À l’aube de son 70ᵉ anniversaire, l’IAE Paris-Sorbonne Business School ouvre un nouveau chapitre en emménageant en janvier 2026 dans un immeuble rue Ponscarme (Paris 13ᵉ) et en présentant son plan stratégique 2025-2030. Son directeur, Éric Lamarque, nous en fait découvrir les grandes lignes et fait le point sur l’actualité d’un IAE qui se consacre très largement à la formation continue.
Olivier Rollot : Comment s’est déroulée la rentrée 2025 de l’IAE Paris-Sorbonne Business School ?
Éric Lamarque : C’est la meilleure rentrée depuis 10 ans avec 6 000 candidats pour 240 à 300 places ouvertes! Proposés sur Monmaster, nos cinq masters ont fait le plein avec 500 candidats pour les plus récents et jusqu’à 1 100 pour les plus anciens. Dans les deux cas pour 40 places, un étiage qu’il faut conserver si on veut s’autofinancer. Nous faisons ensuite passer le test Score à ces candidats avant d’en choisir 130 à 150 que nous recevons en entretien de motivation. C’est un accueil important pour nous et nous demandons aux étudiants de les recevoir à l’entrée de l’IAE. A ce stade il nous reste 80 candidats que nous intégrons dès lors qu’ils ont trouvé une alternance. Des étudiants qui se répartissent à tous les rangs.
Aujourd’hui nous nous adaptons pour recevoir à terme 600 alternants. Il y aura toujours énormément de candidats pour nos diplômes et, au premier chef, le master Management et administration des entreprises. La meilleure idée qu’ait eue Gaston Berger, le créateur de l’IAE Paris.
Aujourd’hui notre budget est de 18 millions d’euros. Nous pourrions être au double si nous avions suffisamment de professeurs.
O. R : La formation continue occupe une place toute particulière à l’IAE Paris. Que représente-t-elle au juste ?
E. L : Nous sommes même leaders dans l’enseignement supérieur en formation continue qui représente 80% de nos 2 700 étudiants. Une formation continue qui nous permet également d’atteindre 60% de ressources propres. Mais attention : pour y parvenir il faut résoudre un nombre considérable de blocages administratifs. Le rapport de François Germinet sur « Le développement de la formation continue dans les universités » est passé à côté de tous ces blocages.
Nous avons toutes les compétences dans les universités pour développer la formation continue mais pas l’état d’esprit si on excepte les IAE. Une université est par exemple incapable de communiquer pour s’adapter au public. Elle croit qu’il suffit de proposer un service pour que les étudiants viennent naturellement. Mais non : il faut des vendeurs ! Des vendeurs rémunérés en fonction de leurs résultats. C’est pour cela qu’à l’IAE Paris nous avons passé des accords de partenariat avec l’IFG pour qu’ils vendent nos formations. Mais il faut également pouvoir refuser ceux qui ne sont pas au niveau !
L’autre blocage tient au nombre d’heures qu’un enseignant peut consacrer à la formation continue. Au nom de l’égalité et de la recherche on limite le nombre d’heures dédiées. On plafonne le nombre d’heures de l’enseignant qui apporte du financement à l’université !
O. R : L’IAE Paris-Sorbonne business school est passé au RCE (responsabilités et compétences élargies). Quelles sont vos relations avec l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui reste votre maison mère ?
E. L : L’IAE Paris-Sorbonne business school est un établissement associé de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Nous sommes dépendants d’elle pour nos systèmes informatiques ainsi que pour la pédagogie et les règles d’examens. Nous nous battons d’ailleurs au sein du conseil de la vue universitaire pour que les normes d’examen soient plus sévères. Les syndicats étudiants ne veulent par exemple pas entendre parler de notes plancher et souhaitent que toutes les notes se compensent. Mais comment délivrer un diplôme de gestion à un étudiant qui aurait 2/20 en marketing sous prétexte qu’il a 18/20 dans une autre matière ?
O. R : Les relations sont donc équilibrées avec votre université. Ces dernières années à la tête du réseau IAE France vous avez souvent protesté contre la façon dont ils sont traités par leur tutelle.
E. L : Les IAE doivent avoir des relations équilibrées avec leur université de rattachement. Ils ne peuvent pas être des vaches à lait.
O. R : Votre actualité en 2026 c’est votre déménagement début janvier dans un nouveau bâtiment. Comment le financez-vous ?
E. L : Notre nouvelle adresse c’est le 11-15 rue Ponscarme dans le 13e arrondissement parisien, à proximité immédiate du centre Pierre Mendès France de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ce sera la première fois que nous aurons nos propres locaux.
Notre démarche, qui s’est déroulée en lien avec les différents opérateurs du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de l’Économie et des Finances, a abouti à la labellisation du projet par la Commission nationale de l’immobilier public (CNIP) le 4 juillet 2023, puis à la signature d’un bail en état futur d’achèvement (BEFA) d’une durée de 12 ans avec un bailleur privé. Mais il faut bien comprendre que nous avons dû entièrement financer sa rénovation pour cinq millions d’euros. Nous sommes le seul établissements d’enseignement supérieur à n’avoir pas reçu un euro pour financer son immobilier !
Nous étudions maintenant la possibilité d’en devenir propriétaires. Nous ne pouvons pas, tous les dix ou douze ans en fin de bail, être submergés pendant des années par les problèmes immobiliers. Nous avons donc rencontré la Banque des Territoires, seule habilitée à nous accorder un prêt, pour lui présenter un plan de financement. Calculez vous-même : 5 millions d’euros de travaux et 23 millions d’euros de loyers en douze ans pour qu’il ne nous reste rien ! Sans oublier que nous verserons presque 5 millions d’euros à l’État de TVA que nous ne récupèrerons pas. En achetant et en empruntant une grande partie nous pourrions rembourser deux millions d’euros par an et acheter le bâtiment. Moins que notre loyer prévu.
O. R : La situation économique de l’IAE Paris Sorbonne est donc bonne !
E. L : Nous sommes classés au cinquième rang des établissements d’enseignement supérieur pour notre trésorerie – plus de 300 jours de dépenses devant nous – alors que la masse salariale ne dépasse par 62% de notre budget.
Mais l’État peut-il tenir un raisonnement comme le nôtre ? Vous savez j’enseigne exactement le contraire de ce que fait l’État à mes étudiants. Ils appliquent un des concepts financiers issus du secteur privé mais qui ne fonctionne pas dans le public ! Avec la loi Pécresse nous avons appliqué des principes anglo-saxons mais qui sont adaptés à un tout autre environnement et une tout autre culture. Il est impossible de supprimer des postes même s’il n’y a plus d’étudiants ! La loi Fioraso nous a ôté toute marge de manœuvre. Au MIT (Massachusetts Institute of Technology) c’est l’état d’esprit qui est bluffant.
Nous avons réussi à recréer à l’IAE un fonctionnement efficace mais c’est épuisant !
O. R : Que va vous apporter exactement ce nouveau bâtiment ?
E. L : D’abord une excellente expérience étudiante avec 800 m2 dédiés à la vie étudiante et une meilleure ergonomie des salles de cours. Nous disposerons également d’une agora, de salles de travail, d’une petite cafétéria. Ce sera très utile pour nos étudiants qui viennent le soir. Nous serons vraiment à l’égal des écoles de management de premier plan !
O. R : Avez-vous d’autres projets?
E. L : Je voudrais également créer une filiale de valorisation de la recherche dans une structure de droit privé. Cela permettrait de valoriser notre recherche avec des formations courtes. Nous pourrions également accompagner des projets dans le cadre de prestations de conseils.
Nous souhaitons également ouvrir un incubateur dédié à un entrepreneuriat humaniste, à impact et économiquement pérenne à l’automne 2025. Cet incubateur accompagnera les porteurs de projets qui placent l’humain, la planète et la justice sociale au cœur de leur modèle, tout en utilisant la technologie de manière éthique et responsable. Il vise à faire émerger des initiatives conciliant innovation, durabilité et impact social, en soutenant des projets à fort enjeu sociétal, des usages technologiques sobres et accessibles, et des modèles économiques hybrides et soutenables.
O. R : Avez-vous également des projets à l’international ?
E. L : Avec sept universités britanniques et américaines, nous sommes sollicités en Chine, à Hainan, pour former des cadres chinois. Nous avons également des projets en Inde et au Maroc alors que nous formons déjà des cadres algériens.
O. R : Votre plan stratégique va jusqu’en 2030. Où en sera l’IAE alors ?
E. L : Nous aurons alors tout un écosystème. L’étape suivante c’est de nous consolider avec notamment une accréditation AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business). Notre plan précédent a pris deux ans de retard avec le Covid et la prochaine équipe, mon second mandat s’achève en juillet 2026, va pouvoir avancer avec une école de premier plan.
Le nouveau campus. Le nouvel immeuble de l’IAE Paris Sorbonne business school, qui hébergeait une clinique, a subi des travaux de rénovation lourde pour se transformer en un pôle éducatif de pointe entièrement réhabilité de 3800 m2 répartis sur 7 étages, visant les meilleurs standards en termes de performance environnementale avec la certification BREEAM « Very Good » qui atteste de l’engagement d’un bâtiment envers la durabilité environnementale et la performance énergétique.