POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Déconfinement : le défi de l’organisation des examens et concours

Comme une grande partie du monde, la France entrera peu à peu dans une période de déconfinement à partir du 11 mai. Parce qu’ils réunissent de grandes quantités d’étudiants sur un espace réduit pendant un temps limité, l’organisation des concours et examens constitue un défi particulièrement sensible. Et peut également être un sujet de polémiques.

Des concours post prépas maintenus mais édulcorés. Si les concours postbac sont quasiment totalement réduits à l’examen des dossiers sur Parcoursup, s’il en est de même an admissions sur titre, les concours menant aux Grandes écoles post prépas comme les PACES et les ECN pour les études médicales conservent bien des écrits. Les oraux sont de leur côté supprimés. A l’exception de l’Ecole polytechnique où ils se dérouleront durant les deux dernières semaines de juillet sous la forme d’épreuves de mathématiques et de physique. Beaucoup se demandent bien en quoi elles sont absolument indispensables. Ce à quoi la direction de l’École polytechnique répond qu’une  « promotion est composée de talents ayant démontré leurs compétences aussi bien à l’écrit qu’à l’oral » et que « les épreuves orales impactent fortement les admissions et la diversité d’une promotion ».

Certes mais surement autant dans les autres écoles qu’à l’X… D’autant que, au-delà de dysfonctionnements manifestes, repasser à l’oral des épreuves déjà passées à l’écrit ne paraît pas franchement le meilleur moyen de discerner des capacités orale. Il en est tout autrement dans les écoles de management dont les oraux sont dits de « personnalité » et préparés spécifiquement.

Sous haute surveillance ! C’est essentiel pour le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation : les examens devront « garantir la sécurité des candidats, dans le respect le plus strict des consignes sanitaires en vigueur ». Pour autant personne n’a imaginé les organiser dans un stade comme on l’a vu en Corée où, le 4 avril dernier, près de 140 candidats à l’entrée dans une entreprise municipale ont passé leur examen.

Si on devrait bien privilégier comme d’habitude les lycées pour la plupart des épreuves universités et Grandes écoles sont également susceptibles de voir leurs salles utilisées. Notamment parce que les centres d’examen seront multipliés pour éviter qu’il y ait trop de déplacements de candidats. Dans un entretien à EducPros Caroline Pascal, chef de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche et en charge du comité de pilotage des examens et concours monté par le MESRI explique : « Nous allons lancer une première phase d’enquête pour savoir si les centres d’examens habituels sont disponibles. Ce sont souvent des lycées, qui a priori seront ouverts, mais ce n’est pas certain qu’ils puissent toujours organiser les concours »

Mais comment assurer aux candidats des conditions de sécurité sanitaire optimales ? Certes par définition les candidats doivent être espacés mais de combien de mètres ? Comment se feront leur entrée et leur sortie ? Qui fournira les masques et le gel hydroalcoolique ? Et que se passe-t-il si un candidat est subitement pris de quintes de toux ? Faut-il évacuer toute la salle ? Des questions comme celle-là il s’en pose des dizaines de l’entrée dans la salle d’examen à la collecte des copies. La direction de l’Ecole polytechnique travaille à plusieurs hypothèses pour garantir la sécurité des candidats : hébergement sur le campus, ouverture de centres d’examen en régions… Et les épreuves orales seront réduites à une seule journée.

Le calendrier complet des concours publié par le MESRI

 

Comment sélectionner uniquement sur dossier ? Ce qui est une expertise reconnue pour les proviseurs et professeurs de classes préparatoires est une relative nouveauté pour les écoles et Sciences Po. Synthèse du parcours du candidat, moyennes par matières, appréciations des professeurs mais aussi engagement associatif, expériences professionnelles et lettre de motivation sont à disposition année des écoles pour sélectionner leurs candidats après le bac.

De plus, à l’image de ce que pratiquent les sept Sciences Po du Réseau ScPo, les notes de contrôle continu ne sont généralement pas prises au pied de la lettre mais « redressées » de façon à prendre également le niveau de chaque classe. Le but est de réviser les notes brutes des élèves (notes de bulletin) en prenant en compte la «place» de la note obtenue dans la classe, avec pour objectif un traitement le plus équitable possible entre les candidats.

Dans le cadre du concours postbac Sesame, une première analyse quantitative est effectuée par la banque d’épreuves avec une attention particulière portée aux langues vivantes. A l’issue de cette phase d’analyse des dossiers, une barre « d’admissibilité » est définie. Suit une analyse qualitative par les membres du jury de chaque école sur la base du profil, des aptitudes et de la motivation des candidats est ensuite réalisée. Le tout en s’attachant à garantir la diversité sociale comme à Kedge où le comité de sélection a décidé de ne « pas prendre comme critère prépondérant les voyages à l’étranger mais plutôt les qualités d’ouverture au monde et aux autres des candidats ». Une moyenne de l’ensemble des notes sur les critères quantitatifs (produits par la banque d’épreuves) et qualitatifs (émanant de l’évaluation par les jurys écoles) est réalisée. Ces moyennes permettent de faire un classement à partir duquel sera fixée la barre d’admission.

Le casse-tête des examens universitaires. Plus encore que les concours, qui ne réunissent que quelques dizaines de milliers de candidats, les examens universitaires sont un tel casse-tête logistique que les universités privilégient les examens à distance ou le contrôle continu. Mais auront bien lieu ! « Il n’y avait aucune raison de neutraliser le semestre partout. Nous prendrons en compte avec bienveillance le travail des étudiants », souligne le président de l’université de Reims, Guillaume Gellé. A l’université de Lille les étudiants de sciences politiques, LEA et même pharmacie passeront ainsi leurs examens chez eux du 27 avril à fin mai selon deux formules : soit les étudiants recevront leur sujet à un horaire précis et auront un temps imparti pour remettre leur copie, soit ils devront se connecter à Internet et faire l’examen tout en restant connectés.

Mais tout ne se passe pas toujours aussi bien. A Paris 1 Panthéon-Sorbonne la CFVU (Commission de la formation et de la vie universitaire) a rejeté le 16 avril la proposition de la présidence de l’université d’organiser les examens à distance et voté pour que les partiels du second semestre soient tout simplement annulés. Une motion que rejette le président de l’université, Georges Haddad.

Et que faire pour ceux qui ne disposent pas d’ordinateur ou de connexion Internet ? A leur intention l’université de Lille a déjà prévu d’organiser une seconde session d’examen en juin, Combien seront-ils ? L’Université de Strasbourg estime que seulement 160 de ses 52 000 étudiants seraient concernés, les étudiants concernés et rassemblé des fonds pour leur venir en aide, leur prêter du matériel et réfléchit à une solution pour pallier le manque de connexion réseau.

L’autre solution est de s’en tenir au contrôle continu comme au sein de l’université de Poitiers où la validation du semestre se fera par le calcul d’une moyenne à partir des notes obtenues avant le confinement et/ou des notes obtenues par évaluation à distance pendant le confinement. Les sessions de rattrapage seront quant à elles remplacées par un jury sur dossier.

Renoncer aux oraux, il le fallait bien ! La question de la suppression des oraux a provoqué de vifs débats. Notamment du côté des écoles de management post prépas chaque année plébiscitées pour l’excellence de leur organisation qui leur amenait des étudiants qui n’y auraient sans doute pas pensé sinon. Celle-là ont tout fait pour préserver ce rendez-vous. Mais la grande majorité des écoles de management a rapidement été convaincue que c’était beaucoup trop compliqué d’organiser ces oraux. Problème : les écoles d’ingénieurs ont été beaucoup plus longues à se décider et beaucoup se sont alors demandé si la décision n’avait pas été prématurée.

Un autre débat a eu lieu : pourquoi ne pas organiser alors ces oraux en ligne ? Caroline Pascal explique pourquoi on y a finalement renoncé : « Avec les épreuves écrites, il y a une plus grande équité : les élèves ont préparé les épreuves dans les mêmes conditions jusqu’au 15 mars, et ils passeront tous les écrits dans les mêmes conditions. Avec la visio, les candidats auraient passé l’épreuve dans des conditions différentes, sans compter le risque de connexion défaillante. Et, bien que les professeurs aient tout fait pour maintenir la continuité pédagogique, c’était plus simple pour certains élèves que pour d’autres ».

Comment faire découvrir son école sans les oraux ? On le sait, les oraux ne sont pas qu’un moyen de sélectionner les candidats. Dans la plupart des écoles de management ils sont même essentiellement un moyen de découvrir une école, un campus, le travail des « admisseurs ». Au point que beaucoup de candidats en viennent à finalement choisir une école à laquelle ils n’avaient pas forcément pensé initialement, mais qui les a particulièrement séduits, une fois les oraux passés. C’est dire si les écoles de management rivalisent d’imagination pour se présenter sous les meilleurs atours à leurs candidats virtuels.

En version « admissible 2.0 » KEDGE propose ainsi cette année toute une série de dispositifs de ses campus et programmes de son site amissibles.kedge.edu à des webinars en passant par une webradio, des témoignages vidéo ou encore des rencontres virtuelles. Un large panel de vidéo peut être visionné pour « se plonger dans la journée type d’un étudiant, à travers un témoignage, la mise en en avant des services de l’école ou encore la présentation d’une association étudiante ».
Les candidats ont également la possibilité d’assister à des classes virtuelles.

Du côté d’Audencia le site Welcome to Audencia doit également permettre aux candidats de découvrir l’école mais aussi de vivre à distance l’expérience et l’ambiance de son habituel « accueil admissibles ». Comment depuis deux ans, chaque candidat pourra se voir attribuer un admisseur au parcours similaire pour mieux répondre à ses questions spécifiques. De nombreuses vidéos et expériences immersives permettent également, avec l’aide de l’intelligence artificielle, de partir à la rencontre des étudiants et diplômés, mais aussi de découvrir le campus et la ville de Nantes, sans « oublier la richesse des différentes associations de l’école, ou l’expertise de ses professeurs ». On retrouvera également sur la plateforme dans les prochaines semaines un contenu permettant de préparer les épreuves écrites sous forme de coaching. La vie avec le Covid-19 c’est ça !

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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