Le couperet a été près de tomber en Ile-de-France où le Premier ministre a envisagé une fermeture totale durant les trois prochaines semaines pendant le week-end du 3 et 4 octobre. « Sans la résistance du MESRI nous aurions sans doute dû fermer alors que les clusters ne sont pas ici et que les étudiants sont très vigilants à respecter les mesures sanitaires », établit l’administrateur provisoire de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Thomas Clay. La CPU le réaffirme d’ailleurs « solennellement » dans un communiqué : « Le risque majeur aujourd’hui est avant tout de perdre le lien avec nos étudiants. C’est pourquoi, pour éviter un décrochage massif, nous portons unanimement une attention toute particulière aux primo-entrants à l’université, qui n’ont pas encore les codes du travail dans le supérieur, ainsi qu’aux étudiants qui pourraient être en situation de fracture numérique et de fragilité sociale ». Et d’insister : « Oui, il faut mesurer les risques, mais TOUS les risques ».
Aix-Marseille, Paris, Bordeaux, Nice, Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Toulouse et Lille, dans les zones d’alerte renforcées et maximales le Premier ministre a demandé que les salles ou amphithéâtres des universités ne soient remplis qu’à moitié à compter du mardi 6 octobre. Frédérique Vidal demande également à ce que soit réalisé un point de situation quotidien entre les chefs d’établissements publics d’enseignement supérieur et le recteur de région académique afin de « suivre au plus près l’évolution de la situation sanitaire ».
- Selon le bulletin hebdomadaire de Santé Publique France publié le 1er octobre sur 2 830 clusters, l’enseignement supérieur en compte 168 soit 5,9 %, bien moins que les entreprises privées et publiques (18,4 %) et les établissements de santé (10,6 %).
Fermer, rouvrir, fermer… On se croirait dans une chanson de Philippe Katerine : « Et je ferme le campus. Et je rouvre le campus. Et je ferme le campus. » Diriger un établissement d’enseignement supérieur aujourd’hui c’est faire preuve d’une réactivité permanente sans boussole claire. « Nous n’avons pas à notre disposition d’algorithme qui nous indiquerait qu’il faut fermer un campus à partir de tel ou tel nombre de cas d’étudiants atteints du Covid-19 », confie Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi) et directeur de Télécom Saint-Etienne. Pas d’algorithme mais des instructions – plus ou moins claires – du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).
Si nous ne sommes pas revenus au temps du confinement, les universités qui se sont abstenues de faire respecter la distanciation physique sont en tout cas aujourd’hui rappelées à l’ordre par le MESRI. Il leur est en effet instamment demandée de respecter une jauge de 50% de remplissage de leurs amphis. Ce que la plupart des Grandes écoles faisaient déjà. Mais peu encore les universités comme en témoigne la pétition signée par 2000 étudiants de l’université Lyon 3 pour faire respecter les gestes barrières dans les amphis. « Nous avons interpellé l’administration, le doyen et le président de la faculté, et à part le port du masque obligatoire, aucune mesure n’est prise », écrit ainsi en étudiant en licence de droit à France 3. Selon lui les étudiants sont « entre 400 et 500 dans les amphithéâtres entassés, et dans les petites salles pour les TD (travaux dirigés) plus de 30. Il n’y a aucun mètre de distance, les couloirs, les entrées d’amphithéâtre sont bondées ».
- Sur Twitter le hashtag #balancetafac montre, photos à l’appui, l’absence de distanciation dans beaucoup d’universités.
Digitalisation et réussite des étudiants. Des universités avaient déjà pris le pli de la distanciation et de la digitalisation depuis longtemps. C’est par exemple le cas depuis cette rentrée de CY Université dont le président, François Germinet, explique dans Le Monde. que « les étudiants sont beaucoup plus en sécurité dans nos amphithéâtres avec le masque qu’à l’extérieur, là où ils mangent, discutent ou fument proches les uns des autres ». Quant au président d’Aix-Marseille Université, Eric Berton, il avait donné la consigne il y a une dizaine de jours de réserver la présence des étudiants aux TP, aux étudiants en fracture numérique, aux examens et aux évaluations (FranceInfo).
Pour limiter le nombre d’usagers dans ses bâtiments, tout en privilégiant le présentiel pour les 1e années, l’UVSQ a ainsi choisi de mettre en place une partie de ses enseignement à distance et investi plus de 750 000 euros dans des moyens informatiques et audiovisuels. L’université a également investi dans le déploiement de plus de 100 nouvelles bornes Wifi et l’achat 224 ordinateurs portables pour les personnels et étudiants qui en ont besoin. Enfin, plus de 200 enseignantes et enseignants ont été formés aux nouveaux outils numériques par le Pôle numérique de l’université.
Ile-de-France : un faible nombre de cas. Vraiment ? Selon Santé publique France, les clusters « à criticité élevée » se concentrent à 33,3% dans l’enseignement supérieur avec un nombre de cas par cluster de 24,2 individus, soit le plus élevé relevé par l’agence. « Si les statistiques de Santé publique France insistent sur le nombre de cas, c’est parce que nous les traçons et répertorions. Ce n’est pas parce que les universités déclarent des cas que les cas ne se déclarent que dans les universités ! », raille Jean Chambaz, le président de Sorbonne Université en relevant que seulement 796 cas ont été recensés sur 705 000 étudiants franciliens et 144 sur 52 000 personnels. A Paris 1, Thomas Clay évoque 54 cas pour 50 000 étudiants.
Oui mais voilà ces chiffres paraissent bien sous évalués faute de tests massifs. A Lille l’université a organisé une opération de dépistage ciblé pour 800 étudiants en santé. Sur les 530 étudiants qui ont participé à ce dépistage les résultats indiquent un taux de positivité de 12% en 3ème année de médecine et 4% en 5ème année de pharmacie et 4ème année d’odontologie (3 tests positifs sur 72 résultats disponibles). Si on extrapole sur un taux de 5% cela fait plutôt 35 000 étudiants franciliens qui seraient touchés…
Fermer les campus ? Certaines écoles dispensaient leurs cours entièrement à distance depuis la rentrée. C’est le cas à Grenoble EM. « Je suis désolé de voir que les conditions sanitaires nous donnent raison et surtout de constater que la pandémie est loin de se terminer », constate le directeur adjoint de GEM, Jean-François Fiorina. Rennes SB a quant à elle fait le choix d’ouvrir puis de fermer. Et enfin de rouvrir en début de cette semaine. « Le 21 septembre nous avons décidé de basculer ces cours en ligne pour préparer une seconde rentrée, le 5 octobre 2020, après avoir constaté une circulation accrue du Covid sur la métropole rennaise et indirectement des cas d’étudiants sous surveillance », explique son directeur, Thomas Froehlicher, qui parle d’un « basculement complet en classes virtuelles de deux semaines qui se répètera cette année académique autant que nécessaire pour garantir la sécurité sanitaire de l’école… »