Après une longue carrière dans des entreprises publiques et privées il préside aux destinées du groupe Inseec U. depuis la fin 2020. Le regard de Mathias Emmerich sur un nouveau monde qu’il découvre peu à peu. Et le passionne !
Olivier Rollot : Après une longue carrière dans la fonction publique, une entreprise privée avec Publicis, puis à la SNCF – où vous étiez directeur délégué jusqu’à la fin 2019 -, vous êtes le président du Groupe INSEEC U. depuis décembre dernier. Pourquoi avoir accepté ce poste très différent des précédents ?
Mathias Emmerich : C’est d’abord une opportunité qui s’est présentée. Il ne faut pas mésestimer le hasard et la nécessité. Surtout quand ils font remonter un intérêt marqué dans mon parcours pour la chose publique et l’intérêt général. Après une carrière pendant laquelle j’ai mixé des missions de haut fonctionnaire et de services aux entreprises, comme pendant les 15 ans que j’ai passés à la SNCF, j’avais sans doute aussi envie de revenir à un univers de l’enseignement supérieur que j’ai apprécié tout au long de mes études à l’Ecole normale supérieure (ENS) Lyon, Sciences Po et l’Ena sans oublier une agrégation.
O. R : Vous connaissiez déjà le groupe INSEEC U. ?
M. E : Non. Je l’ai totalement découvert pendant un long processus de recrutement qui a aiguisé mon intérêt. J’ai également découvert la place qu’occupait aujourd’hui l’enseignement supérieur privé en France face à un enseignement public qui a probablement moins su s’adapter à la vie des entreprises.
O. R : Mais vous n’êtes pas surpris justement de la valorisation de cet enseignement supérieur privé ? On a parlé de 800 millions d’euros pour le Groupe INSEEC U.
M. E : Les prix sont liés aujourd’hui au niveau bas des taux d’intérêt autant qu’aux perspectives de croissance et de résilience qu’apporte l’enseignement supérieur. Pour un manager ce n’est pas ce qu’il faut regarder. Un manager doit évaluer la croissance et le résultat. Nous tablons sur une poursuite de la croissance à un niveau élevé dans les années à venir.
O. R : L’actualité c’est d’abord le Covid-19 et des conditions d’études qui se dégradent. Comment l’enseignement supérieur peut-il traverser cet écueil ?
M. E : Attirer des jeunes sans pouvoir délivrer la promesse d’une vie d’école c’est effectivement une gageure. Nous avons été plutôt efficaces en mettant rapidement des outils d’enseignement à distance à nos étudiants. Mais cela ne peut pas être la seule promesse à un âge où on veut également avoir une vie universitaire et construire des liens sociaux. A un âge où on se construit en tant que femme ou homme au-delà de l’enseignement pur.
O. R : Quand pensez-vous pouvoir refaire venir tous vos étudiants sur les campus ?
M. E : C’est impossible à estimer aujourd’hui, il y a trop d’incertitude. Il suffirait que la variante britannique du virus se développe pour tout remettre en cause. Il faut d’abord que la campagne de vaccination se déroule dans de bonnes conditions, que les plus fragiles soient protégés, pour que nous puissions vivre avec le virus en nous reposant sur le sens de la responsabilité de chacun. Avec ces confinements, on demande aux jeunes de se sacrifier pour les plus âgés. L’étape de la vaccination permettra d’inverser le paradigme pour que chacun prenne ses responsabilités.
O. R : Comment le Groupe INSEEC U. peut-il encore mieux profiter des synergies entre ses écoles ?
M. E : Il y a d’abord plus de synergies à trouver dans le back office, le marketing ou les outils digitaux. Nous devons offrir des outils plus adaptés à nos 30 000 étudiants. Au-delà il faut surtout établir des dynamiques de campus. Nos étudiants ne doivent pas seulement être dans une école d’ingénieurs comme l’ECE, de management ou de communication. Notre force c’est de proposer une diversité d’intérêts et de réunir ces étudiants de différentes écoles sur nos campus ou entre nos campus en France et à l’étranger. Plus encore avec la réforme du bac général nous allons pouvoir hybrider les compétences. Un groupe qui n’est pas monolithique comme le nôtre est le mieux à même de faire vivre ensemble des disciplines différentes.
O. R : Mais comment doivent cohabiter vos trois écoles de management, l’ESCE, l’EBS et l’INSEEC Grande école ?
P. E : Sans oublier l’Université internationale de Monaco. Chacune a son identité et il faut cultiver ces différences ou complémentarités. Après nos implantations à Paris, Bordeaux ou encore Lyon, nous devons également imaginer d’aller dans d’autres villes. Avec à chaque fois, un bouquet d’écoles à proposer.
O. R : L’un des dossiers qui va occuper le plus l’enseignement supérieur dans les mois à venir est l’apprentissage. La réforme qui est intervenue cette année a eu des effets bénéfiques en amenant beaucoup plus d’étudiants mais des problèmes de financement se posent. Que doit faire l’Etat selon vous ?
M. E : Un tiers de nos étudiants suivent aujourd’hui leur cursus en apprentissage. 80% à Sup de Pub en master. C’est donc un sujet très important pour nous. Le ministère du Travail doit comprendre qu’il est logique que l’apprentissage soit maintenant courant dans l’enseignement supérieur de par la tertiarisation de notre économie. Aujourd’hui ce serait très difficile de revenir sur cette réforme alors qu’il va être difficile pour les jeunes de se placer à tous les niveaux de la formation. Retirer le tapis de l’apprentissage, ce serait vraiment mettre en cause l’avenir de la jeunesse ! Il ne faut pas encore une fois la pénaliser alors que l’apprentissage donne à ceux qui l’ont choisi une meilleure employabilité.