, Julien Manteau, prennent particulièrement à cœur.

Olivier Rollot : « L’expérience étudiante » revêt de de plus en plus d’importance dans les écoles de management. Qu’est-ce que cela signifie pour Neoma ?

Delphine Manceau : L’expérience étudiante est au cœur de notre plan stratégique 2027 « Engage for the Future ». S’engager pour le futur, c’est notamment donner à nos étudiants les clefs pour devenir des acteurs des transformations en cours dans la société et dans les entreprises. Nous pensons à Neoma qu’une des façons de leur donner ces clefs consiste à leur faire vivre des expériences riches et variées, sur le terrain, à l’international, en se confrontant à des situations inattendues et à des interlocuteurs qui ne pensent pas et n’agissent pas comme eux.

Au global, c’est tout un processus de transformation de nos étudiants que nous mettons en œuvre via les différents expériences et parcours que nous leur proposons. Une transformation presque holistique dans leur compréhension du monde, à un moment-clé de leur vie où ils évoluent à toute vitesse. Pour Neoma, l’expérience étudiante c’est s’engager pour les étudiants dans toutes les dimensions de leur évolution, au-delà du seul parcours académique. C’est s’engager avec eux dans un parcours de vie.

Julien Manteau : Dans un tel contexte, un de nos enjeux clef est de réussir à mettre les étudiants dans l’action, pour qu’ils vivent pleinement ces expériences enrichissantes et en apprennent davantage sur eux-mêmes. Ce qui implique pour eux de sortir de leur zone de confort, d’accepter une part d’inconnu, car on ne sait jamais complètement ce qu’on va retirer d’une expérience avant de l’avoir vécue.  De nombreux étudiants disent qu’ils veulent être acteurs de leur formation. A Neoma, nous leur donnons effectivement les moyens d’expérimenter de nouvelles manières d’apprendre et de s’engager grâce à différents dispositifs.

Par exemple, « NEOMACT » est un parcours mettant les étudiants dans l’action sur les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux et qui leur permet par exemple de choisir un projet à impact dans lequel s’investir. Cet engagement est ensuite reconnu par des crédits ECTS. Autre exemple, notre « PEA » (Parcours Entrepreneuriat et Associations) leur permet de se consacrer à un projet concret, artistique, sportif, etc.

O.R. : De nombreuses écoles dont NEOMA se disent « student centric ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

D. M : Notre mot d’ordre est de mettre les étudiants au cœur de toutes nos décisions stratégiques et opérationnelles, dans tous les services de l’école. Quand je dis cela, je pense autant aux services de « front office » qu’aux services de « back office », qui ont bien plus souvent qu’on ne le pense des impacts directs sur l’expérience étudiante.

J. M : Cela nous a amené à clarifier notre rôle auprès des étudiants, qui n’est pas d’obéir à leurs demandes en toutes circonstances, mais bien de concevoir pour eux une expérience formatrice et épanouissante. Prenons l’exemple des emplois du temps : ils sont conçus par des équipes qui ne sont pas forcément en contact direct pour les étudiants, mais ils sont bien un point clef de leur expérience, et ils concentrent beaucoup d’attentes.

Nous nous sommes donc demandé ce qu’était un emploi du temps « student centric ». Avoir ses cours concentrés sur 3 jours peut être le souhait de certains étudiants pour repartir dans leur famille dès que possible, mais ce n’est pas une pratique « student centric » au sens où cela risque de pénaliser la vie de campus et la vie associative. Il faut donc des emplois du temps favorable à la vie de campus, pensés autour de l’expérience académique et non académique.

O. R : Neoma investit dans de nouveaux campus, il y a deux ans à Paris et bientôt à Reims. Comment les concevez-vous pour mieux répondre aux attentes de vos étudiants ?

D. M : A Reims, tout le projet a été conçu autour de ce que nous appelons la « ruche » et qui sera le cœur de la vie étudiante. Un lieu de vie animé et studieux à la fois, où l’on crée la rencontre entre étudiants et avec tous les services de l’école. Les lieux sont essentiels pour créer une ambiance, un climat interne, et de la sérendipité. Nous avons également mené une réflexion sur des lieux éphémères qui verront le jour dans ce forum central, en fonction de l’actualité de chaque moment de l’année.

Ce forum / agora sera également tourné vers la ville de Reims au sein d’un nouveau quartier en plein développement. Nous pourrons accueillir des événements extérieurs à l’école au sein d’un amphithéâtre de 750 places que l’on peut diviser en plusieurs salles en fonction des besoins. Nous allons donc créer un campus ouvert vers la cité. Pour cela, nous travaillons avec un cabinet d’architecte qui a fait des projets dans le monde entier et connait bien l’enseignement supérieur.

O. R : Que vous apporté l’expérience de la création de votre campus parisien pour concevoir ce nouveau campus ? Je rappelle qu’à Paris, vous vous êtes installé dans un bâtiment de bureaux préexistant alors qu’à Reims votre bâtiment sera dès le début dédié à l’enseignement.

D. M : A Paris, nous avons acheté un bâtiment de bureaux et nous l’avons complètement transformé, ce qui était possible puisqu’il s’agissait de « plateaux » très modulaires. Quand nous avons travaillé sur le projet, avant la pandémie, nous avons raisonné en fonction des usages et imaginé des lieux pour chaque type d’usage. Depuis deux ans que nous avons emménagé, nous confrontons l’intention avec la réalité : comment les étudiants, les professeurs, les équipes se sont-ils appropriés les espaces, et y vivent-ils / travaillent-ils comme nous l’avions imaginé ? C’est passionnant à observer. Il s’avère que 90% des lieux ont trouvé leur usage, en général tel que nous l’avions prévu mais parfois d’une autre manière. Les murs inscriptibles fonctionnent très bien.

Nous avons beaucoup insisté sur la création d’espaces de co-working très modulaires, de même que notre auditorium. Nous ne voulions surtout pas d’un amphithéâtre qui ne servirait que deux heures par semaine. Tout est très modulable. Mais les salles de créativité, par exemple, sont devenues des espaces de coworking étudiants, ils les utilisent bien au-delà des cours. De même, ils déjeunent en dehors de la cafétaria, dissociant moins les usages et les moments de la journée que nous ne l’avions pensé. L’escalier devient un espace d’exposition des œuvres d’art de certains étudiants… Bref, les choses évoluent en permanence.

Nous utilisons ces enseignements pour concevoir le futur campus de Reims. Nous avons d’ailleurs embauché une architecte qui avait travaillé sur le projet parisien pour capitaliser pleinement sur cette première expérience.

O. R : La bonne santé de vos étudiants est un autre point d’attention crucial pour vous. Comment êtes-vous organisés ?

J. M : Dès 2017, nous avions créé un pôle wellness qui apporte notamment des réponses à la question clef « comment gérer sa vie en tant que jeune adulte autonome ». Il s’agit d’apprendre à gérer son temps, son sommeil, de réfléchir à ses habitudes alimentaires… Toute une semaine « wellness » est dédiée à cet apprentissage quelques semaines après leur entrée à l’école. L’enjeu est de les accompagner avec bienveillance pour qu’ils deviennent pleinement autonomes, apprennent à s’organiser, et prennent leur envol.

C’est particulièrement important lorsqu’il s’agit de partir à l’international : cela peut être une expérience impressionnante a priori, source d’anxiété, c’est donc à nous de les préparer au mieux pour qu’ils osent l’envisager et qu’ils en tirent ensuite le maximum de bénéfices. Le service wellness aborde aussi des sujets graves, la dépression, la prévention des addictions ou encore les violences sexistes et sexuelles (VSS).

O.R : Justement, que faites-vous pour lutter contre les VSS ?

D. M : C’est un combat sur lequel Neoma est fermement engagée et j’y suis personnellement très sensible. Notre politique en la matière est très claire, je le dis d’ailleurs aux nouveaux étudiants dès l’amphi de rentrée : tolérance zéro sur ces sujets. Notre action se structure en trois axes : la prévention, l’accompagnement et la sanction. Nous avons par exemple mis en place de nombreux dispositifs de sensibilisation et d’accompagnement pour lutter contre ce fléau, avec des organismes spécialisés et avec nos associations étudiantes, qui se sont fortement emparées de ces sujets. Une cellule de veille et d’écoute, avec une offre de suivi psychologique, est aussi à la disposition des étudiants sur l’ensemble de nos campus.

O.R : Comment les situations de handicap sont-elles prises en compte ?

D. M: Un référent Handicap est présent sur chaque campus. Il est à l’écoute des étudiants qui vivent avec un handicap, permanent ou passager, pour leur proposer un accompagnement personnalisé, comme des aménagements en cours ou lors des examens, ou des équipements spécifiques.

J. M : Nous travaillons aussi avec les associations étudiantes qui organisent des événements de sensibilisation comme des parcours en fauteuil roulant ou des dîners dans le noir par exemple. Nos étudiants ont aussi la possibilité de suivre la formation « Handimanager » pour apprendre à mieux intégrer les personnes en situation de handicap au sein des entreprises.

O. R : Plus globalement : comment mesurez-vous la satisfaction de vos étudiants ?

D. M : Il y a cinq ans nous avons lancé une grande enquête de satisfaction annuelle auprès de nos étudiants sur l’intégralité de leur parcours au sein de Neoma. Cela va donc au-delà des traditionnelles enquêtes sur les cours pour aborder tous les sujets : l’accompagnement professionnel, l’expérience internationale, le campus, les équipements, les pratiques de l’école en matière de transition sociale et environnementale, les examens… Nous en sortons un baromètre annuel et des verbatim très détaillés sur leur expérience d’étudiants que nous complétons par des focus groupes.