La région Auvergne compte bien des « pépites » dans l’enseignement supérieur et l’association Auvergne Nouveau Monde a tenu à la faire savoir lors d’un colloque qui réunissait des étudiants et enseignants venus de toute la France mais aussi du monde entier rejoindre les établissements d’enseignement supérieur du site auvergnat, parties prenantes de cet événement (les deux universités clermontois, l’IFMA, l’Ecole nationale de Chimie, VetAgroSup, l’Ecole supérieure de commerce). A cette occasion des étudiants et professeurs venus du monde entier (Bolivie, Grande-Bretagne, Thaïlande) étaient venus expliquer ce qui les avait attirés jusque là. Président de l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, Mathias Bernard explique pourquoi l’Auvergne attire tant les cerveaux.
- L’Auvergne vient d’être classée deuxième région de France pour son attractivité. Lire sur le site de La Montagne.
Olivier Rollot : La région Auvergne est l’une de celles dans laquelle les effectifs universitaires ont le plus progressé ces dix dernières années. Des étudiants viennent de toute la France et même du monde entier. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Mathias Bernard : Nous avons une véritable volonté de développer l’attractivité de la région, et notamment de Clermont-Ferrand, pour Service communication Université Blaise Pascal – Jérôme Pallé . A la base nous n’avons pas forcément le potentiel démographique suffisant dans l’académie pour atteindre la taille nécessaire. Avec l’ensemble des acteurs locaux, élus, entreprises comme Michelin, etc. nous avons la volonté commune de promouvoir la marque Auvergne pour y faire venir des salariés, des étudiants ou encore des chercheurs.
O. R : Quels atouts spécifiques mettez-vous en avant ?
M. B: D’un point de vue général, d’abord un cadre de vie extrêmement agréable, la proximité des espaces verts mais aussi la qualité des équipements culturels, la facilité des transports et un coût de la vie accessible. Ici à Clermont-Ferrand dans une ville à taille humaine mais qui a également la masse critique nécessaire pour recevoir de grandes entreprises ou posséder un CHU de qualité. Du point de vue universitaire, la qualité de notre recherche qui nous permet d’être l’une des quinze universités françaises à être présentes dans le Classement de Shangaï. Le tout alors que nous allons bientôt faire partie d’une région plus grande en nous associant à la région Rhône-Alpes.
O. R : La notoriété de la région Auvergne à l’international vient aussi beaucoup de Michelin !
M. B: Avec Michelin et Limagrain nous avons la chance de posséder deux entreprises de taille mondial qui attirent des cadres. Et ces derniers veulent un site ur de qualité pour être attractifs sur le site clermontois. Les intérêts des grands acteurs économique et de l’enseignement supérieur sont convergents.
O. R : C’est unique à ma connaissance, le site de votre université est entièrement traduit en chinois. Pourquoi ?
M. B : L’université Blaise-Pascal a une politique volontariste d’internationalisation des formations. 2500 de nos 16 000 étudiants, soit 15%, sont étrangers [la moyenne nationale dans les universités est de 12%] dont 1000 en masters et plus de 400 en doctorats. Des étudiants qui sont bien inscrits, pour la quasi-totalité, dans des formations diplômantes. Il ne s’agit pas de gonfler artificiellement nos statistiques et délivrant des diplômes d’université ou en multipliant les summer schools, même s’il s’agit de dispositifs importants qui permettent de renforcer nos partenariats à l’international.
Nous avons beaucoup travaillé sur l’accueil en soutenant le développement d’un centre de formation au français langue étrangère, le Fleura, qui compte pas moins de vingt professeurs de français permanents chargés de les mettre à niveau en français à leur arrivée. Ils obtiennent ainsi un niveau certifié en français qu’ils pourront valoriser ensuite. Même si nous délivrons beaucoup de cours en anglais, un étudiant étranger ne peut certainement pas véritablement profiter de son séjour ici s’il ne maîtrise pas suffisamment la langue française.
O. R : Pourquoi insister autant sur la venue d’étudiants étrangers ?
M. B : Les étudiants étrangers qui viennent chez nous seront ensuite des ambassadeurs de cette excellence dans leur pays. Un professeur d’université étranger qui a fait ses études à Clermont aura tendance à envoyer ses propres étudiants sur nos campus. C’est un travail de transmission à long terme qui nous permet de construire des doubles diplômes internationaux comme par exemple le master Invoge (International Geological Master In Volcanology And Geotechniques) que nous partageons avec quatre autres universités dont deux aux États-Unis. Nous pouvons ainsi développer des spécialités de niche qui reçoivent des étudiants du monde entier comme le master Choreomundus, en anthropologie de la danse, que nous dispensons avec des universités britannique et norvégienne.
O. R : Quelles sont ces « pépites » qui attirent tout particulièrement les étudiants étrangers ?
M. B : Les volcans sont très logiquement un des pôles d’excellence de l’université Blaise-Pascal mais nous avons également des masters en sciences de la matière très bien identifiés notamment avec des parcours plus professionnels comme « Physique et chimie pour l’environnement » où notre recherche est reconnue internationalement. En sciences humaines, nous accueillons beaucoup d’étrangers dans notre master philosophie et épistémologie. Nous avons même créé un master de littératures modernes et contemporaines qui s’effectue entièrement à distance et a été labellisé par l’Agence universitaire de la francophonie parce qu’il permet à des francophones de suivre un cursus entier en littérature sans avoir à se déplacer.
Du côté de l’université d’Auvergne, je pourrais citer un laboratoire de l’École d’économie consacré au développement international très bien reconnu au point d’avoir reçu un Labex dans le cadre des Initiatives d’excellence.
O.R : Dans le cadre de la fusion des deux universités clermontoises vous réfléchissez à créer un institut d’études politiques (IEP).
M. B : Après une fusion qui devrait aboutir début 2017, nous pourrions effectivement ouvrir Sciences Po Clermont-Ferrand dans les années qui suivront. Cela démontrerait tout l’intérêt d’une fusion entre les deux universités sur un projet pluridisciplinaire, au-delà de la simple juxtaposition des offres, en faisant travailler ensemble des équipes d’économie, d’histoire, de géographie, de droit, de science politique, de sociologie qui sont aujourd’hui séparées dans les deux universités. Les collectivités sont aussi demandeuses de la création de cet IEP pour éviter le départ de la région d’étudiants qui partent aujourd’hui dans d’autres IEP.
O. R : Cette fusion ne s’annonce pas trop difficile ?
M. B: Nous sommes deux universités aux effectifs semblables, toutes deux pluridisciplinaires, sans véritable doublon et la fusion est consensuelle. Cela dit, il ne faut pas pour autant minimiser le travail à effectuer pour rapprocher deux cultures et des services qui fonctionnent parfois selon des pratiques différentes.
O. R : Beaucoup d’universités de plaignent de ne plus avoir les moyens de recevoir tous les étudiants. Ce n’est pas votre cas ?
M. B: Certes nous avons certaines filières saturées comme les Staps ou la psychologie mais nous pouvons encore croitre jusqu’à 18 000 étudiants avec le même modèle économique. Aujourd’hui nous devons travailler pour attirer plus d’étudiants dans les filières qui ne sont pas saturées. Mais nous avons aussi toujours en tête que l’important c’est le flux d’étudiants diplômés, pas le chiffre global. C’est aussi pour cela que nous maintenons une certaine sélectivité vis-à-vis des étudiants étrangers de niveau licence pour les accueillir dans de bonnes conditions.