Abolie hier la « Circulaire Guéant », et les limitations qu’elle imposait aux étudiants étrangers désirant travailler en France une fois leur diplôme obtenu, a un temps décrédibilisé la France sur ce marché crucial qu’est celui de l’accueil des étudiants étrangers. Pour autant la Conférence des Grandes écoles (CGE) n’avait pas abandonné ses ambitions d’accueillir à terme 500 000 étudiants étrangers supplémentaires en France. Un quasi triplement puisqu’ils sont 278 000 aujourd’hui.
Le constat : la France attire les étudiants
Avec 9% du flux mondial d’étudiants, la France se situe aujourd’hui au 3ème rang mondial pour son attractivité. Avec de près de 12% d’étrangers sur ses campus, elle n’est même dépassée dans le monde que par le Royaume-Uni et surtout l’Australie qui reçoit autant d’étudiants étrangers que la France pour trois fois moins d’habitants. Pour autant, ce sont toujours les Etats-Unis qui reçoivent le plus d’étudiants étrangers.
Uniquement dans les grandes écoles, le nombre d’étudiants étrangers a plus que doublé en dix ans en passant de 13 200 à 27 700. Une progression plus forte encore dans les école de commerce puisqu’on peut là parler de quasi triplement (3 600 en 1998 et plus de 10 000 en 2008) alors que dans les écoles d’ingénieurs on passe de 9 000 à 16 600.
En termes de nationalités, ce sont les étudiants asiatiques qui ont vu leur nombre augmenter le plus fortement en passant d’un peu moins de 5 000 à 9 300 dans les grandes écoles. Après le Maroc, la Chine est aujourd’hui de deuxième pays d’origine des étudiants étrangers. Au total, les étudiants du Maghreb sont les deuxièmes les plus représentés (7 000 étudiants) devant l’Amérique latine et du Sud (3400).
Plus de la moitié des étudiants maghrébins et asiatiques sont inscrits dans les écoles d’ingénieurs (5 146 pour le Maghreb et 5 318 pour l’Asie). La grande majorité sont inscrits dans des cursus diplômants (4 980 pour le Maghreb et 4 967 pour l’Asie), qu’il s’agisse d’un cursus ingénieur (respectivement 3 333 et 2 673) ou d’un doctorat (809 pour le Maghreb et 1 010 pour l’Asie). Les grandes écoles de commerce et de management accueillent elles aussi un grand nombre d’étudiants asiatiques (environ 3 300) mais beaucoup plus d’étudiants européens (environ 5 000) que les écoles d’ingénieurs.
Le souhait de la CGE : en attirer beaucoup plus
Bien consciente que la France ne peut pas financer la scolarité de beaucoup plus d’étudiants étrangers, la Conférence des Grandes écoles (CGE) entend leur faire prendre en charge leurs frais de scolarité. Son calcul : la scolarité d’un étudiant français revient à 11 000 euros par an en moyenne. 80% des étudiants étrangers devraient payer 125% de cette somme (13 500 euros) et les autres bénéficieraient de bourses sur critère sociaux et/ou au mérite. Une somme élevée mais qui reste loin des standards des grandes universités anglo-saxonnes (aux Etats-Unis il faut compter de l’ordre de 32 000 dollars par an dans les grandes universités).
Une somme qui ne doit en tout cas pas faire peur selon la CGE qui constate que « certains étudiants étrangers assimilent la qualité de la formation à son coût financier ». Selon elle, cette nouvelle tarification permettrait même de « renforcer l’image d’excellence des formations à la française et de favoriser ainsi les établissements de l’hexagone dans le contexte actuel de concurrence internationale, notamment avec les établissements anglo-saxons ».
Mais voilà ces étudiants parlent peu le français alors qu’une loi, la Loi Toubon, impose aux établissements d’enseignement supérieur d’employer le français dans leur enseignement. La CGE demande donc la possibilité d’effectuer les enseignements en anglais sans pour autant faire disparaître complètement la langue française et son enseignement auprès des étudiants étranger. De plus, elle préconise que « le niveau de français de l’étudiant ne soit pas une cause d’inadmissibilité dans un établissement supérieur français ».
De vastes débats à suivre avec la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et son directeur de cabinet, Lionel Collet, qui, alors président de la Conférence des présidents d’université (CPU), insistait lui en 2010 (*) sur la nécessité que les cursus restent peu onéreux en rappelant que « chaque étudiant étranger suivant des études en France accroit le rayonnement de la France » et que l’investissement en valait donc toujours la peine. Deux visions antinomiques ? Ou au contraire complémentaires ?
Olivier Rollot (@O_Rollot)
(*) Lors du congrès annuel de la Conférence des Grandes écoles consacré au thème « Quelle réponse au défi de l’international pour l’enseignement supérieur ? »
1 Comment