EMPLOI / SOCIETE

Le réseau Pépite proche de la saturation : « Soit on sélectionne plus, soit on nous donne plus de moyens »

Dans le cadre d’un plan d’investissement d’avenir (PIA), la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) s’est vue confier la mission de fédérer les pratiques des 30 Pépite (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat) au niveau national. Coordinateur national du réseau, Jean-Pierre Boissin revient sur tout ce que peut apporter le statut d’étudiant entrepreneur.

Olivier Rollot : Quelles sont les missions du réseau Pépite France ?

Jean-Pierre Boissin : Nous travaillons dans quatre grands axes : la sensibilisation des entreprises (Pépite Education), la certification des compétences des entrepreneurs (Pépite Skills), l’accompagnement des projets (Pépite Starter), le transfert du dispositif à l’international (avec l’Agence universitaire de la francophonie au Liban, au Maroc et en Tunisie mais aussi en Belgique et demain en Europe si l’Union européenne le souhaite) et enfin un observatoire qui va nous permettre de voir ce que deviennent les créateurs d’entreprise. Réussissent-ils dans leur projet ou reviennent-ils vers de grandes entreprises ? Et ces dernières, qui se disent très intéressées par leur profil, le sont-elles vraiment ?

O.R : Combien d’étudiants bénéficient aujourd’hui du statut d’étudiant entrepreneur ?

J-P. B. : Cette année ils sont 3500. Certains Pépite en reçoivent plus de 300, y compris en Corse. L’année dernière 800 entreprises ont été immatriculées par nos étudiants entrepreneurs (dont 200 en auto-entrepreunariat). Nous sommes le seul pays du monde à posséder ce dispositif qui coûte en plus très peu d’argent. Maintenant il se développer aussi bien dans les universités que les Grandes Écoles alors qu’au début c’était compliqué dans les écoles d’ingénieurs. La Commission des titres d’ingénieurs (CTI) demandait en effet aux étudiants de réaliser six mois de stage pour être diplômés. Aujourd’hui ils peuvent créer leur entreprise à la place.

Bientôt le gouvernement va réfléchir à continuer ou pas à développer le dispositif comme aujourd’hui ou à le rendre plus sélectif. Nous sommes en effet proches de la saturation : soit on sélectionne plus, soit on nous donne plus de moyens. Aujourd’hui nous validons les projets sans dire s’ils sont bons ou pas. Cela permet aussi de changer de direction en cours de projet et d’insuffler de la culture entrepreneuriale partout.

O.R : Tous les Pépite travaillent de la même façon ?

J-P. B. : L’offre n’est pas la même à Paris-Saclay et à Aix-Marseille. Nous sommes justement vigilants à ce qu’il y ait une offre homogène partout sur le territoire. Tous les établissements d’enseignement supérieur, et particulièrement les universités, n’ont pas saisi l’enjeu des allocations de moyens. Nous risquons de voir une partie de l’enseignement supérieur, essentiellement les universités, ne pas prendre le train de l’entrepreneuriat. Les Pépite n’en sont pas moins des éléments majeurs des Comue dont ils fédèrent les différents pôles.

O.R : Qu’est-ce qu’apporte exactement le statut d’étudiant entrepreneur aux étudiants ?

J-P. B. : C’est un atout majeur d’obtenir des éléments dérogatoires à son cursus, et notamment de pouvoir remplacer son stage par la création d’une entreprise. Ils bénéficient des conseils de deux tuteurs (un enseignant et un praticien) qui lui permettent de ne pas suivre de cours superflus dans leurs cursus (par exemple de « découverte de l’entreprise »), un peu comme des sportifs de haut niveau. C’est également un signal fort vis à vis des parties prenantes, des familles inquiètes de ne pas voir leur enfant obtenir un CDI, des enseignants qui connaissent mieux le statut et, enfin, des banques quand il faut obtenir des prêts d’honneur.

Être inscrit dans un diplôme d’étudiant entrepreneur permet également de bénéficier de la protection sociale pendant l’année qui suit son diplôme. Nous sommes là pour accompagner des projets dont certains, issus de laboratoires de recherche, peuvent être présentés dans des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT).

O.R : Comment analysez-vous cet intérêt actuel des jeunes pour la création d’entreprise ?

J-P. B. : Ils veulent travailler différemment avec une rotation élevée des tâches, pas obtenir un contrat de travail pour les quarante années à venir ! Mais ils ne seront pas non plus entrepreneurs pendant 40 ans. Il y a aussi un côté challenge. Sans parler du peu de visibilité qu’ils ont sur leur avenir dans une société où on parle plus de regard à 24 mois qu’à 30 ans. Mais il ne faut pas non plus négliger « l’ubérisation » de l’économie : on entreprend aussi parfois par contrainte. Une « Pépite Factory » va voir le jour pour fédérer le capital que représente le réseau de nos anciens.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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