« Mutations scientifiques, sociale, irruption de l’IA, perte de puissance de la France dans un environnement géopolitique et climatique instable alors que les diplômés scientifiques sont de moins en moins nombreux en France. Nous nous devons de réagir. » Tout juste reconduit à ses fonctions de directeur de l’Insa Lyon, Frédéric Fotiadu a voulu positionner son action dans le cadre de son second mandat à la tête d’une « école singulière par son modèle d’ouverture sur le monde comme sur l’importance de son axe recherche ». Le tout sur un campus largement rénové et facteur d’attractivité pour une « formation leader en postbac, première formation demandée sur Parcoursup, avec des étudiants dont le niveau augmente toujours ». Résultat : l’Insa Lyon est de plus en plus sollicitée par les entreprises comme par les partenaires internationaux dans le monde. Mais comment recruter plus ?
Un travail en commun. Dans ce contexte, l’Insa Lyon poursuit sa stratégie Insa 2030, lancée en 2020 avec une priorité : l’urgence climatique et la réponse face aux bouleversements en cours. Pour aller plus loin, 100 participants issus de la communauté Insa Lyon, dont 25 étudiants, se sont réunis dans une assemblée pour la transition écologique et sociale. Plus largement, l’Insa Lyon travaille avec le Réseau Insa comme avec le Collège d’ingénierie Lyon Saint-Etienne mais aussi l’université européenne ECIU University dont le groupe Insa fait partie : « Nous devons oublier la compétition pour travailler ensemble. Et pourquoi ne pas pouvoir faire accréditer demain des diplômes portés par plusieurs établissements ? ».
Avec le Réseau Insa, l’ouverture sociale est portée par le projet Horizon Insa, sorte de « super cordée de la réussite pour découvrir des talents « non encore révélés » que nous allons accompagner depuis les lycées vers des études supérieures en sciences et technologie. Une voie de recrutement spécifique va être ouverte dans les Insa sur le modèle Sciences Po avec des établissements partenaires ». Le dispositif a commencé à être expérimenté dans plusieurs Insa et pourrait être généralisé si le coût de 10 millions d’euros est assuré par l’État. De quoi financer 250 places de plus dans les Insa. « Il faut changer de braquet au-delà des dispositifs existants avec un diplôme d’État, ce que n’est pas celui de Sciences Po », souligne Frédéric Fotiadu.
Un bachelor commun à quatre écoles d’ingénieurs lyonnaises. Il s’agit aujourd’hui de réfléchir à l’élargissement de l’offre de formation pour faire venir plus d’étudiants, et particulièrement de jeunes filles, vers les études scientifiques grâce au développement d’un bachelor commun au sein du Collège d’ingénierie Lyon Saint-Etienne. « Avec le soutien de la Région AURA et du rectorat, nous souhaitons répondre aux besoins des entreprises, et en particulier pour le développement de l’énergie atomique, en déployant le bachelor « Mutations technologique et industrielle » », définit le directeur. Le bachelor a ouvert ses portes à la rentrée dernière à Saint-Etienne et ouvrira à Oyonnax en 2025. Le coût de la scolarité en première année s’étend de 0 à 6 000€, selon les revenus des parents.
Chaque année, ce sont deux nouvelles spécialités de ce bachelor qui vont ouvrir au sein des quatre écoles d’ingénieurs du collège (Centrale Lyon, ENTPE, INSA Lyon, Mines Saint-Étienne) pour des étudiants qui suivront leur deuxième et troisième année en apprentissage : « Nous ne les incitons pas à poursuivre en école d’ingénieurs mais à s’insérer dans l’entreprise et à être accompagnés par nos écoles et l’entreprise vers un diplôme d’ingénieur s’ils le souhaitent et en ont les capacités ».
Il sera également possible d’intégrer ce bachelor après une année préparatoire avec une réorientation ou pour des bacheliers qui n’auraient pas les bases, notamment ceux ayant abandonné la spécialité mathématiques en terminale, à l’horizon 2026. De même, le nombre d’étudiants du dispositif d’entrée en école d’ingénieurs Ins’avenir va doubler pour atteindre cinquante élèves.
- Depuis sept ans, l’Insa Lyon propose également un International Bachelor Mechanical, Materials and Aerospace Engineering, entièrement dispensé en anglais à des étudiants internationaux.
Des « bouquets de thèse ». Dernier enjeu majeur : la recherche qui prend une nouvelle dimension avec le Collège d’ingénierie Lyon Saint-Etienne, structure informelle qui permet de réaliser des projets communs et interdisciplinaires en mobilisant des financements. « Nous lançons des « bouquets de thèse » pour travailler avec des entreprises partenaires et mêler sciences et SHS sur trois grands enjeux, la décarbonation, la circularité et le numérique responsable. Des thèses disciplinaires sont réunies au sein d’une thématique commune avec la naissance de communautés », expérimente Frédéric Fotiadu après avoir constaté que les « thèses interdisciplinaires sont difficiles à développer ». Avec l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, il s’agit de combiner analyse interdisciplinaire, partage des connaissances et développement des compétences autour d’un sujet « industrie et société décarbonées ». Sélectionné à l’issue d’un appel à projets, le bouquet de thèses 2024 regroupe six thèses de doctorat. Celles-ci couvrent quatre enjeux clés de la décarbonation : les mobilités, l’énergie, le bâtiment et les transformations de la ville. S’il souhaite bien évidemment « voir le doctorat se développer », Frédéric Fotiadu ne s’interroge pas moins sur la « temporalité de vouloir à la fois développer le nombre d’élèves en école d’ingénieurs et de doctorants ».