ECOLES DE MANAGEMENT

« A la rentrée 2018-2019 nous mettrons en place une organisation européenne fédérale »

Les écoles de management consulaires s’émancipent peu à peu de la tutelle de leurs chambres de commerce et d’industrie. Depuis début 2018 ESCP Europe est ainsi devenue un EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire). Son directeur, Frank Bournois, revient avec nous sur tout ce que ça va changer pour elle.

Olivier Rollot : Le 2 janvier dernier ESCP Europe a adopté le statut d’EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire). Qu’est-ce que cela change pour vous ?

Frank Bournois : Sous la présidence du président du directoire des Galeries Lafayette, Philippe Houzé, nous sommes effectivement depuis le 2 janvier ce qu’on appelle un EESC. ESCP Europe dispose ainsi d’une identité juridique propre – le directeur général en étant mandataire social -, alors qu’elle était jusqu’ici un service de la CCI Paris Ile-de-France qui en possède toujours 99,90% des parts. A terme, d’ici 2022, nous bénéficierons d’une autonomie financière totale, conformément au Business plan élaboré et validé avec notre actionnaire.

Dans ce nouveau cadre notre conseil d’administration est composé de 24 personnes. La majorité, 13 membres, est désignée par la CCI Paris Ile-de-France. Il est complété par la doyenne du corps professoral, deux représentants élus du corps professoral, un représentant élu de l’administration, un autre des étudiants, ainsi que deux représentants de la Fondation et des Alumni et un membre du board de chacun des campus (Londres, Madrid, Berlin et Turin). Nous sommes également dotés de trois comités de gouvernance pour la stratégie, l’audit et les nominations.

O. R : Allez-vous donner plus de poids à chaque campus dans ce nouveau cadre institutionnel ?

F. B : Notre nouvelle organisation repose également sur la nomination de deux directeurs généraux adjoints : le professeur Léon Laulusa, chargé des questions académiques et internationales et Etienne Desmet, en charge de l’Executive Education, du Secrétariat général et de la transformation. Pour ma part je me concentre sur le management de la faculté, la recherche, le digital et la communication.

A la rentrée 2018-2019 nous mettrons en place une organisation européenne fédérale dont l’EESC sera le centre avec six satellites en Europe, dont le campus parisien qui sera doté d’un directeur comme les autres. Je ne serai plus le directeur du campus de Paris.

Après une organisation centrée sur la France, nous passons ainsi à une organisation totalement polycentrique dans laquelle un Allemand peut diriger le campus de Berlin mais aussi, à terme, celui de Madrid et vice-versa ! Certaines fonctions, par exemple la communication, seront pilotées par le fédéral au niveau stratégique et leur déclinaison opérationnelle sera locale.

O. R : ESCP Europe restera à Londres ?

F. B : Quoi qu’il arrive dans le cadre du Brexit – et suivant quotidiennement l’actualité britannique, je vous prédis que rien n’est certain – nous serons toujours présents à Londres. Il y aura toujours besoin de ponts vers le Royaume-Uni et l’école en est un exemple. Ce pays est et restera un pays européen. Et l’école y est reconnue, puisqu’elle a été désignée « Highly Commended Business School » aux Times Higher Education Awards en 2017.

O. R : En fait ESCP Europe est l’incarnation de l’université européenne que désire voir créer Emmanuel Macron ?

F. B : Nous sommes le rêve d’Emmanuel Macron réalisé depuis plus de 40 ans avec la création de l’EAP en 1973. Il n’y a qu’à ESCP Europe que tous les étudiants ne peuvent être diplômés qu’à condition d’avoir réalisé un parcours européen. On ne peut pas être diplômé chez nous en ayant seulement étudié à Berlin ou Paris. Pas plus dans le programme Grande École, notre « master in management » (MIM) qu’en mastère spécialisé ou en MBA. Notre bachelor s’effectue même dans trois pays et trois langues. De plus nous sommes reconnus et accrédités dans chaque pays par les organismes locaux. Notre formation d’excellence qu’est le MiM permet d’obtenir jusqu’4 grades masters simultanément délivrés dans 4 pays différents. Nous nous investissons depuis longtemps dans la fabrication d’un modèle unique de formation européen et sommes prêts à accompagner le mouvement voulu par le Président.

O. R : Dans ce nouveau cadre votre stratégie va-t-elle évoluer ?

F. B : Nous conservons l’ambition d’être la meilleure business school en Europe. Partout nous délivrons à la fois de la formation initiale comme de la formation continue en nous appuyant notamment sur nos 50 000 alumni. Mais ESCP Europe ce n’est pas que des Européens qui travaillent en Europe. Nous avons un rayonnement international avec nos 30% d’étudiants venus de Chine, d’Afrique ou des États-Unis. Autant de nationalités que nous formons à devenir des business leaders européens, au sens culturel et intellectuel du terme, prêts à manager dans la complexité. Ce trait nous semble caractéristique de l’Europe, ce continent unique dans lequel se concentre un maximum de cultures dans un minimum d’espace. Au bout de leurs trois ans d’études, nos étudiants sont vraiment capables de travailler partout dans le monde.

O. R : Comment cela se traduit-il dans votre enseignement ?

F. B : Nous privilégions l’interdisciplinarité : que ce soit dans le MIM ou dans notre bachelor nos étudiants suivent aussi bien des cours de maths que de psychologie ou encore de coding en plus des disciplines du management.

C’est ce que nous proposons par exemple au travers de notre récent accord de double diplôme avec Mines PARISTECH. Tous programmes confondus nous estimons à 20% le nombre de nos étudiants titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou de master d’un de nos partenaires comme le Politecnico de Turin.

C’est ce qui différencie le leader du manager : avoir un bagage intellectuel complet et l’expérience de la fécondité de la complexité ! C’est tout cela que reflète la base line « Designing Tomorrow » que nous avons adoptée en septembre 2017. Nous ne sommes pas seulement là pour comprendre le monde de demain, mais pour le dessiner. Et nous croyons que l’approche européenne – diversité, interdisciplinarité et prise en compte des forces qui agissent sur l’économie (la culture et les cultures, la politique, mais aussi l’environnement, les sciences, la technologie, l’art..) – est non seulement originale par rapport à la concurrence, mais aussi véritablement soutenable dans un monde où les défis ne sont pas qu’économiques.

O. R : Où en êtes-vous du développement de la dimension numérique de ESCP Europe ?

F. B : Nous y travaillons énormément avec, par exemple, la création récente d’un certificat de « facilitateur de la transformation digitale des entreprises ». D’ici 2022 un tiers de nos enseignements seront dispensés en ligne, un autre tiers dans le cadre d’enseignements traditionnels et le reste en petits groupes. Ce qui signifie pour nous la nécessité de repenser les espaces de cours pour permettre à ce nouveau modèle de fonctionner.

Aujourd’hui, nous proposons plusieurs programmes hybrides, mélange de présentiel et de cours en ligne, notamment notre Executive MBA, ou totalement en ligne, l’EMIB (Executive Master in International Business). Notre idée directrice : le digital doit être au service d’une pédagogie augmentée.

Pour développer toutes ces dimensions pédagogiques, nous créons un centre dédié à l’innovation sous toutes ses formes au cœur de Paris avec des antennes sur nos campus, au centre duquel évoluera l’Institut Jean-Baptiste Say, du nom de notre fondateur, et dédié à l’entrepreneuriat. Nous allons fêter nos 200 ans en 2019-2020. La preuve de la pérennité de la plus ancienne école de commerce du monde, c’est que nous avons toujours su nous projeter vers l’avenir !

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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