Vice dean de Skema BS, Patrice Houdayer savoure le succès d’une école qui vient encore de progresser dans les souhaits des étudiants issus de classes préparatoires. Et qui ne compte pas en rester là…
Olivier Rollot : Les résultats d’entrée dans les écoles de management 2018 marquent une belle progression pour Skema. Jusqu’où pouvez-vous aller?
Patrice Houdayer : C’est une excellente année qui nous a vu encore progresser d’un rang dans le « classement Sigem » qui classe les écoles en fonction des « matchs » qu’elles gagnent les unes contre les autres. En quelques années nous sommes ainsi passé du treizième au neuvième rang, avons dépassé Toulouse BS et n’avons jamais été aussi près de passer devant Neoma. Cette dynamique est d’ailleurs formalisée dans notre plan stratégique avec un objectif d’atteindre la huitième place en 2020.
O. R : Comment expliquez-vous ce succès auprès des étudiants de prépas ?
P. H : Notre modèle global est très bien perçu pas les élèves de CPGE. Depuis cette année ils peuvent même suivre un semestre sur chacun de nos six campus dès la fin de leur premier semestre, le temps en fait d’obtenir un visa d’études pour aller aux Etats-Unis ou au Brésil. C’est ce que nous avons appelé le « 6 x 6 ».
Le « 6 x 6 » correspond notamment très bien aux attentes des élèves qui veulent avoir la certitude de leur future mobilité. De plus nous avons été les précurseurs, avec ESCP Europe, de la mise en œuvre de ce qu’on appelle le « continuum » entre la classe préparatoire et l’école. Nous transformons notre première année avec l’arrivée de professeurs comme Emmanuel Combes, Frédéric Munier ou Rodolphe Desbordes. Un trio qui fait des prouesses en cours de géopolitique ou d’économie industrielle avec des cours synchrones, asynchrones, multisites. Nous avons également mis les EdTech au service des étudiants pour transformer cette première année. Autant de transformations qui sont bien perçues par nos étudiants et dont ils ont parlé aux élèves de prépas.
Enfin nous avons toujours beaucoup travaillé sur l’économie de la connaissance. Nous délivrons des enseignements en Big Data, Fintech, etc. Autant de sujets qui sont au cœur de ce que les entreprises attendent. De ce que les élèves de prépas savent devoir apprendre pour s’intégrer demain dans des entreprises et des industries qui n’existent pas aujourd’hui.
O. R : Plus largement comment définiriez-vous Skema aujourd’hui ?
P. H : Comme une business school globale qui reçoit 40% d’étudiants internationaux. Et locale qui délivre des diplômes français mais aussi, et de plus en plus, des diplômes des pays où elle est implantée. C’était déjà le cas aux Etats-Unis sur notre campus de Raleigh, c’est désormais également possible au Brésil. Lancé en juin 2018 sur notre campus de Belo Horizonte notre bachelor (BBA Skema) y a obtenu la « licence » (en France on parlerait de « visa »). Notre objectif c’est de pouvoir remettre les trois niveaux de diplômes locaux – licence, master, doctorat – dans chacun des pays où nous sommes implantés.
O. R : Quelles sont les modalités du BBA Skema qui le rendent global ?
P. H : Quel que soit leur premier campus les étudiants suivent des cours selon le même schéma pédagogique. C’est-à-dire deux premières années généralistes – de « liberal arts » – suivies d’une année de mobilité sur l’un de nos campus en France, aux Etats-Unis ou en Chine. Avec même la possibilité de diviser cette année en deux périodes de six mois. Et enfin une quatrième année de spécialisation qu’ils peuvent effectuer sur le campus qu’ils préfèrent. Ainsi les étudiants peuvent, dès le bac, avoir une ouverture sur le monde dans un, deux, voire trois campus.
O. R : C’est exactement pareil pour les étudiants brésiliens ?
P. H : Le cursus, qui recevra ses premiers étudiants – Brésiliens ! – en janvier prochain (le mois de rentrée dans l’hémisphère sud) est un petit peu différent : on y enseigne en portugais et en anglais pendant les deux premières années quand tout le cursus s’effectue en anglais dès la première année ailleurs. L’important c’est qu’ils soient bilingues pour aborder la troisième année en mobilité. C’est un programme quasiment unique en Amérique du Sud et on peut vraiment dire que nous apportons la dimension internationale au Brésil. Et que nous transformons Belo Horizonte avec des services créés à destination des étudiants internationaux qui viennent dans le cadre de nos cursus.
O. R : Cette internationalisation du cursus est aussi marquée dans le programme Grande école ?
P. H : C’est un système qui s’équilibre bien sans que nous ayons besoin de répartir les étudiants en fonction de leur niveau. De plus nous tenons à ce que, dans chaque pays, une grande partie de nos professeurs soient locaux. Ils ne viennent pas dans le même avion que leurs étudiants ! Le tout pour quasiment le même prix dans chaque pays soit 14 000 euros par an pour le programme Grande école et 10 000 euros en BBA. Un prix ridiculement bas aux Etats-Unis où on se rapproche facilement des 40 000 dollars par an.
O. R : Le reproche qu’on fait au système Skema c’est d’envoyer beaucoup d’étudiants en même temps au même endroit. Une certaine endogamie qui n’est pas vraiment propice à l’interculturalité ?
P. H : .Aujourd’hui nous sommes passés à un autre stade en mettant nos campus à la disposition de nos partenaires internationaux pour qu’ils y envoient aussi leurs étudiants. Un exemple : nous sommes partenaire d’une université québécoise dont peu d’étudiants venaient en France. Mais dont beaucoup sont ravis de pouvoir aller aux Etats-Unis. Nous avons ainsi pu rééquilibrer des échanges – que nous réalisons sans aucun flux financier – qui permettent à nos étudiants de se rendre chez nos partenaires.
Nos campus deviennent ainsi de véritables hubs régionaux interconnectés au sein desquels nos étudiants ont une réponse unique à toutes leurs demandes d’expatriation. Si vous veniez un jour écouter les élèves qui viennent passer les oraux vous entendriez qu’ils ne parlent que de ça : la garantie de mobilité que nous leur offrons. Qui à part nous peut envoyer 800 étudiants en mobilité aux Etats-Unis chaque année ? Et pour y vivre sur le campus américain de SKEMA qui se juxtapose à celui de North Carolina State University au milieu et dans les mêmes conditions qu’un étudiant américain.
O. R : Chaque campus a ses particularités ou tenez-vous à qu’ils délivrent absolument les mêmes enseignements ?
P. H : Aux Etats-Unis les cas posés par des professeurs américains reflètent souvent l’économie américaine. Au Brésil nous nous intéressons plus aux marchés à bas pouvoir d’achat (ou à très haut !). Et les étudiants qui peuvent entrer dans l’incubateur vivent vraiment ce qu’est l’entreprenariat local. Nous travaillons différemment dans chaque pays et c’est important pour nous de nous adapter.
O. R : Asie, Amérique, Europe, Skema est implantée sur trois continents. Quelle est la prochaine étape ?
P. H : La prochaine étape c’est le continent africain. Nous nous devons d’être en Afrique ! Mais nous essayerons d’y bâtir différemment des autres.