Une étude menée par l’Université de Stanford intitulée très justement Canaries in the Coal Mine? Six Facts about the Recent Employment Effects of Artificial Intelligence révèle à quel point la génération actuelle de jeunes diplômés est impactée négativement par le progrès technologique. Selon l’étude depuis l’adoption généralisée de l’IA générative, les professionnels en début de carrière (âgés de 22 à 25 ans) dans les métiers les plus exposés à l’IA ont connu une baisse relative de 13% de l’emploi, même après avoir pris en compte les chocs au niveau des entreprises. « L’intelligence artificielle bouscule profondément les premières étapes de carrière. Traditionnellement, nos jeunes diplômés accédaient à des postes d’analystes, où ils traitaient des données, construisaient des cas, affinaient leur compréhension des métiers. Cette phase d’apprentissage, essentielle pour devenir de bons décideurs, risque aujourd’hui d’être court-circuitée par des outils capables d’automatiser ces tâches », s’interroge Delphine Manceau, présidente de la Conférence des Grandes écoles (CGE) et directrice générale de Neoma.

Des jeunes particulièrement touchés. L’étude de l’Université de Stanford établit également que les ajustements se font principalement par le biais de l’emploi plutôt que de la rémunération. En outre, les baisses d’emploi sont concentrées dans les professions où l’IA est plus susceptible d’automatiser le travail humain que de le renforcer. Six faits fournissent des preuves précoces et à grande échelle qui corroborent l’hypothèse selon laquelle « la révolution de l’IA commence à avoir un impact significatif et disproportionné sur les travailleurs débutants sur le marché du travail américain ».
AI-driven layoffs are shrinking the job market for recent grads écrit ainsi Fortune. « La plupart des emplois de débutants pour les jeunes diplômés sont des postes à forte intensité de connaissances où ils collectent des données, les transposent et créent des visualisations basiques, tout en apprenant à connaître l’organisation de fond en comble », y explique Tristan L. Botelho, professeur associé en comportement organisationnel à la Yale School of Management qui constate encore : « L’IA peut très bien faire cela, et j’ai entendu de nombreux managers dire des choses comme : « Nous pouvons réduire nos effectifs débutants ». … Le plus grand bouleversement concerne probablement ces employés de bas niveau, en particulier lorsque le travail est prévisible, technophile ou plus général. »
Des secteurs plus ou moins concernés. La situation est particulièrement tendue dans les métiers de l’informatique.« 150 job applications, rescinded offers: Computer science grads are struggling to find work » écrit ainsi CNN dans un article qui montre que l’emploi des jeunes diplômés en informatique et en mathématiques a diminué de 8 % depuis 2022, selon un rapport publié en mai par Oxford Economics. Les offres d’emploi dans le domaine du développement logiciel sur le site Indeed ont quant à elle chuté de 71 % entre février 2022 et août 2025, selon les données d’Indeed communiquées par la Banque fédérale de réserve de Saint-Louis.
La vague n’atteint pas tous les secteurs avec la même acuité. Selon une étude du MIT The GenAI Divide state of ai in business 2025 95% des sociétés ne constatent pas de résultats mesurables en termes de chiffre d’affaires ou de croissance dans l’utilisation des IA : « Les entreprises testent des outils GenAI, mais très peu d’entre elles parviennent à les déployer. Les outils génériques tels que ChatGPT sont largement utilisés, mais les solutions personnalisées sont bloquées en raison de la complexité de l’intégration et du manque d’adéquation avec les flux de travail existants ». Parmi les sept secteurs examinés par l’étude seuls deux secteurs (technologies et médias) « montrent des signes évidents de disruption structurelle, tandis que sept autres restent à la traîne en matière de transformation ».
Recruter ou pas ? Certains recruteur voient l’IA seule comme une concurrence directe pour certains profils de chercheurs d’emploi. Selon une enquête menée par le site Indeed en cette rentrée 2025, un employeur sur deux jugerait ainsi plus simple de former une IA que de recruter un jeune diplômé. Le sentiment est plus exacerbé dans la finance (70%) que dans l’éducation (40%) ou le commerce, la restauration et les loisirs (39%). D’autant plus exacerbé que le marché du travail semble se retourner et que, comme l’écrit Le Monde, « Les jeunes diplômés et cadres, qui étaient les rois du monde en 2022, sont les premiers touchés ».
La deuxième édition du Baromètre mondial de l’emploi en IA publiée le 10 juin 2025 par le cabinet de conseil et d’audit PwC après l’examen de près d’un milliard d’offres d’emploi dans plus de 15 pays, démontre que l’adoption de l’IA s’accompagne d’une montée en compétences, d’une valorisation salariale et d’une croissance nette de l’emploi, même dans les professions les plus automatisées. La France se démarque des autres pays avec 166 000 offres d’emploi publiées en 2024, elle devient ainsi le premier pays européen en volume d’offres d’emploi requérant des compétences en IA. Cette dynamique s’accompagne d’une hausse du niveau de qualification requis. En 2024, 58 % des offres d’emploi dans les métiers les plus exposés à l’IA exigeaient un diplôme, contre 54 % en 2019.
Former les plus expérimentés aux IA. L’étude de Stanford montre également que, l’emploi dans les domaines moins exposés et des plus expérimentés dans les mêmes professions est resté stable ou a continué à croître. Leur atout : ils ne se laissent pas mener par le bout du nez par les IA. Le tout est de les former à leur utilisation.
Un sujet dont s’emparent par exemple Mines Paris – PSL Executive Education et l’IFPASS (institut de formation de la profession de l’assurance) pour lancer en cette rentrée une certification en ligne dédiée à la transformation des entreprises de l’assurance et de la banque par la data et l’IA. Une première session de l’Executive short Certificate, intitulé « Managers augmentés : piloter la transformation par la data et l’IA » est proposée en novembre 2025. Un rapprochement des compétences très efficace comme l’explique Laurent Arachtingi, directeur général de l’IFPASS : « En unissant les forces du Groupe IFPASS et de Mines Paris – PSL Executive Education, nous offrons, au travers de ce programme, l’opportunité pour les professionnels d’acquérir une compréhension stratégique, opérationnelle et éthique des enjeux liés à la data et à l’intelligence artificielle. Notre ambition, à travers cet Executive short Certificate, est de permettre à des managers d’identifier les opportunités offertes par l’IA dans leur secteur, d’expérimenter des outils concrets et de piloter des projets d’intégration de la data au sein de leur ligne métier ». Manager expérimenté + IA l’équation gagnante ?
Lire aussi :
- L’Amue (Agence de mutualisation des universités) vient de publier un Tableau des cas d’usage de l’Intelligence Artificielle dans les établissements d’enseignement Supérieur et de Recherche qui présente 81 cas d’usage concrets de l’IA, élaborés par des groupes de travail pluridisciplinaires de la part des établissements pilotes.