Il y a quinze jours l’article sur les MOOC (prononcez « mouk ») publié sur le blog Il y a une vie après le bac a recueilli une grande audience auprès d’un public passionné par l’explosion des massively open online courses. Cette semaine ouvre le premier MOOC « certificatif » français à Centrale Lille. L’occasion d’essayer de faire le point sur un phénomène dont la France commence juste à comprendre l’ampleur.
Le blog MOOC explorer trace une distinction bien utile entre les cMOOC (connectivistes et proposant une vraie pédagogie différenciée) et les xMOOC, ceux dont on parle aujourd’hui tous les jours: « Le cMOOC est connectiviste : l’organisateur (peut-on vraiment parler d’enseignant ?) du “cours” (peut-on vraiment parler de cours ?) déroule une structure cohésive du matériel pédagogique mais ne montre pas une voie toute tracée aux participants, s’attendant à ce qu’ils la suivent linéairement » alors que les xMOOC « reposent sur un modèle de pédagogie instructiviste, qui est celui que nous connaissons depuis des siècles : l’enseignement direct par un expert (le professeur) en relation avec un curriculum et ayant pour objectif l’apprentissage de connaissances spécifiques par le biais de cours ».
« Certificatif »
« Un MOOC doit aller plus loin que la simple participation en suivant la performance des étudiants », telle est la conviction de Rémi Bachelet, professeur à Centrale Lille qui ouvre cette semaine ce qui est bien le premier MOOC « certificatif » français. Consacré à la Gestion de projet ce MOOC accueille de l’ordre de 2500 étudiants qui vont suivre quatre semaines de cours débouchant sur trois certificats remis par l’École centrale de Lille qui valideront la qualité de travail de chaque étudiant.
À part pour quelques étudiants de Centrale Pékin, tout se déroule à distance. « Nous ne vérifions pas l’identité des personnes inscrites », explique Rémi Bachelet, qui a monté son MOOC sur une plate-forme alternative et gratuite au célèbre Coursera : Canvas mais ne veut pas entendre parler d’une définition unique du MOOC : « Un MOOC c’est comme un cours et il y a des dizaines de façons de faire cours ». Pour autant il retient quelques adjectifs et noms qui doivent bien caractériser un MOOC : « massif », « ouvert » (c’est-à-dire que les inscriptions sont forcément gratuites si la certification ne l’est elle pas forcément), « en ligne » et, forcément, « cours » au sens que le MOOC est un système pédagogique qui réunit des étudiants et des enseignants.
« Connectiviste »
A Centrale Nantes, Morgan Magnin avait déjà montré la voie avec son MOOC « connectiviste » ITyPa, un cours gratuit en ligne qui a attiré 1300 fidèles pendant plus de dix semaines : « Nous avons présenté des cours en direct pour que ceux qui apprennent apprennent à apprendre sur Internet ». Un projet qui n’aura guère coûté que beaucoup de temps – 150 heures de travail ! – et permis de tester des méthodes et de l’interactivité sur les 1300 étudiants inscrits.
« Connectiviste », son MOOC l’est parce que beaucoup d’étudiants mettent en ligne des ressources et que la communauté s’auto régule. « Alors que les élèves ingénieurs ont l’habitude de se voir définir des objectifs précis il est important de les sensibiliser à un autre mode d’apprentissage où ce sont les apprenants qui définissent les objectifs et s’organisent en réseau », explique encore Morgan Magnin.
Quelle pédagogie ?
Décidément en pointe le réseau des écoles Centrale ne veut pas se contenter de simples mises en ligne de cours comme c’est très souvent le cas sur les grandes plates-formes américaines de MOOC, Coursera, Udacity ou edX. « Les MOOC n’ont pas d’intérêt s’il n’y a pas également une réflexion sur les pédagogies qui doivent les accompagner et qui doivent aller bien plus loin que de simples cours diffusés en ligne », défendait ainsi Hervé Biausser, le directeur général de Centrale Paris, pendant les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Un point central sur lequel Jean-Luc Vayssière, président de l’université Versailles-Saint-Quentin, est revenu sur son blog sous le titre « MOOC : attention mirage ? ». Avec une interrogation centrale : « Il y a une certaine ironie à mettre l’accent d’un côté sur le suivi personnel des étudiants (…) et d’un autre côté, à recommander comme une panacée une forme de transmission purement verticale, de la parole du maître vers l’écoute de l’élève ».
« La vraie question est « qu’est-ce que la nouvelle pédagogie dans l’économie numérique ? » Quand l’enseignant passe peu à peu à un rôle de médiateur de l’acquisition des savoirs plus que de dispensateur du savoir en chaire… », explique de son côté Alain Bravo, directeur général de Supélec. « A-t-on seulement réfléchi à la manière dont la capacité nouvelle de diffusion par internet doit également s’accompagner d’une nouvelle stratégie pédagogique ? », demande encore Jean-Luc Vayssière, qui souligne : « Mettre en ligne des cours ne constitue pas en soi une innovation pédagogique ».
Olivier Rollot (@O_Rollot)
- En cette période où les MOOC font constamment l’actualité beaucoup de blogs y consacrent des articles. Cette semaine c’est celui de Jean-Marie Gillot, enseignant à Télécom Bretagne auquel on doit le MOOC ITyPA, qui revient dans son blog « Techniques innovantes pour l’enseignement supérieur » sur un MOOC ouvert le 11 mars intitulé ReSOP et consacré aux réseaux sociaux comme outils pédagogiques.