Président de l’entité constituée des groupes Studialis (Paris School of Business, Strate, Cours Florent, Hétic, etc.) et Galileo Global Education (Lisaa, Istituto Marangoni, IEU, etc.), Marc-François Mignot-Mahon dirige le plus important groupe européen d’enseignement supérieur privé et troisième mondial.
Olivier Rollot : Longtemps le groupe Studialis a été centré autour d’une école de commerce, l’ESG (aujourd’hui Paris School of Business). Aujourd’hui les écoles d’art semblent être plus importantes chez Studialis comme chez Galileo. Quel est votre stratégie de développement aujourd’hui ?
Marc-François Mignot-Mahon : Nous sommes un groupe équilibré entre deux pôles : les écoles de management, les écoles de commerce d’un côté et les écoles d’arts et de création de l’autre. Le mariage de ces deux pôles nous confère une position unique entre le management et la création, ce qu’on appelle communément la French Touch.
Notre ambition c’est d’être le leader mondial des enseignements de la French Touch.
En effet, dans les domaines de la création et des arts appliqués (le luxe, la mode, les nouvelles technologies, le design industriel, le design graphique, la 3D, le cinéma, le théâtre, les arts de la table, …) la France est reconnue dans le monde comme un territoire d’excellence, nous sommes fiers d’incarner aujourd’hui le leader mondial de l’enseignement supérieur privé dans ces domaines.
Nous vivons comme un privilège le fait de pouvoir être un véritable acteur du rayonnement de la France à l’étranger, de promouvoir et d’enseigner les savoirs faire et les compétences de notre pays à des milliers d’étudiants internationaux tant en France que dans le monde.
O.R : Comment se complètent Studialis et Galileo, les deux groupes réunis en une seule entité que vous dirigez aujourd’hui ?
M-F.M-M : A la base ce sont des projets frères qui ont donné naissance, le 21 octobre 2015, au 3ème groupe mondial – et premier groupe européen – d’éducation supérieure privé. Les deux groupes possédaient des marques reconnues mondialement comme l’Istituto Marangoni, Penninghen, le cours Florent ou Strate. Ensemble, nous allons, par exemple, développer nos marques en Allemagne, où l’Université Macromedia contribuera au développement du Cours Florent, de Chardon Savard ou de Paris School of Business.
O.R : Votre développement s’est d’abord essentiellement effectué en France. C’est un marché particulièrement porteur pour l’enseignement privé ?
M-F.M-M : Aujourd’hui la France représente 60% de notre chiffre d’affaires parce que les contenus qui y sont rassemblés sont les plus pertinents. Dans les arts appliqués et la création, l’enseignement supérieur privé est un acteur majeur avec un tissu d’écoles très dense.
O.R : Vous répondez à une demande mondiale ?
M-F.M-M : De fait, la demande internationale est très vive. Aujourd’hui les pays émergents ont très largement rattrapé leur retard dans les secteurs techniques mais il leur reste ardu de structurer des enseignements dans des métiers dont la maîtrise requiert des années, parfois des siècles, de tradition et de savoir-faire.
Ces pays « émergés » ont parfaitement identifié que la différenciation par les bas coûts est derrière eux et qu’il leur faut innover. Nous avons des savoir-faire, des compétences incarnées par des écoles aux marques reconnues qui peuvent les aider à déployer ces enseignements dont ils ont un besoin stratégique. Pour réaliser cette ambition nous allons aider nos écoles à se projeter à l’international tout autant qu’à attirer des étudiants internationaux en France.
O.R : Vers quels pays vous tournez-vous plus particulièrement aujourd’hui ?
M-F.M-M : Il y a beaucoup à faire en Allemagne et en Italie ou nous sommes déjà très implantés. Le Cours Florent, déjà présent à Paris, Montpellier et Bruxelles, sera bientôt également à Berlin, Londres et Milan. Hors de l’Europe, Strate souhaite s’installer à Singapour et en Inde, Chardon-Savard au Vietnam, Hétic va s’installer en Inde, l’Istituto Marangoni se développe à Shangai, Campus Digital regarde au Maroc, L’ESG en Afrique subsaharienne francophone ou ses premiers résultats sont très encourageants.
Nous partons à la conquête de l’international avec la même mission chevillée au corps : la volonté de dispenser des enseignements qui mènent à un emploi.
O.R : De nouvelles acquisitions sont également programmées ?
M-F.M-M : Le groupe Studialis-Galileo a connu un développement exceptionnel tout en maintenant de bons résultats, nos actionnaires nous accompagnent, nous aident, ils soutiennent très positivement notre projet. Nous poursuivrons donc nos acquisitions à l’international que ce soit en Amérique du Sud ou en Afrique. En fait, là où nous avons de superbes expertises à faire valoir en mariant management et création et ou la demande est très forte.
O.R : Le Cours Florent ne forme pas que des artistes mais collabore également avec d’autres écoles de Studialis. Les synergies entre vos écoles sont au cœur de votre projet ?
M-F.M-M : Nous avons créé de nombreuses synergies entre nos écoles pour former toutes sortes de professionnels. Un élève en école de management qui a appris à développer sa « présence », ses qualités d’expressions communicationnelles et émotionnelles n’est plus un jeune diplômé ordinaire. Nous aidons les entreprises à former des experts qui soient aussi des leaders. Ceux qui le souhaitent peuvent se former au sein du Cours Florent et de Paris School of Business et même obtenir un double diplôme. Paris School of Business et Strate travaillent ensemble dans le design pour mieux appréhender le fonctionnement de l’innovation. Nous avons créé un nombre étonnant de passerelles entre nos différents enseignements. La mobilité entre les enseignements et l’ouverture à tous ces domaines variés constituent les deux grands traits différenciant de la proposition de valeur des écoles du groupe à destination de nos élèves et de leurs futurs employeurs.
O.R : On connaît bien vos marques mais le grand public ne sait pas qu’elles font partie d’un groupe commun. Est-ce que vous pourriez communiquer plus largement dessus dans les années à venir ?
M-F.M-M : Studialis a effectivement toujours été discret mais cela va évoluer, notamment dans le cadre du développement de notre offre d’executive education. Nous entendons en effet devenir un acteur de référence qui accompagne les grandes entreprises dans leurs transformations en réunissant le digital, l’innovation et le management, autant de spécialités dans lesquelles notre expertise est reconnue
O.R : Beaucoup prétendent aujourd’hui se développer dans la formation continue. Comment comptez-vous faire la différence ?
M-F.M-M : Par exemple, les commerciaux des grandes sociétés que nous formons sont plus performants grâce à des formateurs du Cours Florent qui savent transformer leur capacité d’expression et de conviction, chacun de ces enseignants triés sur le volet maitrisent aussi bien les techniques de l’actorat que celles de l’entreprise. Dans le domaine de l’innovation digitale, fondée en 2000, Hétic est la première école du secteur, la Web School Factory l’une des plus innovantes. Dans le champ de l’innovation, les technologies du design, le fameux « design thinking » – dont la maitrise est mondialement reconnue chez Strate – sont de véritables clés pour permettre aux entreprises de développer leur capacité d’innovation par l’introduction de méthodologies transformantes mais pragmatiques et éprouvées.
En réunissant nos différentes expertises, nous bénéficions d’une capacité unique pour faire des plans de formations sur mesure à destination des grandes entreprises.
Notre offre à destinations des grands comptes se base évidemment sur cet assemblage unique d’expertises mais elle est aussi appuyée par une équipe dédiée de 10 personnes, dont plusieurs ingénieurs pédagogiques, qui recueille les besoins des entreprises. Nous ne produisons pas un catalogue de formations mais une réflexion sur mesure répondant spécifiquement à la demande de chacune de ces entreprises. De 2% notre chiffre d’affaires dans la formation continue devrait ainsi passer à 10% d’ici 5 ans.
O.R : Vous n’êtes pas connus comme un acteur de référence de la formation à distance. Pourquoi être discrets dans vos développements de MOOC par exemple ?
M-F.M-M : Nous avons produit des MOOC qui connaissent de vrais succès notamment ceux de Paris School of Business, d’autres sont en cours, dans l’executive education nous sommes partenaires de la plateforme Cross Knowledge. Mais attention à cette farce de la prétendue disparition du face à face pédagogique qu’on nous sert depuis maintenant 30 ans. Les étudiants ont besoins de face à face, la majeure partie du succès de toute formation réside dans l’échange humain entre l’apprenant et son enseignant. Ce qu’il faut aujourd’hui en plus, c’est la modernité de l’accompagnement de l’acte de formation. Pas une substitution par des outils de e-learning de l’acte pédagogique, au contraire, mais une amplification de celui-ci par toutes les possibilités du digital. L’éducation initiale n’a pas beaucoup changé en quinze siècles et doit rester initiatique. C’est relativement différent dans l’executive education où une part plus large de l’enseignement peut s’effectuer à distance.
O.R : Parlons un peu plus des écoles de management. Aujourd’hui toutes font la course aux accréditations internationales. Où en est PSB ?
M-F.M-M : Le marché se segmente, la demande des jeunes étudiants évolue, nos écoles doivent offrir des positionnements clairs à ces étudiants. Avec la marque ESG, présente dans toute la France, nous proposons des écoles de commerce aux enseignements professionnalisant qui vont faire de nos élèves des jeunes professionnels « ready to work ». Vous venez à l’ESG pour disposer d’un enseignement solide, adapté au monde professionnel et d’un écosystème totalement imbriqué avec le monde de l’entreprise.
La Paris School of Business ambitionne un développement mondial. Être une Grande Ecole classée internationalement, c’est proposer un parcours international à ses étudiants et dispenser un enseignement innovant irrigué par un corps d’enseignant chercheurs reconnus. La sanction de cette démarche se voit souvent traduite par des accréditations mondiales. Paris School of Business possède ces fondamentaux, était déjà accréditée AMBA pour son Programme Grande Ecole et bientôt pour son MBA. Aujourd’hui, nous travaillons activement avec l’AACSB américaine.
O.R : Ces accréditations ne coûtent pas trop cher à obtenir ?
M-F.M-M : Certes, il faut bien valider la question du modèle économique et des conséquences pour l’étudiant qui finance ses études. Aucun acteur sérieux ne réalise aujourd’hui de fortes marges dans notre secteur car nous devons d’abord dégager des capacités d’autofinancement, de surcroit ces investissements dans la recherche sont très onéreux.
Mais ces accréditations ont aussi leur utilité. Pour que les étudiants puissent se repérer dans l’offre des Grandes Ecoles il faut des labels, et ces labels établissent des « métriques » qui traduisent la qualité de nos écoles. Ils nous ont permis de rationaliser l’offre du secteur.
Ceci dit, il faudra bien que tous les acteurs se réunissent pour réfléchir à l’évolution de ces critères qui doivent laisser la place à la singularité, à l’âme de chaque école et ne pas perdre de vue l’objectif prioritaire : l’acte pédagogique
O.R : Faut-il accréditer les bachelors comme les programmes grandes école ?
M-F.M-M : Il faut rester raisonnables ! On peut comprendre l’utilité des accréditations internationales pour des diplômes à bac +5 voire bac +6 ou +7 qui mesurent notamment la qualité et l’importance de la recherche dans l’enseignement académique. Pour des formations plus courtes, la demande des étudiants c’est le développement de leurs compétences opérationnelles, de leur employabilité. Restons centrés sur ce dont nos élèves ont besoin.
O.R : Les arts, le management, la troisième grande expertise de votre groupe c’est le digital. Est-ce un secteur qui est encore amené à largement se développer ?
M-F.M-M : Exprimer maintenant que les écoles digitales sont l’avenir est probablement un poncif, je peux vous assurer que lorsque j’ai fondé Hétic en 1999 avec mes partenaires, c’était loin d’être le cas. Aujourd’hui, les jeunes diplômés d’une école comme Hétic touchent des salaires proches de ceux des étudiants de CentraleSupélec ou des Mines de Paris. Tous les ans, il manque 10 000 managers ou experts formés au digital.
Ce ne sont pas des jobs de « geeks » mais des vraies carrières à la fois rapides et pérennes. Des emplois qui sont fondés sur la compréhension de données complexes, la maitrise des sous-jacents technologiques et pour lesquels nos écoles doivent être constamment en mode veille. Chaque année, 30% des cours d’Hétic sont ainsi totalement renouvelés.
O.R : La France a toujours son mot à dire dans cette compétition ?
M-F.M-M : Bien sur. Halte aux prophéties catastrophistes auto-réalisatrices, au constant autodénigrement, le mal français. Ici, nous sommes fiers de construire un champion mondial de l’éducation supérieure, à partir d’actifs, de savoirs faire et de compétences françaises.