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Fonds de roulement : qui perd et combien ?

Ainsi les universités et grandes écoles sous tutelle du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche auront dû attendre le 24 avril pour enfin connaître leurs budgets et la ponction opérée sur leurs fonds de roulement. Sans surprise le Cneser a voté contre (49 contre, une pour et une abstention) le 27 avril. C’est l’épilogue d’une longue « course aux 100 millions » qui risque de laisser des traces.

96 millions et beaucoup de questions

Ce sont finalement 96 millions d’euros que les experts du ministère des Finances ont trouvé dans onze universités (61,6 M€), vingt-deux écoles d’ingénieurs (23,4 M€) et une dizaine de grands établissements (voir le tableau complet des ponctions dans les fonds de roulement sur EducPros). Tous recevront une dotation moindre pour leur budget 2015 et seront donc amenés à puiser dans leur fonds de roulement pour nourrir leur budget de fonctionnement. Au MENESR, on considère en effet qu’un fonds de roulement équivalent à un peu plus de 65 jours de fonctionnement suffit largement et que « les moyens consacrés au fonctionnement et à la masse salariale des établissements augmentent de 200 millions d’euros dont 100 financés par la réduction de dépenses immobilières liées à la fin du chantier de Jussieu, et 100 issus du prélèvement sur les fonds de roulement » (lire dans Les Échos). Et ainsi l’honneur est sauf : des économies sont faites tout en préservant le budget de l’enseignement supérieur et la priorité pour l’éducation voulue par François Hollande.

Les plus ponctionnées sont…

Les onze universités contributrices sont, dans l’ordre, Artois (24 millions à elle seule), Lille 3 (8,7 millions), Paris 2 Panthéon-Assas (7,6), Grenoble 2 (6,7), Lyon 3 (3 millions), Grenoble 3 (2,7), Corte (2,5), Polynésie française (près de 2,4) ; Nîmes (près d’1,5 million), Bretagne Sud (1,1) et Dijon (1 million). D’autres établissements membre de la CPU contribuent aussi largement comme l’Inalco (1,5 million) ou Sciences Po Paris (567 000 euros).

Du côté des écoles d’ingénieurs et à l’exception de CentraleSupélec, ce sont les écoles centrales qui contribuent le plus  : Nantes se voir prendre 2,7 millions, Lille 2,1 et Lyon 1,26. Sont aussi largement mis à contribution l’INP Toulouse (2,5 millions), l’UT Compiègne (2 millions), l’Ensea Cergy (1,5), l’Ensma Poitiers (1,2), les ENI de Brest et Metz (1,1 million chacune), l’Insa Toulouse (1,1), l’ENSC Montpellier (821 000€) ou encore l’Ensai Roubaix (566 000).

Investir oui mais avec quoi ?

Si on peut se demander à quoi l’université d’Artois songeait en accumulant un trésor de guerre de 24 millions d’euros (un quart de son budget), la plupart des autres établissements jugent obérée leur capacité d’investissement après la ponction effectuée sur leurs fonds. « Il s’agit d’une politique de gribouille, qui frappe les présidents et directeurs au prétexte qu’ils ont conduit des politiques trop précautionneuses », dénonce la CPU qui demande au gouvernement les moyens nécessaires à la couverture de ces décisions, soit 100 millions d’euros en 2015 et 200 en 2016.

Du côté du ministère, une « source proche du dossier » citée par Le Monde considère que cette ponction « n’est pas une prime à la mauvaise gestion ». Au contraire selon elle « l’excès de prudence n’est plus de la prudence » et « les universités doivent développer une culture de l’investissement ». Le ministère rappelle d’ailleurs qu’ « il a été tenu compte des projets d’investissement d’ores et déjà engagés qui ont été placés en dehors de l’assiette de l’opération de mobilisation ».

En désaccord total, Xavier Vandendriessche, président de l’université Lille 2 qui va contribuer à hauteur de plus de 8,7 millions d’euros et voir son fonds de roulement passer de 90 à 72 jours, avait mis 43 millions de côté : « Pourquoi se fait-il que mon établissement dispose de cette somme ? Parce que notre université a toujours été gérée avec mesure et rigueur. Aujourd’hui, le plafond de la fac de médecine fuit et l’IUT de Roubaix s’effondre. Si on me prend mes fonds de roulement, comment je fais les réparations ? » Dans Les Échos une source proche du la ministre lui rétorque que « Si ça peut améliorer l’immobilier universitaire, si on peut cesser d’avoir des reportages sur des toilettes d’universités qui fuient et des chauffages qui ne marchent plus ou des vitres non isolées, tant mieux ».

Les « sous dotées » ponctionnées ?

La pilule est d’autant plus difficile à passer pour l’université Lille 2, comme pour beaucoup d’autres, qu’elle se considère comme sous dotée par le gouvernement. « La solidarité, très bien, j’y suis très attaché, indique encore Xavier Vandendriessche. Mais j’y participe déjà à hauteur de 8 millions par an, somme qui devrait nous revenir, à en croire l’État lui-même, mais qu’il ne nous verse pas ! D’accord pour partager l’argent, mais il faut aussi partager les postes… Il m’en manque 484, quand d’autres en ont 700 ou 800 en trop. » Entendez les grandes universités historiques et souvent parisiennes bien dotées par le modèle d’allocation des moyens, le célèbre « Sympa », en voix d’être remplacé mais sur lequel les universités ne parviennent pas à s’attendre. Parce que c’est aussi là le fonds du problème : d’accord pour protester contre la ponction, les universités s’opposent sur quantité d’autres sujets… sans parler d’une guerre ouverte qui semble s’ouvrir avec les écoles d’ingénieurs sur la question du master. L’union fait la force, la désunion…

Olivier Rollot (@O_Rollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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