La question du développement des bachelors est dans toutes les têtes et notamment celles des écoles d’ingénieurs. Sans avoir le retentissement du bachelor de l’Ecole polytechnique, les initiatives se bousculent. L’Insa de Lyon a ainsi lancé très discrètement cette année un bachelor très spécialisé : l’International bachelor in Mechanical, Materials And Aerospace Engineering. Dispensé en anglais en coopération avec ECAM Lyon et l’université de Strathclyde (Glasgow) il s’adresse essentiellement à un public international et est dispensé 100% en anglais. « Nous constations qu’un certain nombre d’étudiants étrangers ne réussissaient pas dans leur cursus. Nous avons donc adapté nos méthodes pour ce nouveau bachelor », révèle le directeur de l’Insa, Eric Maurincomme. Côté finance, délivré au prix de 6000€ par an le bachelor « atteindrait facilement son équilibre financier ». Le tout sans que la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) n’ait été prévenue car « ce n’est pas l’objectif que les diplômés du bachelor poursuivent ensuite leur cursus ». Un exemple qui amène à se poser les sept grandes questions auxquelles doivent répondre ceux qui entendent développer des bachelors…
1. A quels publics s’adressent les bachelors ?
Les profils recherchés varient très largement selon les bachelors. « Ce que nous cherchons ce sont des profils binationaux, trilingues, mais aussi bons en maths. Des personnalités qui ont vécu des expériences, vécu partout dans le monde et ne veulent surtout pas de cantonner à un seul pays dans le supérieur », explique Benjamin Voyer, le directeur académique du bachelor d’ESCP Europe. A contrario, hormis les candidats en réorientation, 60% des candidats du concours Atout+3 – des bachelors plus accessibles – sont issus de terminale ES, 30% de S et quelques-uns de L et STMG.
Du côté de l’Ecole polytechnique on se positionne très clairement à l’international. « Les étudiants internationaux non francophones ont souvent du mal à s’inscrire dans les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) dont les cours sont dispensés 100% en français et qui demandent une bonne connaissance de notre système des Grandes Écoles. Avec ce bachelor, nous nous alignons sur les standards internationaux », commente le directeur de l’enseignement et de la recherche de l’École polytechnique, Frank Pacard. « Ce niveau bachelor recouvre des réalités très différentes », conclut le directeur général de l’Institut Mines Télécom, Philippe Jamet dont le tout nouveau bachelor recrute essentiellement des bacheliers STI2D.
2. Les bachelors sont-ils amenés à concurrencer les classes prépas ?
« Nous n’établissons pas de passerelle entre notre bachelor et notre PGE », signifie Frank Bournois, le directeur général d’ESCP Europe. Même tonalité du côté de Samir Ayoub, le directeur général de l’Essca, école postbac qui délivre également un bachelor, pour lequel « les deux cursus, en trois et cinq ans, sont clairement distincts ». Pour autant 75% des diplômés de ces bachelors dispensés par d’excellentes écoles poursuivent leur cursus. Dont les deux tiers dans des écoles de management où leurs titulaires concurrencent donc directement les élèves de CPGE. « Les prépas vivent mal que des élèves qui n’ont pas eu le niveau pour intégrer une classe préparatoire, ou l’ont quitté à la fin de leur première année, puissent ensuite intégrer une école par d’autres voies, type concours Passerelle ou autre, mieux classée que celle qu’ils auraient eu en restant en prépa parce qu’ils étaient mauvais en maths ou autre», commente Alain Joyeux, le président de l’APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales).
Une dérive contre laquelle entend bien se prémunir l’Ecole polytechnique. « Les étudiants qui viennent suivre notre bachelor ne seraient pas venus en France ni en prépa. D’ailleurs l’enseignement s’effectuera pour l’essentiel en anglais. Nous ne sommes pas du tout dans la compétition avec les classes prépas », promet son président, Jacques Biot. Parmi les 71 étudiants de la première promotion du programme Bachelor de l’École polytechnique 37 sont internationaux et 34 sont français (dont 10 de double nationalité).
3. Les bachelors vont-ils concurrencer les licences universitaires ?
L’Insa Lyon se veut claire : « Avec ce cursus, hors de question de concurrencer les licences des universités lyonnaises mais bien de rendre l’INSA plus visible à international ». Sans doute mais les universités ne l’entendent pas de cette oreille et se disent largement opposées au développement des bachelors dans les écoles d’ingénieurs publiques. Quant à la création d’un « grade licence », qui pourrait être accordé aux meilleurs bachelors à l’instar de ce qui se fait pour les masters, elles ne veulent pas en entendre parler.
A moins qu’elles ne franchissent un jour le pas du bachelor elles-mêmes… « L’enjeu de la réforme du premier cycle est considérable et les universités doivent réfléchir à la création de bachelors pour peu qu’elles dépassent leur peur de se « secondariser » et de rendre les licences sélectives », explique l’ancien président de Paris-Dauphine Laurent Batsch.
4. Les bachelors mènent-ils tout de suite au marché du travail ?
Parmi les 42 diplômés de la première promotion du bachelor des Arts et Métiers, destiné à un public de bacheliers technologiques, deux seulement ont choisi de se tourner vers le marché du travail, les autres poursuivant leurs études dans différentes écoles d’ingénieurs « De ce point de vue c’est plutôt un échec car nous espérions qu’ils seraient plus nombreux à travailler tout de suite », confie le directeur des Arts et Métiers, Laurent Champaney.
Même les entreprises chez lesquels ils ont été en stage, et qui ont pourtant du mal à recruter de bons techniciens, leur ont en effet conseillé de poursuivre leur cursus. « Je n’en suis pas moins fois satisfait d’avoir pu montrer que ces jeunes issus des filières technologiques pouvaient parfaitement devenir ingénieurs. Mais si on veut former plus de techniciens il faut peut-être aussi s’intéresser aux bacheliers professionnels », conclut Laurent Champaney.
5. Dans quelle langue les bachelors doivent-ils être dispensés ?
Si certains bachelors sont dispensés à 100% en anglais, c’est le cas pour ESCP Europe ou l’Insa Lyon, la plupart ne le sont que partiellement. Le bachelor de l’X est par exemple essentiellement dispensé en anglais mais pas totalement. Tout dépend en fait de la volonté ou pas de recruter essentiellement des candidats internationaux.
6. A quel prix les bachelors peuvent-ils être facturés ?
Alors que dans les écoles de management le prix des bachelors varie entre 6000 et 9000€ (si on veut bien excepter celui d’ESCP Europe qui dépasse les 13 500€ par an) la variable est beaucoup plus large dans les écoles d’ingénieurs. Entre le bachelor de technologie des Arts et Métiers – 400 € par an – et les 12 000€ de l’Ecole polytechnique l’écart est abyssal. Entre les deux le bachelor « Tech Sales Management » de l’EPF et l’ICD est facturé 7500€ par an.
7. Les bachelors doivent-ils être spécialisés ?
Sans vouloir établir de différence absolue force est de constater que du côté des « bachelors d’élite », ceux de l’Ecole polytechnique ou d’ESCP Europe, les cursus sont plus académiques avec des poursuites d’études en perspective. Rien de cela du côté de l’Insa dont le bachelor est hyperspécialisé. Pour une école postbac comme l’Essca, toute la difficulté est de proposer de nouveaux programmes qui se différencient de son Programme Grande Ecole. « Nous viserons donc des compétences nouvelles, en vue de cibler une autre catégorie de bacheliers et surtout de nouveaux débouchés en entreprises » explique ainsi Samir Ayoub dont l’école vient de lancer un bachelor en management du sport en 3 ans avec l’IRSS (Institut Régional Sport et Santé) et « privilégiera dans l’avenir le développement de bachelors communs avec des écoles d’ingénieurs afin de préparer les jeunes à des compétences à la fois managériales et techniques ».
- HEADway a publié une étude sur le bachelor : Bachelor, que veulent les étudiants ?
- Une autre formation de niveau bachelor sera offerte prochainement au sein du Groupe INSA, en collaboration avec la société de formation à distance OpenClassrooms. Les modules fournis par les 6 INSA sont en cours de finalisation autour d’une spécialisation « Internet des Objets ».