La Conférence des grandes écoles (CGE) a dévoilé cette semaine la nouvelle édition de son baromètre sur l’égalité de genre : « Stéréotypes, compétences et aspirations professionnelles : des ambitions genrées ? ». Co-porté depuis 2019 avec l’AFMD (Association française des managers de la diversité), cet outil « permet une clef de lecture et ouvre des pistes d’amélioration sur les parcours de nos étudiants et étudiantes », introduit Frédérique Pain, directrice générale de l’ENSCI – Les Ateliers et vice-présidente écoles de la CGE.
2 600 répondants. Cette année, plus de 2 600 réponses exploitables ont été recueillies. Parmi les répondants, on constate toujours une sur-représentation de femmes (51,3%), comme dans les éditions précédentes. Si c’est un phénomène classique dans les enquêtes, pour ce sujet spécifiquement, cette sur-représentation peut aussi être « liée à un intérêt plus marqué des étudiantes par le sujet », explique Pascale Borel, co-autrice du rapport 2025.
Depuis 2019, la méthodologie du baromètre reste inchangée, tout comme son objectif. Frédérique Pain le rappelle : « On estime qu’il faut sept ans pour faire évoluer une mentalité dans la société ; c’est pourquoi ce baromètre s’inscrit nécessairement dans un travail de long terme ».

Un effritement de la perception égalitaire des genres avec des stéréotypes bien ancrés. Les étudiants continuent de se percevoir comme égalitaires, mais cette perception s’effrite : en 2021, ils sont 82,4% à penser que femmes et hommes possèdent des compétences et des qualités professionnelles identiques, contre 79,2 % aujourd’hui. Cependant, malgré « ces velléités [donc plutôt] égalitaires, les étudiants ont du mal à s’extraire des stéréotypes. D’édition en édition, on note les mêmes stéréotypes » décrit Tanguy Bizien, co-auteur du rapport.
L’enquête repose sur une liste de 23 qualités et compétences, pour lesquelles les répondants doivent indiquer si elles relèvent plutôt d’un sexe spécifiquement, ou des deux à égalité. Alors que, l’écoute, l’empathie et la sensibilité restent associées au féminin ; la confiance en soi, l’autorité, la gestion du stress, le leadership ou la créativité sont, toujours, davantage attribués aux hommes.
Les femmes se voient attribuer davantage de caractéristiques que les hommes, et cela quelle que soit la personne qui répond, homme ou femme. Pour les étudiantes, ceci s’explique par une « forte intériorisation féminine des stéréotypes de genre » expliquent les auteurs qui peut « conduire à leur auto-censure dans leurs choix scolaires ». Pour les étudiants, les auteurs rappellent qu’il est « nécessaire de les amener à participer au processus d’égalité dans les établissements afin de limiter le poids des rôles sociaux et des caricatures qui touchent particulièrement les femmes ».

D’où viennent ces stéréotypes ? Les principaux vecteurs de stéréotypes identifiés par les étudiants eux-mêmes restent « la société en générale » et les réseaux sociaux. Un résultat qui doit inciter les écoles à « comprendre, interroger, et déconstruire les nouvelles formes de féminité et masculinité sur les réseaux sociaux avec leurs étudiants », expliquent encore les auteurs. Les espaces liés à l’enseignement sont, eux, vus comme neutres, peu vecteurs de stéréotypes. Cette perception confère aux établissements une « responsabilité renforcée et une position privilégiée pour agir efficacement auprès des étudiants ».
L’ambition, un révélateur des mécaniques de genre pour les étudiants ? Cette édition du baromètre consacre un focus à l’ambition : les étudiants sont, quel que soit leur genre, ambitieux (78,7% des femmes et 78,6% des hommes). Pourtant, « les étudiants qui se déclarent comme ambitieux présentent un nombre moyen de stéréotypes plus élevé, et particulièrement sur les femmes. »
Lorsqu’on les interroge sur leurs modèles d’ambition, un tiers des étudiants déclare n’en avoir aucun. Parmi les figures citées, aucune ne dépasse les 4 % alors qu’Elon Musk, Napoléon, Simone Veil et Marie Curie arrivent en tête. Les hommes mentionnent majoritairement Napoléon, quand les femmes citent surtout Marie Curie et Simone Veil. Les écarts de genre sont marqués : les modèles masculins renvoient à des parcours plus individualistes, tandis que les figures féminines évoquées s’inscrivent davantage dans un héritage social collectif. Cette différence « tient avant tout au manque de figures féminines visibles, davantage qu’à une distinction liée au genre lui-même », précisent les auteurs.
S’ouvre alors une nouvelle responsabilité pour les écoles : comment réussir à accompagner les étudiantes dans leurs ambitions ?