Les étudiants de 1ère année de l’ECE ont eu une surprise pour leur rentrée ce 2 septembre une étudiante d’un nouveau style : Milo, une intelligence artificielle conçue par l’ECE et ses étudiants pour « apprendre aux côtés des élèves » est à leurs côtés. Du collège à l’enseignement les intelligences artificielles génératives (IAG) sont partout. Dès cette rentrée des formations aux IA seront proposées à tous les collégiens et lycéens. De même les professeurs y seront formés massivement et une IA sera « mise à leur disposition dans les prochains mois » annonce Elisabeth Borne.Un Cadre d’usage de l’IA en éducation a ainsi été publié par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en juin dernier. L’Unesco leur consacrait cette semaine son colloque annuel sur le digital sous l’appellation « AI and the future of education: Disruptions, dilemmas and directions ». « L’éducation est aujourd’hui le secteur le plus impacté par les IA alors qu’à peine 10% des établissements d’enseignement supérieur ont adopté des lignes de conduite », s’y interrogeait Isabelle Hau, professeure à Stanford, qui veut voir dans les IA des « sources de co-apprentissage ». En cette rentrée 2025 les IA sont, plus que jamais, au cœur de toutes les discussions.
Milo : la première IA étudiante de l’ECE. Première IA en France intégrée physiquement comme camarade de promotion dans une école d’ingénieurs, Milo assistera toute cette année aux cours, proposera des synthèses, participera à des projets collectifs et apportera aussi son aide dans la vie étudiante au quotidien. Une sorte de super étudiant et bon camarade toujours prêt à aider ses coreligionnaires sans les remplacer avec une application dédiée au-delà de sa présence physique. Les étudiants de l’association de robotique de l’école, ECE BORG, ont conçu et fabriqué la structure physique sous forme de robot qui permet d’incarner Milo. « Milo incarne notre vision stratégique : faire de l’IA un levier d’apprentissage, d’innovation et d’accompagnement pour nos étudiants et notre corps professoral. Un outil utile d’apprentissage durable, co-construit avec nos étudiants : ce n’est pas un assistant conversationnel ou une aide ponctuelle, mais bien une IA intégrée à la communauté étudiante » précise François Stephan, directeur général de l’ECE.
L’ECE n’en est pas à son coup d’essai dans les IA. Doté de puces dédiées aux IA Nvidia et d’un accès très haut débit à des ressources de calcul dans le cloud, l’Intelligence Lab qu’a lancé l’ECE en juin 2024 est la première plateforme pédagogique de recherche et d’innovation exclusivement dédiée à l’IA générative en France. « Depuis plusieurs années les IA sont enseignées dans nos programmes. Tous les étudiants de l’ECE acquièrent un socle de compétences en ingénierie en IA générative indispensable à son insertion professionnelle, une fois diplômé. Avec cette plateforme nous proposons du matériel physique pour montrer à nos étudiants les ressources nécessaires au développement des IAG au-delà du cloud », explique François Stephan.
De multiples enjeux.« Nous avons la chance avec Mistral d’avoir un acteur référent des IA en France. Dans l’enseignement supérieur se pose d’abord la question de l’évaluation des étudiants avec le grand retour des devoirs sur table isolés et sans Internet et des oraux avec la question du mémoire final. Mais nos étudiants utilisent-ils bien les IA ? Et nos professeurs ? », s’interroge Delphine Manceau en amont du colloque IA et enseignement supérieur qu’elle organisait dans son école le 26 juin. « Cela doit nous interroger sur le rôle fondamental du pédagogue et la nécessité de rendre nos écoles plus sociables. Demain nous aurons des « IA » natives et déjà des ados qui utilisent pratiquement tous les IA. Ce sont des générations qui s’écartent de la relation interhumaines et nous avons la nécessité de leur montrer combien il est crucial d’interagir entre eux », commente Erwan Paitel inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, rapporteur de la Commission sur l’intelligence artificielle en 2024, lors du même colloque. « J’ose espérer que les compétences que les établissements vont le plus évaluer chez leurs étudiants seront de prompter. On ne parle déjà plus de prompt engineering aujourd’hui. Il faut réaliser que les IA ne sont pas omniscientes et faire travailler le sens critique des étudiants », remarque Caroline Chopinaud, directrice générale de Hub France SA pour laquelle il « ne faut pas attendre trop de l’IA et oublier que c’est d’abord un outil informatique qui « peut faire n’importe quoi ».
« La question est de comment enseigner à apprendre à l’ère de l’IA. Le vrai problème que nous avons aujourd’hui c’est que nos étudiants ne savent pas lire un article long », regrette Jean-Pierre Berthet, directeur délégué au numérique de Sciences Po qui rappelle qu’« à Sciences Po nous n’interdisons pas l’usage des IA. En revanche nous demandons à nos étudiants de préciser à la fin de leur travail s’ils ont utilisé les IAG et comment si c’est le cas : pour réfléchir en amont, pour trouver plus d’informations ensuite ». « Même les étudiants d’élite peinent à reconnaitre les informations vraies. On ne peut pas se reposer sur les machines pour cela. Il faut co-vérifier les informations avec ses enseignants », signifie Isabelle Hau, la directrice executive duStanford Accelerator for Learning lors de son intervention à l’Unesco.

L
De nouveaux modules d’enseignement des IA. Afin de « comprendre les intelligences artificielles génératives, en maîtriser les possibilités et les limites et en adopter un usage raisonné et critique », le groupe Excelia déploie justement en cette rentrée 2025 un nouveau module d’enseignement à l’intention de tous ses nouveaux étudiants. L’objectif n’est pas seulement de former les étudiants à la maîtrise des outils d’IAG, mais bien de « leur permettre d’acquérir la culture nécessaire pour réfléchir à leur usage (enjeux éthiques, forces et faiblesses des outils…) » et de les « préparer aux bouleversements qu’ils induisent, que ce soit dans leurs études ou dans un contexte professionnel » commente Anthony Hié, directeur de la transformation digitale du groupe, qui lance également « IA Cité » sur le modèle d’HumaCité : « Pendant plusieurs semaines nos étudiants vont pouvoir travailler sur les questions d’IA pour en faire une IA plus éthique. Avec notre IntelligenceS Factory nous allons créer des modèles d’IA locales bien moins consommatrices d’énergie pour créer une IA responsable ».
Le Groupe IGENSIA Education intègre quant à lui en cette rentrée 2025 un socle commun d’apprentissage des IA de 15 heures dans tous ses parcours de formations. En s’appuyant sur les repères proposés par l’UNESCO, il s’agit « d’apprendre à apprendre » à l’heure de l’IA, mais également de comprendre comment leur futur métier et secteur seront impactés demain par cette transformation numérique. Ce socle commun s’articule autour de 5 modules clés qui vont de l’abécédaire de l’IA à une pratique frugale et éthique de l’IA en passant par le Prompt engineering. Et bien sur l’utilisation de l’IAG au sein de sa formation : comment « utiliser ces outils de façon transparente et conforme à la charte IA du Groupe, notamment dans le cadre de leurs apprentissages et projets en créant des assistants virtuels personnalisés ».

Des biais cognitifs. Une étude du MIT consacrée au coût cognitif de l’utilisation d’un LLM dans la rédaction d’une dissertation montre que notre cerveau établit moins de connexions, lorsque nous utilisons des outils d’IA comme ChatGPT. 83,3% des utilisateurs de ChatGPT n’ont pas pu citer ce qu’ils avaient écrit quelques minutes plus tôt alors que, pour les groupes ayant travaillé de mémoire ou avec un moteur de recherche, on en était en moyenne à 11,1%. Les participants du groupe utilisant LLM ont obtenu des résultats inférieurs à ceux de leurs homologues du groupe « Brain-only » à tous les niveaux : neuronal, linguistique, notation.
« Les modèles de langage proviennent de textes et donnent l’illusion d’intelligence. Ce sont des outils conçus pour imiter le langage, ce sont seulement des chaines de mot qui nous rendent vulnérables à des informations fausses. En fait quand les machines ont raison c’est seulement par hasard. En cela les IA ne sont pas adaptées à l’enseignement » dénonce Emily M. Bender, professeure de linguistique à l’université de Washington spécialiste de la linguistique computationnelle, qui se concentre sur les techniques et l’informatique derrière le langage parlé. Lors du colloque de l’Unesco, elle s’insurge : « Le monde de l’éducation est assiégé par des entreprises de la tech. Demandez-vous pourquoi. Elles vont ainsi avoir accès aux données de vos étudiants. Cela va aussi avoir un impact négatif sur leur capacité créative alors que les capacités de vos étudiants sont votre bien essentiel ».
Abeba Birhane, fondatrice du AI Accountability Lab (AIAL), déplore quant à elle la façon dont les IA « reproduisent des biais racistes et misogynes » : « Même lorsque vous introduisez des instructions pour réduire les biais les résultats sont différents selon la façon même dont vous interrogez la machine, selon le vocabulaire que vous employez ». Sa conclusion : « Nous sommes au milieu d’une bulle d’enthousiasme. Nous courons pour ne pas être laissés de côté sans considérer tous les échecs de l’IA. Tous les médicaments que nous donnons à nos enfants sont testés. Pourquoi apportons-nous à nos enfants des IA qui ne sont pas suffisamment validées ?».
Neoma et emlyon partenaires de Mistral. C’est le leader de l’IA générative open source en France : Mistral AI s’est associé depuis quelques mois à plusieurs établissements d’enseignement supérieur. Et au premier range avec Neoma Business School qui offre ainsi l’IAG Le Chat à 2 000 étudiants en cette rentrée. « A l’heure des enjeux croissants autour de la souveraineté du numérique, nous faisons le choix du plus européen des acteurs mondiaux de l’IA générative. C’est aussi le choix de la durabilité car Mistral AI se caractérise par des modèles moins gourmands en énergie que les alternatives américaines ou chinoises », se félicite Delphine Manceau quand son directeur général adjoint en charge du digital, Alain Goudey, explique que « ce partenariat avec Mistral AI est une opportunité d’expérimenter et de déployer des solutions concrètes, et ce dans une approche Test & Learn au cœur de l’approche de notre école. Les usages de l’IA générative, comme les chatbots pour la pédagogie ou l’amélioration des processus internes, seront essentiels pour transformer l’apprentissage et l’organisation ».
Du côté de Mistral enfin, Arthur Mensch, co-fondateur et CEO de Mistral AI, confie : « En mettant à disposition nos solutions d’IA générative de pointe aux étudiants, enseignants-chercheurs et collaborateurs, nous permettront à Neoma de développer à l’échelle de nouvelles approches pédagogiques et d’accélérer ses processus internes. Pour Mistral AI, c’est aussi une opportunité précieuse de recueillir les retours d’expérience de plusieurs milliers d’utilisateurs, afin d’améliorer nos solutions dédiées à l’enseignement supérieur ».
Après Neoma cela a été au tour de emlyon d’annoncer un partenariat avec Mistral AI qui prévoit la création de formations distinctes dès 2026. La première prendra la forme d’un programme certifiant à destination du grand public, combinant des apports techniques assurés par Mistral AI et des contenus sur la transformation managériale conçus par emlyon. La seconde formation sera une offre exécutive BtoB, co-construite par les deux partenaires et à destination des cadres et dirigeants.
ESCP partenaire de ChatGPT Edu. En octobre 2024, ESCP annonçait une collaboration stratégique avec OpenAI, leader mondial de l’IA, pour lancer ChatGPT Edu dans un cadre expérimental structuré. L’objectif : offrir aux étudiants et au personnel de l’école un accès privilégié à l’IA générative, tout en favorisant une appropriation critique et créative de cette technologie dans les activités d’enseignement, d’apprentissage, de recherche et de gestion.
Cette dynamique a pris la forme d’une grande expérimentation, menée avec 1 000 “Champions IA”, membres volontaires de la communauté ESCP – étudiants, professeurs et collaborateurs – sélectionnés pour explorer les usages concrets de ChatGPT Edu dans leurs activités quotidiennes. Ces profils variés ont testé les potentialités de l’IA au quotidien, dans une logique de test-and-learn portée par l’innovation pédagogique. « En intégrant ChatGPT Edu à toutes les disciplines et fonctions de l’école, nous construisons un nouveau modèle de collaboration entre l’humain et l’IA dans l’enseignement du management. Nos premiers pilotes démontrent que l’IA générative, encadrée par une pédagogie exigeante, peut renforcer la pensée critique, le discernement et la créativité. L’IA devient une forme d’intelligence collective au service du bien commun », commente Francesco Rattalino, directeur général-adjoint chargé des affaires académiques et de l’expérience étudiante quandLeah Belsky, General Manager of Education chez OpenAI, analyse : « L’adoption réfléchie de l’IA par ESCP constitue une étude de cas unique pour d’autres institutions – un modèle à suivre. Nous avons constaté que, pour ESCP, le déploiement de ChatGPT Edu ne se limite pas à l’activation d’un outil : ESCP a construit une dynamique humaine, mobilisé une communauté et donné aux professeurs comme aux étudiants les moyens de repousser les frontières des usages de l’IA, tous domaines confondus. ESCP a abordé ce déploiement comme un véritable processus de conduite du changement et de transformation de son école de management – bien plus qu’un simple projet technologique ».
Parmi les plus de 200 projets développés durant la phase pilote, des jeux de rôle immersifs propulsés par l’IA « dans un univers dystopique où les étudiants interagissent avec un personnage de leader visionnaire généré par GPT », un accompagnement des étudiants dans la réalisation de leurs mémoires ou encore la création d’un GPT personnalisé pour améliorer le traitement des demandes adressées au service Carrières. En cette rentrée 2025 ESCP déploie maintenant l’accès à ChatGPT Edu à l’échelle de l’ensemble de ses six campus avec plus de 10 000 licences OpenAI. Les IA pour tous à chaque instant !