La nouvelle nous affecte tous profondément. Jean-François Fiorina est décédé ce mercredi 16 novembre 2022 à l’âge de 58 ans. C’est l’une des personnalités phares du monde des Grandes écoles qui disparait avec lui. Toujours sur la brèche, passionné, il se démenait jour et nuit pour les écoles qu’il dirigeait et dans lesquelles tous savaient pouvoir compter sur lui : personnels, professeurs, étudiants. Il était également largement investi avec toute la collectivité des Grandes écoles, que ce soit à la direction du concours Passerelle ou en lançant avec la Conférence des Grandes écoles le Prix CGE de l’Innovation en 2022. Passionné de géopolitique, il tweetait très régulièrement à ce sujet. Tout HEADway Advisory se joint à Olivier Rollot et à moi-même pour adresser ses sincères condoléances à sa famille, à ses proches et aux équipes de l’Ipag et de Grenoble EM.
- Sébastien Vivier-Lirimont, fondateur et directeur associé de HEADway Advisory
C’est un tremblement de terre dans l’univers des écoles de management françaises. Celui qui incarne Grenoble EM depuis plus de vingt ans la quitte fin septembre, quelques semaines après le départ de son directeur général. Jean-François Fiorina nous explique les raisons de son départ et de son choix de rejoindre la direction de l’Ipag.
Olivier Rollot : Vous avez décidé de quitter Grenoble EM, ce sera fin septembre, pour prendre la direction de l’IPAG un mois plus tard. Qu’est-ce qui vous a motivé dans ce transfert après 22 années passées au sein de l’école grenobloise ?
Jean-François Fiorina : Grenoble EM a lancé une nouvelle organisation que je n’ai pas trouvé pertinente. Au-delà de ces réserves, même si mes missions restaient identiques, le directeur général de l’époque a supprimé mon statut de directeur général adjoint. J’ai demandé à rencontrer l’actionnaire qui a confirmé cette décision Jouissant d’un certain crédit à l’extérieur j’ai alors reçu diverses sollicitations. J’ai alors pensé que c’était le moment de partir pour moi sachant que je ne voulais pas que ce soit à un poste similaire dans une école concurrente ni un poste de gestionnaire. Je n’avais d’intérêt que pour des projets de création, de développement ou de redynamisation d’école. Parmi les propositions que j’ai reçues j’ai choisi de prendre la direction de l’IPAG.
J’ai passé 22 ans à GEM et je la quitte sans acrimonie ni colère pour un beau challenge. Je tiens à préciser que ce départ ni pas directement lié à celui de Loïck Roche ou l’arrivée de la nouvelle directrice générale et que j’ai présenté ma démission à Philippe Streif, Président de GEM le 27 juillet. Nous avons convenu de garder cette information confidentielle jusqu’à la rentrée.
O. R : Qu’est-ce que ces années passées à Grenoble EM vont particulièrement vous permettre de réaliser à l’IPAG ?
J-F. F : Je suis particulièrement fier de toute la politique de double diplôme que j’y ai réalisée. Grenoble EM en a été précurseur et c’est une solution d’avenir dans le postbac. Il y a bien évidemment la géopolitique.
Il y a aussi toute la dimension accréditations internationales sans oublier l’international.
Mais attention : l’IPAG ne sera pas une copie de GEM. Je vais, avec l’ensemble des équipes, des étudiants, alumni et partenaires, y ouvrir une nouvelle page en nous appuyant sur le lien entre la terminale et l’enseignement supérieur. Nous capitaliserons notamment sur la dimension géopolitique qu’a déjà pris l’école. J’ai d’ailleurs découvert avec beaucoup de satisfaction qu’il y avait un track géopolitique en 1ère année du programme Grande école). La géopolitique est devenue une compétence indispensable pour tout leader d’entreprise qui rejoint d’ailleurs le thème de « l’école du futur » auquel je suis très attaché.
O. R : Vous connaissiez bien l’IPAG avant qu’on vous propose ce poste ?
J-F. F : Je vais vous révéler une anecdote. Encore consultant il y a une trentaine d’années je faisais des interventions qui m’amenaient à Paris à la Société de l’industrie nationale, située à l’époque tout près de l’IPAG place Saint-Germain-des-Prés. Je passais donc souvent devant les bâtiments de l’IPAG que je trouvais formidablement bien placé au centre de Paris. Depuis j’ai visité tous les campus de France sauf un. Celui de l’IPAG justement. En résumé j’avais l’image d’une école atypique, au très bon niveau en recherche et très bien située boulevard Saint-Germain.
O. R : Quel directeur serez-vous ? Votre prédécesseur, Guillaume Bigot, était autant devenu, voire plus, un commentateur politique qu’un directeur d’école.
J-F. F : Chaque directeur a son style. Je serai un directeur à temps plein qui valorisera l’école et ses différents acteurs au travers notamment des réseaux sociaux.
O. R : Vous avez déjà réfléchi à quelles seraient vos priorités à la tête de l’Ipag ?
J-F. F : Il est trop tôt pour livrer un projet. Aujourd’hui je commence à découvrir énormément d’informations sur l’école. Il y a énormément d’activités qui se passent dans cette école, une vie étudiante très intense. Il faut aussi s’appuyer sur le nouveau campus de Beaugrenelle et un campus niçois en pleine ascension. Et bien sûr valoriser une recherche très dynamique qui s’appuie sur des chaires et des projets européens dont les sujets sont au cœur des problématiques actuelles, comme l’entreprise inclusive, le made in France, l’économie circulaire, la transition écologique, l’entrepreneuriat pour les femmes victimes de violences conjugales, la résilience des villes durables, etc.
O. R : Vous passez d’une école essentiellement post prépas à une école postbac. Qu’est-ce que cela change ?
J-F. F : Le marché des étudiants postbac est en plein essor. Nous devons très vite faire savoir ce que nous faisons pour Parcoursup qui ouvre fin décembre. Comme toutes les écoles nous devons nous adapter à un flux moins nombreux d’élèves de terminale au bon niveau en mathématiques. Il faut peut-être travailler sur des parcours différents avec des formations différentes selon ces élèves. Au-delà d’une simple remise à niveau.
O. R : L’Ipag a une épée de Damoclès au-dessus de sa tête : la CEFDG (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) n’a accordé le grade master au programme Grande école de l’IPAG que pour un an. C’est inédit. Cela ne vous inquiète pas trop ?
J-F. F : C’est un défi supplémentaire. Il va vite falloir présenter un nouveau dossier auprès de la CEFDG et montrer que nous suivons ses préconisations.
O. R : Le financement des contrats d’apprentissage est aujourd’hui un sujet délicat. L’apprentissage est-il un enjeu important pour l’IPAG ?
J-F. F : L’IAG a un nombre important d’apprentis – un chiffre que je ne soupçonnais pas – et se pose donc toujours la question du coût contrat et du différentiel de prise en charge par les entreprises. Vont-elles continuer à le faire alors que les coûts sont transparents et qu’elles peuvent négocier avec les écoles en fonction des effectifs qu’elles reçoivent. Les écoles doivent monter des formations dans les secteurs en tension si elles veulent avoir un meilleur rapport de force. On peut aussi imaginer que dans l’avenir les CFA (centres de formation d’apprentis), que les établissements ont très largement créé ces dernières années, se rapprochent avec des CFA communs à certains secteurs.
O. R : Pour avoir dirigé longtemps le concours Passerelle vous êtes un expert des admissions sur titre. Comment vont-elles évoluer alors que le DUT, en deux ans, a été remplacé par le bachelor universitaire de technologie (BUT) en trois ans ?
J-F. F : Les admissions sur titre vont se structurer à bac+3. Cela permettra aux écoles d’avoir une vraie communication à bac+3 avec, comme je le préconise depuis longtemps, peut-être la création d’un Sigem des admissions sur titre comme le futur Parcoursup des masters.