« A Excelia nous préférons parler d’intelligence numérique plutôt qu’artificielle » 

by Olivier Rollot

Depuis son arrivée au poste de directeur de la transformation digitale du groupe Excelia en 2021 il a impulsé une évolution majeure de son groupe vers les solutions d’enseignement numérique. Aujourd’hui il en est forcément le porteur des solutions d’IA. Anthony Hié se projette avec nous sur leur avenir.

Olivier Rollot : Chaque jour apporte son lot de transformation et d’amélioration des IA. Qu’est-ce qu’il faut aujourd’hui savoir sur les IA pour être à la page et qu’est-ce que cela apporte à vos étudiants ?

Anthony Hié : Les IA « agentiques » sont de nouveaux outils de plus en plus utilisés. Il s’agit de connecter des systèmes entre eux : par exemple WhatsApp et ChatGPT avec un système de réservation d’hôtels. En discutant avec WhatsApp ChatGPT va créer des sous-tâches jusqu’à la possibilité de réserver une chambre d’hôtel. Les IAGen répondent à des questions quand les IA agentiques vont plus loin en orchestrant des tâches. A Excelia nous allons permettre à nos étudiants de créer leurs propres agents dans le cadre d’IAcité.

Mais attention à Excelia nous préférons parler d’intelligence numérique plutôt qu’artificielle. Comme l’a encore affirmé Luc Julia récemment, « l’intelligence artificielle n’existe pas… », nous pensons que c’est plutôt le numérique qui devient intelligent et nous sommes encore loin d’IA dits « fortes, les AGI « Artificial General Intelligence » car égales à l’homme. Et encore plus loin du niveau ultime recherché par les géants du numérique américain, l’« Artificial Superintelligence » qui supplanterait l’homme. Tant qu’on ne mixe pas biologie et technologie cela ne semble pas possible.

Et il ne faut pas non plus oublier que ce que nous mettons aujourd’hui en œuvre a été théorisé dès les années 1950 par Alan Turing. A l’époque il manquait la puissance et les données que nous avons aujourd’hui.

O. R : Quels sont aujourd’hui les grands modèles d’IA ? Quels sont ceux que vous privilégiez ?

A. H : Deux modèles s’opposent : des modèles plus légers et en open source comme Mistral AI 7B ou LLaM-7B et modèles plus avancés et en closed source comme ChatGPT Pro ou Gemini Pro. Le premier modèle tourne sur des ordinateurs possédant de bonnes cartes graphiques, le second demande d’énormes ressources tant en data qu’en énergie. Pour notre part nous allons accompagner nos étudiants à travailler sur des modèles plus légers pour le bien commun. Dans notre future Intelligence Factory il sera possible d’exécuter des IA avec seulement sept milliards de paramètres (7B) quand les modèles de langage complexes en utilisent 250 fois plus et nécessitent des datacenters pour leur exécution.

Il s’agit d’un profond changement de business model avec la mort programmée des moteurs de recherche et des fameux AdWords. En effet, les IA cherchent entièrement par elles-mêmes sans besoin de clics contrairement au modèle économique actuel des moteurs de recherche qui est principalement basé sur la publicité cliquable.

O. R : Quelles grandes évolutions peut-on maintenant attendre ?

A. H : Aujourd’hui les IA apprennent majoritairement en 2D. Demain elles apprendront en 3D en s’appuyant sur des robots explorant le monde physique. Aujourd’hui cinq grandes plateformes d’innovation (IA, Blockchain, Stockage énergétique, séquençage multiomique, robotique) évoluent en même temps pour créer de nouvelles opportunités comme les taxis autonomes qui circulent déjà en Californie.

Dans le futur, l’arrivée de l’informatique quantique pourrait considérablement augmenter les puissances de calcul tout en réduisant la consommation d’énergie : 10 ans de calculs pourraient être réalisés en seulement dix heures ! La course à l’IA couplée au quantique avec de nouveaux algorithmes donneraient un avantage concurrentiel considérable à ceux qui en seront les pionniers.

Schématiquement nous sommes aujourd’hui confrontés à cinq grands défis : l’évolution des moteurs de recherche, la mise en œuvre de l’informatique quantique, les enjeux éthiques liés aux IA, les enjeux sociétaux et la coopération internationale nécessaire pour gérer l’ensemble.

O. R : Plus précisément quelles grandes évolutions vont particulièrement impacter l’enseignement supérieur avec la montée en puissance des IA ?

A. H : Dans l’éducation c’est d’abord l’aboutissement de l’adaptive learning pour chaque étudiant qui est rendue possible. Les enseignants ont également à leur disposition quantité d’outils pour créer des contenus pédagogiques interactifs par exemple avec Nolej.io. ou encore Heygen permet de réaliser des vidéos dans n’importe quelle langue avec une reproduction de la voix de l’enseignant et les mouvements des lèvres qui s’adaptent. Les immersive learning experiences se développent avec des IA adaptées à chaque sujet et qui sont beaucoup plus performantes que les seules IA génératives.

Par exemple, nous proposons, dans le cadre de notre Talent Centre, à nos étudiants de s’entrainer à passer des entretiens de recrutement professionnel avec ChatGPT couplé à Eleven Labs, un générateur de voix IA. L’IA apprend les fiches de poste et dialogue avec l’étudiant dans le cadre d’un entretien de recrutement. Nous avons même constaté que l’IA posait des questions pièges que nous ne lui avons absolument pas inculquées et qui sont pertinentes dans le contexte. Cependant, je tiens à le préciser : tout se fait aujourd’hui sous la supervision d’un ou d’une expert(e) dans notre talent centre. Demain, avec le retour d’expérience, nous pourrons proposer à chaque étudiant d’utiliser librement cette IA pour s’entrainer.

De même l’Edutainement permet de simplifier des sujets difficiles à expliquer en simplifiant les contextes grâce au story telling. C’est ce que nous avons mis en œuvre avec la plateforme Exceliaprime.com qui permet à nos étudiants de développer des compétences de manière immersive au travers de séries et d’épisodes captivants.

O. R : Quelles sont les compétences à apporter à vos futurs diplômés pour maitriser ce nouveau monde ?

A. H : Pour maîtriser le monde de l’IA, nos futurs diplômés doivent combiner des compétences techniques et éthiques avec des adaptive skills comme la curiosité, l’agilité intellectuelle et la pensée critique, afin de s’adapter en continu à un environnement en constante évolution. Par exemple, e prompt engineering n’est pas un métier comme certains avaient pu l’affirmer, mais une compétence qui le sera de moins en moins à mesure qu’il devient de plus en plus facile de créer de bons prompts. Les IA comprennent de mieux en mieux ce que nous leur demandons. L’analyse contextuelle des IAGen s’est grandement améliorée.

O. R : Et vos enseignants sont-ils partants pour utiliser les IA ?

A. H : C’est un sujet qui alimente encore beaucoup de questions. Il y a un vrai travail à effectuer sur les évaluations formatives face aux évaluations sommatives comme les quiz. Il faut sans doute plus s’appuyer sur le vécu des étudiants, comme leurs stages, ou une démonstration de leur accès aux résultats. En tous cas il y a des pistes de réflexions pour repenser et réinventer le modèle d’évaluation remis en cause par les IA.

Il faut repenser les processus d’acquisition des compétences sachant que les IA sont pratiquement indétectables. Par ailleurs, contrairement à l’IAGen, les étudiants restent très créatifs et parfois demandent même aux IAGen de faire des fautes pour que l’enseignant ne se rende pas compte de leur utilisation.

Comme pour un sujet d’examen, l’intelligence artificielle ne fait gagner du temps que si l’on en maîtrise les fondamentaux ; sans cette maîtrise, il est impossible d’en fournir une explication claire ou pertinente

O. R : Parlez-nous d’IA Cité que vous lancez sur le modèle d’HumaCité.

A. H : Pendant plusieurs semaines nos étudiants vont pouvoir travailler sur les questions d’IA à travers de projets innovants pour en faire une IA plus éthique. L’intelligence artificielle, bien que critiquée pour son impact environnemental, est déjà une révolution incontournable de notre quotidien. Avec IAcite, Excelia propose un parcours immersif visant à faire de nos étudiants des pionniers de l’IA responsable, en lien avec les enjeux écologiques et sociétaux. En collaborant avec des ONG, entreprises et collectivités, les étudiants développent des projets concrets d’IA éthique au service du bien commun. Nous ne sommes pas actuellement en partenariat avec une IA mais nous avons cette volonté avec IAcité avant d’aller chercher les partenaires les plus en adéquation avec cette expérience pour rendre l’IA plus responsable.

O. R : C’est quoi l’IA responsable ?

A. H : C’est d’abord d’adopter des comportements en phase avec les responsabilités sociales et environnementales. Mais nous sommes face à des paradoxes. Un marteau cela sert à planter des clous mais cela peut aussi permettre une agression.

Avec son Neuralink et des implants intégrés dans le cerveau Elon Musk a permis à un patient a pu contrôler un ordinateur par la pensée. C’est l’exemple d’un paradoxe : une technologie invasive mais qui peut être au service de l’humanité. Autre exemple, L’IA et le machine learning peuvent transformer les prévisions météo et offrir à la société de meilleurs outils pour faire face au changement climatique. Comprendre les biais de l’IA passe par l’analyse de leur origine. Ces systèmes apprennent à partir de données issues du réel ; si celles-ci véhiculent des stéréotypes ou des discriminations, l’IA risque de les reproduire. D’où l’importance de traiter le problème à la racine : la qualité et la neutralité des données d’entraînement pour une IA plus responsable.

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