On l’imagine partagée entre la satisfaction de rester aux affaires et une certaine lassitude devant les débats qui restent, la toute nouvelle secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche va devoir maintenant finaliser l’application de sa loi tout en gérant les revendications de communautés qui restent très remontées contre son action.
Des universitaires qui ne baissent pas les bras…
Plus de 10 000 personnes ont aujourd’hui signé la pétition demandant « le changement à l’université et dans la recherche ». Geneviève Fioraso a beau affirmer qu’ils ne représentent que « 1,5% de la population active des universités » (entretien sur EducPros) et qu’il existe « de nombreuses contradictions dans cette pétition d’universitaires » qui ne « font aucune proposition hormis le soutien à une candidature autre que la mienne à ce secrétariat d’État », ils n’en continuent pas moins à se faire entendre.
Auteur de la pétition, Pascale Laborier, professeure de science politique à l’université Paris Ouest Nanterre, explique sur Le Mouv, le 15 avril, ainsi comment elle a voulu faire entendre la voix de ceux qui étaient en « vif désaccord » avec la politique menée tout en disant n’avoir pas de « couleur politique ». Visiblement meurtrie par la polémique, Geneviève Fioraso lui répond que « seul le nom d’une autre candidate ayant été proposé » – nom qu’elle ne prononce pas mais tout le monde sait qu’il s’agit d’Isabelle This Saint-Jean, la vice-présidente de la région Ile-de-France en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche et, surtout, ancienne présidente du collectif Sauvons la recherche en pointe dans la contestation -, il y avait donc une « petite opportunité » pour les auteurs de la pétition tout en refusant de polémiquer plus avant sur le sujet.
Des finances toujours dans le rouge
Le message que veut faire passer Geneviève Fioraso est clair : elle applique le programme décidé par le président de la République tout en privilégiant le dialogue et en entendant le malaise de la communauté qu’elle entend maintenant rencontrer : « Nous avons gommé les dysfonctionnements de la LRU et nous sommes aujourd’hui dans l’application de la loi et il est normal que les choses deviennent un peu plus compliquées ».
Toujours sur Le Mouv, Geneviève Fioraso est revenue sur la délicate question des finances dégradées de beaucoup d’universités : « Le budget de l’enseignement supérieur a augmenté de 2,9% depuis 2012 avec une priorité donnée à la réussite des étudiants ». Oui mais la manne ne se déverse pas forcément là où le souhaiteraient les pétitionnaires. Quand la ministre rappelle que « jamais le mot « étudiant » n’est cité dans leur pétition » elle marque bien la frontière entre des universitaires qui demandent des moyens pour leurs programmes – et leurs étudiants – et un ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui privilégie l’augmentation des bourses en liaison idéologique étroite avec l’Unef. Avec un Benoît Hamon venu du syndicalisme étudiant à la tête du grand ministère de l’Education et de l’Enseignement supérieur et, maintenant, un ancien président de l’Unef, Jean-Christophe Cambadélis, à la direction du PS, il y a peu de chances pour que la situation évolue.
Des grandes écoles très tendues…
Mi-novembre 2013 dans un amphi de Chimie ParisTech, en mission « déminage » Geneviève Fioraso vient dire aux grandes écoles présentes « Détendez-vous » et que « les grandes écoles ne devaient pas s’inquiéter de l’attitude des universités à leur égard » dans le cadre du développement des Comue.
Six mois après, l’atmosphère ne semble pas vraiment à la détente et Philippe Jamet, saluant le maintien de Geneviève Fioraso aux affaires, s’inquiète des projets de statuts des Comue en regrettant que « plusieurs d’entre eux marquent un déséquilibre au détriment des écoles, tant dans la définition du projet partagé, que du tour de table réalisé et des modalités de gouvernance proposées ». A n’en pas douter la mise en œuvre des Comue n’a pas fini de provoquer tensions et oppositions.
Olivier Rollot (@O_Rollot)
- Un groupe de hauts fonctionnaires de l’éducation réagit dans L’Express sur L’enseignement supérieur relégué en deuxième division. Relire l’article de Thomas Piketty Faillite silencieuse à l’université publié en novembre 2013.