Le 6 novembre, face à des résultats inquiétants sur les contaminations par le VIH et les IST, HF Prévention, association nationale dédiée à la santé publique, a organisé une conférence de presse pour alerter sur la situation. L’enjeu dépasse toutefois la seule question des infections : c’est l’ensemble de la santé des jeunes qui se dégrade.
Le Dr Samuel Étien, médecin à l’Espace Santé Jeunes de l’Hôtel-Dieu, l’a rappelé : « La santé globale des adolescents s’est détériorée au cours des dernières années : sommeil, alimentation, santé mentale… C’est vrai aussi pour la santé sexuelle. »
Un constat partagé par Catherine Michaud, déléguée à la lutte contre les discriminations à la Région Île-de-France, qui souligne la gravité de la situation : « 50 % des jeunes présentent des symptômes dépressifs, 39 % ont eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, et 15 % renoncent aux soins pour des raisons financières. » Un renoncement qui traduit aussi des inégalités profondes : 44 % des jeunes LGBTQIA+ déclarent avoir évité de consulter un professionnel de santé par peur de discrimination ou de rejet.
En matière de santé sexuelle, bien que des grandes améliorations aient été conduites ces-dernières années, plusieurs signaux alarment aussi : 17% des personnes découvrant leur séropositivité ont moins de 25 ans en 2024, alors que la méconnaissance et la désinformation sont bien installées sur cette classe d’âge. Une étude récente du Sidaction, citée par Jean-Luc Romero-Michel, président d’honneur de HF Prévention, montre l’ampleur du problème : « 40 % des jeunes pensent qu’il existe un vaccin contre le VIH, 39 % qu’on en guérit, et près d’un sur deux croit qu’on peut l’attraper en embrassant une personne ».

Comprendre les nouvelles normes et pratiques de jeunes
La sexualité est « un premier mode de participation au monde social », rappelle le Dr Samuel Étien. Mais cette entrée dans la vie affective et sexuelle s’effectue avec des normes reconfigurées. Plusieurs pratiques associent sexualité et usage de drogues, souvent dans des contextes festifs.Le Laboratoire AAZ note une « hausse massive de la consommation de drogues, particulièrement chez les jeunes. » L’enquête En Classe constate aussi une diminution de l’usage du préservatif, malgré une persistance des IST.
Les inégalités sociales accentuent ces risques : les jeunes issus de milieux modestes, de zones rurales ou de parcours migratoires ont moins accès aux soins, aux campagnes de prévention et à l’éducation à la sexualité.
Agir sur le terrain : prévention, dépistage et accompagnement
Face à ce constat, les acteurs se mobilisent. Les associations, les collectivités, les CROUS et les universités développent des synergies et des dispositifs concrets pour rapprocher la prévention des lieux de vie des jeunes.
Dans les milieux festifs, le centre LGBTQIA+ d’Île-de-France « agit comme une patrouille de “safers” dans toute la région », explique Thibault Derbre, son président. Ses équipes investissent aussi les campus, avec des « discussions ouvertes sur la santé sexuelle et des interventions en universités pour déconstruire les tabous. »
Sur le terrain universitaire, beaucoup d’étudiants arrivent à l’université sans jamais avoir eu de réelle éducation à la sexualité. Anne Curan, directrice du Service de Santé Étudiante de CY Cergy Paris Université observe : « Les connaissances sont très hétérogènes. Certains n’ont eu aucune prévention au lycée. »
Dans ce contexte, l’université apparaît comme « un lieu idéal de promotion de la santé puisque c’est un milieu éduqué, favorable, avec une forte capacité d’action. Mais ce n’est pas si simple : il faut aller vers les jeunes, adapter les actions à leurs rythmes, à leurs vies », souligne-t-elle. Pour ce faire, l’appui sur un réseau de partenaires est primordial.
Le CROUS de Versailles s’est aussi, récemment, emparé du sujet. Thomas Facheux, responsable du pôle Vie de Campus explique que, depuis 2020, le CROUS a intégré la santé sexuelle à son offre, en déployant des actions dans les résidences étudiantes, y compris pour ceux qui ne fréquentent pas l’université.
Mieux former, mieux coordonner : la voie tracée par HF Prévention
« 1,39 % des jeunes dépistés présentent une infection au VIH, un chiffre catastrophique » selon HF Prévention, qui conclue le séminaire sur un appel à « une mobilisation générale ». Il faut « aller chercher les jeunes là où ils sont », dans les universités, les résidences, les soirées. La santé sexuelle des jeunes ne doit plus être un sujet périphérique. C’est un enjeu éducatif, sanitaire et social. Et dans ce combat, l’enseignement supérieur a un rôle décisif à jouer : celui d’une communauté apprenante qui protège, informe et émancipeBlanche Piot