En 1989, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris s’implante sur le site de La Villette et souhaite alors construire une résidence pour ses étudiants. La construction est alors confiée à l’une des filiales immobilières de la Caisse des Dépôts et la gestion en est confiée à l’association très joliment appelée Arpej (Association des résidences pour étudiants et jeunes). L’un des principaux gestionnaires français de résidences conventionnées est né. Il gère aujourd’hui 96 résidences – de 19 à 330 logements chacune – qui accueillent 13 800 jeunes de moins de 30 ans, dont une majorité d’étudiants, comme nous l’explique sa directrice générale, Anne Gobin.
Olivier Rollot : Arpej est l’un des principaux gestionnaires de logements étudiants en France. La pénurie de logements étudiants est-elle toujours aussi forte aujourd’hui ? Un rapport de la Cour des Comptes publié en juillet 2025 sur Le soutien public au logement des étudiants estime que c’est surtout le cas en Ile-de-France. Il met également en avant une baisse de la demande à partir de 2030 avec des générations dont les effectifs seront moins importants.
Anne Gobin : Nous recevons toujours neuf demandes pour chaque logement que nous mettons en location. Dans toute la France nous en prenons 700 nouveaux en gestion chaque année. On estime qu’il manque environ 120 000 logements étudiants alors que l’État voudrait en construire en tout 45 000 nouveaux d’ici la fin du quinquennat. On compte en tout environ 240 000 places dans des logements sociaux pour étudiants dont à peu près 174 000 dans des résidences Crous.
Et quand la Cour des Comptes fait ses prévisions prend-elle en compte la part des étudiants internationaux ? Prend-elle en compte les 17% de jeunes qui ne renoncent à faire des études faute de logement selon un sondage Opinion Way publié en 2023 ?
O. R : Qu’est-ce qui caractérise les résidences que gère l’Arpej ?
A. G : Outre fournir un logement fonctionnel, abordable et de qualité,notre objectif constant est de créer du lien social grâce à nos collaborateurs en proximité mais aussi à notre service innovation et partenariat. des accompagnements personnalisés sont également réalisés selon les besoins des résidents par les 12 travailleurs sociaux d’État que nous employons. Nous mettons en œuvre quantité d’actions de convivialité : Welcome day au début de l’année, nouvelle année en janvier, fête des résidents en juin, nous voulons avant lutter contre l’isolement.
Nous menons également des actions thématiques sur l’alimentation, le sport, le théâtre – prise de parole en public – et bien sur la santé. Nous insistons sur la prévention avec des associations comme Aides ou Sida Info Service, sur le consentement, le GHB, etc.
O. R : Qui sont vos locataires ?
A. G : La moyenne d’âge de nos résidents est de 24 ans avec 48% de rotation chaque année – ils restent en moyenne 19 mois dans nos résidences – avec une petite majorité d’hommes : 54%. 55% touchent les APL dont un quart des jeunes actifs logés.
Parmi les étudiants, 20% seulement sont boursiers contrairement aux résidences gérées par les CROUS identifiés par les étudiants comme le 1er logeur de boursiers d’État.
Pour nous contacter tout se fait par Internet avec une règle simple : premier arrivé, premier servi dès lors qu’il remplit les conditions réglementaires pour accéder à un logement conventionné. Toutefois les étudiants bénéficiaires d’une bourse sont prioritaires.
Contrairement aux CROUS qui ne peuvent pas recevoir beaucoup d’étudiants étrangers, étant ouverts en priorité aux boursiers d’État, donc forcément français, 60% de nos résidents sont internationaux, dont 7% issus de l’Union européenne. Les établissements d’enseignement supérieur orientent prioritairement les étudiants internationaux vers nous car ils savent que nos résidences sont un « amortisseur du dépaysement » pour ces étudiants éloignés de leurs famille et amis.
O. R : Comment vous financez-vous ?
A. G : Nous bénéficions d’une subventionde l’État (AGLS) exclusivement pour les résidences sociales que nous gérons. Elle représente 0,02% de notre budget de 77 millions d’euros. Notre équilibre financier repose sur l’optimisation de nos taux d’occupation. Il est de 99% au global et en Ile-de-France et 96% en région.
Le modèle d’Arpej c’est d’être locataire d’un immeuble dont le propriétaire est un bailleur social. Nous avons une grille de répartition des travaux bailleur/Arpej annexée à la convention de location. Nous finançons le mobilier des résidences, ce qui représente en moyenne 2300€ initiaux par logement. Nous prenons 700 nouveaux logements en gestion chaque année. L’Association emploie 166 permanents (dont 2/3 interviennent en résidences) plus 31 en CDD pendant l’été pour anticiper la rentrée.
Dans notre enquête de satisfaction annuelle 2025, 93% de nos résidents se déclarent satisfaits d’Arpej et nous avons seulement 1,3% d’impayés.
O. R : Comment se décide la construction d’une résidence étudiante ou sociale ?
A. G : Dans 70% des cas, les bailleurs nous sollicitent car ils disposent d’un foncier ou parce qu’un promoteur leur propose un bâtiment en « Vente en l’état futur d’achèvement » (VFA) et nous partons en équipage très en amont du projet. Dans les 30% restant c’est le promoteur qui nous propose un projet et nous sollicitons ailleurs l’un des bailleurs avec lesquels nous travaillons.
Dans tous les cas, nous réalisons d’abord une étude marketing pour évaluer l’opportunité de la localisation (transport, commerces, proximité avec d’autres résidences Arpej, etc.). Chaque mois le bureau du conseil d’administration se réunit pour examiner les projets proposés. Une fois la localisation validée il reste cependant à trouver un équilibre économique pour toutes les parties prenantes.
O. R : Dans le loyer que payent vos résidents tout est compris ?
A. G : Tout est compris : le loyer, un forfait de charges qui comprend l’eau, l’électricité, le chauffage. Le mobilier, internet, l’accompagnement par nos salariés, la vidéosurveillance et l’accès aux espaces communs (salle de travail ou espace de convivialité) sont également inclus. Nous proposons également des kits dodo et vaisselle vendus à prix coutant pour simplifier leur aménagement. Nous demandons à nos résidents de nous signaler tout problème dans leur logement et nous faisons gratuitement les réparations. Ainsi avec l’accord du jeune nous pouvons entrer dans les appartements pour assurer de la maintenance.
Une laverie est à disposition dans chaque résidence et la lessive est comprise dans de cout du lavage. Sinon on a des surprises !
O. R : Oui vous devez composer avec des primo locataires !
A. G : C’est très souvent leur premier logement indépendant. De ce fait, par exemple, beaucoup ne savent pas remettre l’électricité en route quand il y a une disjonction ! Nous avons donc une astreinte le soir et les week-ends pour les aider. Notre mission c’est d’accompagner les jeunes afin d’être demain des locataires autonomes. Ce sont des citoyens de demain en apprentissage de la vie collective.
Nous mettons également du gardiennage en place quand l’environnement est compliqué où que nos résidents sont toniques à l’excès (élection du bureau des élèves, fêtes post examen), afin d’assurer le calme et la tranquillité tant pour nos locataires que pour le voisinage.
O. R : Vous le disiez, vous êtes au sein de l’Arpej « obsédés » par la création de lien social. Comment cela se traduit-il ?
A. G : La solitude peut être subie ou choisie. Dans nos résidences on peut choisir d’être totalement seul chez soi en toute autonomie ou de partager des espaces communs accessibles à tous. Le cahier des charges auxquels répond chaque résidence repose sur la qualité d’usage. Il y a par exemple un bureau dans lequel travaille l’un de nos collaborateurs et que les jeunes peuvent solliciter si besoin. Nos f=gestionnaires sont à l’affut de petits signes, hygiène, look, qui peuvent caractériser une souffrance ou une perte de repères. Nous proposons aussi à nos résidents, selon les possibilités d’implantation des jardins partagés (12), des ruches, des espaces de sport internes ou externes et une application qui leur permet de réserver les salles communes.
Spécifiquement pour les jeunes en résidences sociales, les travailleurs sociaux Arpej travaillent en lien avec les réservataires et rencontrent les jeunes avant leur entrée dans le logement. Ils mesurent ainsi avec l’intéressé, les nécessités et les axes d’accompagnement afin qu’ils puissent quitter la résidence pour accéder à un logement pérennes dans les meilleurs délais (26 mois en moyenne actuellement). Ces jeunes aux faibles revenus intègrent un logement en résidence sociale, construite grâce à du « Prêt Locatif Aidé d’intégration », le PLAI. Les résidences universitaires quant à elles sont majoritairement construites en Prêt Locatif Social, ce qui engendre un loyer plus conséquent. Quel que soit le type de résidences, tous nos locataires peuvent bénéficier de l’APL si leur ressources les y rendent éligibles.
En conclusion, nous pouvons dire que malgré les défis à venir, notamment les projections démographiques indiquant une baisse du nombre d’étudiants nationaux à horizon 2030, nous savons que la demande de logements restera forte, notamment pour les étudiants internationaux. Notre mission est de continuer à offrir des logements abordables et un accompagnement de qualité, en restant fidèles à notre vocation : aider les jeunes à réussir leur parcours d’études et d’insertion.
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L’Arpej va ouvrir sa « résidence laboratoire »
C’est une première. L’Arpej vient d’acquérir un terrain qui accueillera sa « résidence laboratoire », un projet destiné à « devenir la vitrine de son savoir-faire et de son engagement pour le logement des jeunes ». En partenariat avec Linkcity, elle a en effet été désignée lauréate de la consultation lancée par la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO). Ouvrant ses portes en 2028, cette résidence étudiante de 200 logements est située à Saint-Ouen dans l’ancien village olympique. « Devenir propriétaire, même si ce n’est pas dans nos usages, nous offre l’opportunité de mobiliser tout notre savoir-faire et d’investir dans des choix architecturaux et techniques audacieux » commente Anne Gobin qui entend ainsi « expérimenter librement des solutions innovantes, qu’il s’agisse du bâti ou des services, toujours au service du bien-être étudiant ».
Les typologies des logements de la résidence vont des studios de 20 m² avec balcon aux appartements adaptés aux familles monoparentale en passant par des logements pour couples. Le projet comprendra en pied d’immeuble un restaurant ouvert aussi aux habitants du quartier, une salle de sport, une salle de musique insonorisée et un rooftop végétalisé. Il intégrera aussi des innovations numériques : serrures électroniques, écrans digitaux, suivi des consommations énergétiques. En termes de bâti, le chantier sera bas carbone avec une structure bois, visant les labels RE 2020, BBCA et NF Habitat HQE.
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