ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

« Neuf ans après la fusion, Neoma a su capitaliser sur ses atouts »

2022 c’est l’année de Neoma. L’école atteint en effet cette année son meilleur classement dans le choix des préparationnaires dans le cadre du Sigem. Sa directrice générale, Delphine Manceau, revient avec nous sur la dynamique qu’elle porte pour son école depuis maintenant cinq ans.

Olivier Rollot : Cette année, pour la première fois depuis la fusion de Rouen BS et Reims MS dont elle est issue, Neoma a dépassé Grenoble EM dans les choix des élèves issus de classes préparatoires. Neoma atteint ainsi la 8ème place du « Classement Sigem ». Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Delphine Manceau : C’est une belle reconnaissance de la stratégie de l’école qui se traduit cette année dans les décisions des élèves de classes préparatoires. Nous avons fait évoluer notre Programme Grande école en y intégrant des enseignements autour de la géopolitique et de la transition écologique et sociale, mais aussi la possibilité d’obtenir des certifications professionnelles et, systématiquement, un double diplôme de MSc en dernière année. Neuf ans après la fusion, Neoma a su capitaliser sur ses atouts et s’imposer comme une école pionnière en matière d’innovation pédagogique, notamment avec son campus virtuel.

Plus largement, notre stratégie nous a permis de renforcer notre recherche et notre internationalisation. Aujourd’hui, Neoma compte près de 400 partenaires internationaux bénéficiant des meilleures accréditations. Une internationalisation qui irrigue l’ensemble du parcours étudiant, jusqu’à l’entrepreneuriat. Je pense notamment au programme Global Incubator qui permet à nos étudiants d’intégrer l’incubateur d’un partenaire académique et ainsi de continuer à l’international le projet de création d’entreprise initié à NEOMA.

O. R : Le travail de vos « admisseurs » a été reconnu !

D. M : Notre accueil admissibles a été excellent. Il a d’ailleurs été classé à la cinquième place du classement de Major Prépa, et même au premier rang des écoles du top 10. C’est très important pour les admissibles de pouvoir échanger avec les étudiants de l’Ecole. J’ai été vraiment frappée par l’enthousiasme et l’énergie de nos admisseurs qui s’engagent pour proposer de nombreuses activités et de magnifiques spectacles. Ils sont ainsi pleinement contributifs au projet de l’école.

C’est une expérience très marquante pour les étudiants admisseurs qui en parlent encore des années plus tard. Ces quinze jours au rythme des concours, cette expérience collective avec des spectacles chaque jour, des barbecues chaque soir, ils s’en souviennent toute leur vie ! Se rendant compte que certains candidats revenaient voir leur spectacle, nos admisseurs en ont même créé un second pour que celui de l’après-midi soit différent du matin !

O. R : Il y a maintenant cinq ans que vous avez pris la direction de Neoma. Comment le paysage des écoles de management a-t-il évolué pendant ces cinq ans ?

D. M : Toutes les écoles ont progressé durant ces cinq années. Etre au 8ème rang du Sigem aujourd’hui, ce n’est pas exactement la même chose qu’être au 8ème rang il y a cinq ans. Il y a beaucoup d’émulation entre les écoles françaises et c’est très stimulant. Mais il va falloir encore progresser avec un environnement en profondes mutations. Début 2023, Neoma présentera un nouveau plan stratégique pour se donner un nouvel élan.

O. R : Êtes-vous inquiet de l’évolution des effectifs en classes préparatoires ECG?

M : Nous avons constaté en 2021 une forte baisse du nombre de nouveaux préparationnaires. Est-ce ponctuel ou durable ? Quel impact auront les réformes du bac sur le moyen terme ? Comment l’attractivité de la prépa va-t-elle évoluer ? Nous anticipons en tous cas un Sigem 2023 difficile. Nous devrions maintenir le même nombre de places ouvertes au concours en supprimant la marge de cinq candidats que nous retenons d’habitude pour prendre en compte les reçus qui préfèrent finalement cuber.

O. R : Mais comment remédier à cette relative désaffection ?

D. M : Pour relancer la filière, nous travaillons conjointement entre la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) et l’Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC). Ensemble nous voulons mieux expliquer aux lycéens ce qu’est une classe préparatoire et ce qu’elle apporte. Quand on évoque les classes préparatoires, on se focalise trop sur le concours en sous-estimant la richesse des contenus autour de matières très variées.

Comme c’est le cas dans des cursus offerts dans beaucoup d’autres pays, les classes préparatoires permettent de se former aux matières fondamentales avant d’entrer dans les disciplines spécifiques à la gestion. Leur richesse c’est aussi leur multidisciplinarité, combinant géopolitique, humanités, mathématiques, langues… Il faut aussi expliquer tout ce qu’apportent les khôlles dans les capacités d’expression orales. Et lutter contre les idées reçues bien souvent véhiculées autour de comportements individualistes en classes préparatoires, alors qu’on y est au contraire très solidaire, avec des professeurs très impliqués et bienveillants. En classes préparatoires on construit des « honnêtes hommes et femmes » aptes à s’adapter à un monde en mutation rapide. Les fondamentaux que l’on y apprend restent pour la vie au-delà des mutations technologiques et de l’évolution des métiers.

O. R : Que répondez-vous à ceux qui estiment que les bachelors des écoles concurrencent les classes préparatoires ?

D. M : Ce ne sont pas les mêmes étudiants qui sont intéressés. Dans les bachelors, les étudiants veulent se préparer à des métiers, plonger dans le monde du travail. En classes préparatoires, les élèves veulent d’abord approfondir leurs connaissances, leur compréhension du monde et des matières fondamentales, avant d’enchaîner ensuite sur un enseignement plus appliqué.

O. R : Quel impact peut avoir l’inflation sur l’évolution de vos frais de scolarité ?

D. M : NEOMA veille attentivement à maintenir l’accessibilité des études au sein de son programme Grande Ecole. Dans le contexte actuel, nous sommes contraints de prendre en compte l’inflation de nos coûts, notamment la facture énergétique qui augmente considérablement en cette rentrée. Aujourd’hui un étudiant de Neoma connait ses frais de scolarité pour les 3 ou 4 ans de son cursus. Si l’inflation continue, nous réfléchirons à une régulation de ces frais.

O. R : Êtes-vous rassuré par les décisions de France Compétences sur les coûts contrat de vos apprentis ?

D. M : Après les annonces récentes, nous allons regarder en détail et branche par branche les impacts financiers sur les dispositifs d’apprentissage. Je suis particulièrement attachée à l’apprentissage qui, au-delà d’être une voie professionnalisante ayant déjà très largement fait ses preuves, reste également un vrai levier d’ouverture sociale.

O. R : Nouveau campus à Paris, futur nouveau campus à Reims, rénovation à Rouen, Neoma repense aujourd’hui la totalité de ses campus. Où en êtes-vous ?

D. M : Nous avons inauguré en septembre 2021 notre nouveau campus parisien et nous travaillons maintenant sur le projet de Reims pour 2025. Tout comme notre nouveau site parisien, ce campus au cœur de Reims s’impose comme une nouvelle étape dans le développement de l’Ecole. Il sera construit le long du canal, dans le quartier de Port Colbert qui est engagé dans un grand projet de transformation de l’espace urbain. Nous serons en face de l’Ecole supérieure d’art et de design (Esad) de Reims et entourés de nombreux logements et espaces de vie. En tout, nos bâtiments y occuperont 35 000 m2 contre 26 000 aujourd’hui.

O. R : Avec quelles ambitions nouvelles construit-on aujourd’hui des campus ?

D. M : Nous concevons des lieux qui correspondent aux pédagogies et à l’expérience étudiante de demain, avec des espaces importants pour la vie étudiante, le co-working, beaucoup d’hybridations entre les disciplines, etc. Aujourd’hui les salles de cours sont modulables, les chaises ne sont plus fixées au sol. C’est passionnant car nous devons imaginer comment on enseignera dans vingt ans. Le temps d’un bâtiment est un temps long et il faut s’interroger sur tous les espaces. Le tout en respectant les critères environnementaux les plus exigeants.

O. R : Comment vos diplômés se placent-ils sur le marché du travail ces années post Covid ?

D. M : Le marché du travail est très bon et nos diplômés en bénéficient. Leur seul souci est de réussir leur intégration dans des entreprises qui travaillent encore largement en télétravail. Ce n’est pas facile de démarrer un nouveau job à distance. Beaucoup de relations sont informelles et on n’interagit pas uniquement avec son manager et ses collègues directs. Le café du matin, la bienveillance des collègues pour les nouveaux arrivants sont des éléments très importants. Un vrai enjeu d’intégration qui se traduit ensuite par la fidélité à l’entreprise. Nos jeunes diplômés piaffent de venir travailler en présentiel.

O. R : Où en sont les échanges internationaux d’étudiants, dont on sait combien ils ont été impactés négativement par la pandémie ?

D. M : Ils repartent très bien. En 2021-2022, avec un effet de rattrapage, un nombre record de nos étudiants, pas moins de 2 500, sont partis étudier à l’international. Beaucoup moins en Asie du fait notamment de la fermeture de la Chine et du Japon, mais beaucoup plus en Europe, aux Etats-Unis ou dans les pays d’Asie restés ouverts comme la Corée du Sud. Pour cela nous signons de nouveaux partenariats : 50 accords signés en un an pour atteindre les 400 partenaires que nous avons aujourd’hui.

NEOMA a toujours défendu un parti-pris immersif très fort à l’international. Nous privilégions le départ de nos étudiants en petits groupes dans une université du pays. Pas plus de cinq étudiants dans chaque université partenaire pour bien s’imprégner de la façon dont on enseigne dans chaque pays, se mélanger avec les étudiants locaux, s’intégrer véritablement à la culture locale. De plus, c’est important de pouvoir indiquer le nom de l’université locale sur son CV. Un semestre passé au sein de la KAIST en Corée, de la Bocconi à Milan ou d’IIM Bangalore en Inde, cela peut vraiment faire la différence si on cherche ensuite un stage ou un emploi dans le pays.

O. R : L’hybridation des savoirs est au cœur des développements de l’enseignement supérieur. Qu’est-ce que cela représente pour Neoma ?

D. M : Les échanges vers d’autres disciplines sont une richesse pour les étudiants tout en répondant à une vraie attente des entreprises. Aujourd’hui il faut maîtriser les datas et les techs pour faire du marketing par exemple. Le seul souci c’est que les systèmes de reconnaissance des diplômes ont encore du mal à suivre ce mouvement d’hybridation et restent fortement structurés par discipline.

S’il y a aujourd’hui beaucoup d’hybridation entre le management et les ingénieurs, ce n’est pas la seule approche multidisciplinaire possible. Nous avons ainsi signé un partenariat de double diplôme en géopolitique avec l’IRIS. Et c’est pertinent de travailler avec les Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) pour développer les biotechnologies et travailler sur la transition climatique. Nous dispensons ainsi un Mastère Spécialisé conjoint avec AgroParisTech, intitulé Masternova, qui permet d’acquérir une double compétence en sciences du vivant et en management.

Previous ArticleNext Article
Avatar photo
Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Send this to a friend