En quittant cette année le concours Ecricome pour intégrer la BCE, ICN Business School a provoqué fin 2016 un vif débat avec ses deux anciens partenaires, Kedge et NEOMA. Sa directrice, Florence Legros, explique ses motivations et sa stratégie.
Olivier Rollot (@O_Rollot) : ICN Business School a pris la décision de quitter les concours Ecricome à l’automne dernier. Pouvez-vous faire un premier bilan de votre intégration dans la BCE pour les prépas, Passerelle pour les admissions parallèles et Atout+3 pour votre bachelor ?
Florence Legros : C’est encore trop tôt pour les deux premiers et on attend la deuxième session d’Atout+3 pour faire le point sur le troisième. Mais je répète ce que j’ai déjà dit : ce changement est favorable à la dynamique d’ICN BS avec de nouveaux développements, de bons classements dans le « Financial Times » notamment, de nouveaux locaux pour la prochaine rentrée, etc.
O. R : Le site Major Prépa a publié le 13 juillet 2016 votre barre d’admissibilité qui s’est révélée assez basse, aux alentours de 6, quand vos deux ex-partenaires d’Ecricome, Kedge BS et NEOMA BS, annoncent respectivement 9,1 et 10,2. Mais pour vous le niveau de cette barre ne signifie rien.
F. L : Il faut regarder de près les chiffres : les candidats qui avaient des notes aux alentours de 6 (par valeur supérieure) ne représentaient l’année dernière que 1,7% des effectifs, soit deux personnes à la barre d’admissibilité (!), que nous nous refusons à rejeter a priori alors qu’elles ont été formées dans l’excellent système que sont les classes préparatoires.
Pour autant, si on regarde in fine le rang du dernier intégré à ICN on constate qu’avec une note aux écrits de 11,2, il est mieux classé que le dernier intégré à NEOMA BS et Kedge.
O. R : Vous vous demandez comment Major Prépa a pu calculer cette barre et la publier.
F. L : Il est mathématiquement impossible de trouver précisément le niveau d’une barre d’admissibilité d’une école dans un concours. La probabilité est de l’ordre de 10 puissance moins 3 ! Or Major Prépa est tombé juste sur les trois écoles d’Ecricome. Je me demande effectivement comment c’est possible. Trouver les trois par « sondage » est de l’ordre de 10 puissance moins 7.
Peu importe, nous assumons pleinement cette barre d’admissibilité.
O. R : C’est de là que date votre questionnement sur votre place dans Ecricome ?
F. L : Pas seulement. Les écoles doivent publier dans le BO leur capacité d’accueil ; il était prévu que Kedge recrute 400 étudiants en admission parallèle (Tremplin 2). Ils sont montés à 616. Je dirais que la différence de poids et de taille avec les deux autres écoles n’était pas favorable à ICN et peu cohérente avec le modèle pédagogique que nous soutenons.
O. R : Vous ne changez pas la barre d’admissibilité cette année ?
F. L : Il faut être cohérent. Une bonne école c’est d’abord une école qui fait réussir tous les profils. Vous admettrez que nous ne prenons d’ailleurs pas beaucoup de risques avec des étudiants issus de prépas, formidablement bien préparés, qui ont peut-être tout simplement eu un accident de parcours.
O. R : Parlons des candidats. Quelles qualités mettez-vous plus particulièrement en avant pour convaincre les candidats qui viennent passer les oraux de rejoindre ICN BS ?
F. L : D’abord l’Alliance Artem et le travail qu’ils pourront faire en commun avec Mines Nancy et l’Ecole nationale supérieure d’art et de design de Nancy. Des ateliers communs entre les trois écoles ont déjà lieu sur ce campus et 20% des cours sont en commun dès la première année de notre programme Grande Ecole. Etre ensemble sur le même campus à la prochaine rentrée permettra aux étudiants et aux équipes des trois écoles de se rencontrer encore plus souvent.
Ensuite tout l’intérêt qu’il y a à venir à Nancy ou à Metz, dans une région à la lisière de quatre pays européens qui ne doit surtout plus se résumer à Florange, mais montrer ses atouts comme nous le faisons avec les offices de tourisme pour nos candidats.
Enfin, nous mettons l’accent sur une pédagogie différente, qui met l’humain en avant. Nous voulons former des gens bien et nous avons la chance d’avoir des étudiants ouverts. Nous voulons les former à être flexibles, souples, adaptables dans un monde en mouvement.
O. R : Votre intérêt pour les classes prépas vous l’aviez déjà manifesté quand vous étiez rectrice de l’académie de Dijon.
F. L : Le plus beau succès de ma vie professionnelle a été de monter la première classe préparatoire scientifique destinée aux bacheliers professionnels à Montceau-Les-Mines. Il a fallu pour cela convaincre l’inspection générale que de proposer une année de plus aux bacheliers professionnels – la prépa dure trois ans – n’avait rien de discriminant mais était tout simplement nécessaire pour leur permettre de réussir. Aujourd’hui la totalité de ses 20 élèves intègre chaque année une école, dont un l’Ecole polytechnique en 2016 ! Très peu abandonnent en cours de route et j’entends même qu’au bout d’un an ils ont un meilleur niveau en philosophie – qu’ils n’avaient jamais étudiée – que la plupart des autres élèves de prépas. Le seul préalable a été d’avoir des professeurs de classe prépa motivés, prêts à l’aventure et bourrés de talents.
O. R : Parlons de votre bachelor. Qu’en attendez-vous alors que la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) vient de remettre ses préconisations sur la création d’un grade de licence ?
F. L : Notre bachelor SUP’EST accueille environ 200 étudiants par promotion sur nos 3 campus de Nancy, Metz et Nuremberg. Si la CEFDG obtient la création de ce grade nous le demanderons bien évidemment mais le visa nous suffit pour l’instant. L’obtention du grade pour les bachelors leur donnera plus facilement la possibilité de poursuivre leurs études en master à l’université et c’est très positif.
O. R : Vous n’avez pas le sentiment que ce grade sera également porteur de nouvelles contraintes ? Comme toutes les accréditations d’ailleurs…
F. L : Nous en avons déjà beaucoup pour obtenir le visa et surtout les accréditations internationales comme Equis et maintenant celle de l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) pour laquelle nous sommes en cours d’accréditation. Pour l’obtenir nous avons remis à plat les maquettes de tous nos programmes et travaillé avec des partenaires accrédités à vérifier notre adéquation avec chaque critère.
Aujourd’hui une business school doit faire de la recherche, être académique, produire une formation continue qui a du sens. Nous sommes condamnés à nous développer pour affronter la concurrence et former des gens de qualité !
O. R : Et à être international. Où en êtes-vous de vos implantations à l’étranger ?
F. L : Nos étudiants sont très contents de pouvoir aller sur notre campus de Nuremberg, un très bel endroit où ils profitent d’un excellent encadrement, mais il faut aller plus loin et nous nous installerons en 2018 à Berlin. Nous y serons arrimés à la Grundig Akademie, une émanation du groupe Grundig qui fait de la formation continue, qui nous fera bénéficier de ses infrastructures. Ensuite, comme à Nuremberg aujourd’hui, nous louerons nos propres locaux.
Cette réflexion à aller vers les villes leaders nous l’avons également en Chine où nous sommes aujourd’hui implantés à Chengdu, l’une des villes les plus riches et dynamiques de Chine, surnommée « la ville du plaisir », et souhaitons maintenant aller également à Shanghai. Là-bas nous partagerons des espaces avec l’Ecole nationale supérieure d’art et de design de Nancy pour y créer des programmes communs. Nous sommes d’ailleurs présents à Shanghai depuis quelques années en formation continue ; nous ambitionnons d’y développer notre MSc in Luxury and Design Management. Pour le programme grande école, nous devons encore travailler.
O. R : Vos étudiants sont parmi ceux qui partent le plus travailler à l’étranger après leur diplôme.
F. L : La dimension internationale d’ICN BS est très forte, notamment grâce à notre réseau d’universités partenaires très dynamique qui nous permet d’offrir de nombreuses opportunités d’expérience à l’étranger à nos étudiants. C’est aussi un des bénéfices de notre situation géographique que de permettre facilement à nos diplômés de trouver des stages puis un emploi en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse. Au total 40% de nos diplômés, tous cursus confondus, partent travailler à l’étranger. Résultat : nous avons un excellent classement dans le Financial Times car ils trouvent très rapidement un emploi souvent très bien payé.