« Avec et pour les étudiants, nous devons réussir la transition écologique et énergétique plutôt que la subir » France Universités, la Conférence des Grandes écoles et de Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) lancent un appel commun aux candidats à l’élection présidentielle. Et justement 77% des étudiants en école de management considèrent que l’impact sociétal sera un critère déterminant dans le choix de leur emploi, selon premier baromètre des enjeux du premier emploi que vient de mener Le NewGen Talent Centre de l’Edhec. Une enquête qui en rejoint beaucoup d’autres et montre la montée en puissance d’une génération engagée.
Quelques semaines après la publication du rapport Jouzel sur l’enseignement de la transition écologique, les dimensions écologique et sociétale occupent une part de plus en plus importante dans les choix des jeunes diplômés mais aussi dans les besoins des entreprises, en mal de profils ayant ces dimensions RSE inscrites dans leur ADN. « Trois étudiants sur quatre choisiront leur premier emploi en fonction de son impact sociétal. C’est considérable… une déferlante sans doute encore sous-estimée par les recruteurs puisque ces jeunes n’intègreront réellement le marché de l’emploi que dans 2 ou 3 ans », commente Manuelle Malot, la directrice de l’EDHEC NewGen Talent centre.
Des étudiants de plus en plus attentifs à l’impact sociétal de leur emploi. Depuis la création début 2019 de Youth for Climate en France les enjeux sociaux et environnementaux sont au cœur des préoccupation de générations qui voient leur avenir obéré par les changements climatiques mais aussi sociétaux qui en découlent. Comme le fait remarquer l’Edhec dans son étude l’impact sociétal devient aujourd’hui « un critère clé dans le choix de leur employeur » pour 77% des étudiants en école de management.
Mais ce sont les élèves des écoles d’ingénieurs qui sont les plus motivés. L’École polytechnique vient ainsi de publier son Plan climat, un travail collectif entre les professeurs, les élèves et les personnels que résume ainsi son président, Eric Labaye : « Nous avons fixé 10 objectifs réalisables à 5 ans pour transformer en profondeur les comportements et contribuer à l’avènement d’une prospérité responsable et soutenable. Nous allons ainsi développer un campus démonstrateur de la transition en nous assurant que 50% de nos commandes sont effectuées sous des critères d’achats responsables. Notre responsabilité, c’est aussi de réduire de 20% nos émissions dans les cinq années à venir. Pour cela, nous allons passer à une mobilité douce sur notre campus ».
Des mission à impact. Si auparavant leur engagement dans les transitions se manifestait pour certains jeunes diplômés par le simple refus de rejoindre un secteur d’activité, ou une entreprise dont ils ne partageaient pas les valeurs, c’est « aussi le contenu de la mission elle-même qui est scruté et évalué à l’aune de sa dimension sociétale par des jeunes de plus en plus sensibilisés, informés et formés à ces questions », remarque Manuelle Malot.
De plus la loi Pacte et la création des « entreprises à mission » offre aujourd’hui aux jeunes diplômés une plus grande transparence de l’engagement des marques employeurs. Ainsi 56% des jeunes diplômés seraient très fortement incités à rejoindre une entreprise pour sa raison d’être et 43 % la mentionnent comme un élément très important d’engagement. « Loin d’être un épiphénomène, l’impact sociétal des emplois va bouleverser durablement la marque employeur qui devra être cohérente avec la raison d’être de l’entreprise et faire évoluer le contenu des postes pour qu’ils servent plus clairement l’intérêt général », explique encore Manuelle Malot.
Répondre aux besoins des entreprises. De plus en plus de premiers emplois classiques sont d’ores et déjà impactés par la responsabilité sociétale des entreprises. Dans la dernière enquête Insertion de la Conférence des Grandes écoles, 28% des jeunes diplômés d’école de management déclaraient ainsi avoir une dimension RSE dans leur mission. Cette dimension concerne avant tout les enjeux environnementaux à 78 % et éthiques à 56%. Grand mécène de la Chaire Impact Positif d’Audencia depuis 2014, KPMG France soutient ainsi des projets de recherche liés à la Responsabilité Sociétale des Entreprises, notamment en matière d’égalité femmes-hommes. « Ce partenariat a pour objectif de développer des projets pédagogiques et de recherches ayant un impact positif sur les entreprises et la société et faire de l’engagement social et environnemental un levier d’innovation et de performance. Au programme, la réalisation de nouvelles études sur l’égalité femmes – hommes et les stéréotypes de genre », précise André Sobczak, Délégué Général RSE d’Audencia, et co-titulaire de la Chaire Impact Positif. récemment, la Chaire a réalisé avec l’entreprise un guide des bonnes pratiques RSE de KPMG en France. Il présente des initiatives responsables dans les champs sociaux et environnementaux : promotion de la diversité, ouverture sociale, entrepreneuriat / intrapreneuriat inclusif, ou encore numérique responsable et label B-Corp. Prochainement, la Chaire diffusera également, avec le soutien de KPMG France, les résultats d’une nouvelle étude portant sur les choix d’orientation des étudiants et étudiantes et le poids des stéréotypes de genre, qui ont un impact sur la mixité des métiers.
Enseigner la transition écologique. La dimension environnementale est centrale comme vient de le prouver la publication du rapport Jouzel. En 2021 la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) publiait justement son deuxième Observatoire de la Transition Environnementale des Ecoles de Management qui met en avant les points faibles et les bonnes pratiques pour fournir des outils aux écoles. Aujourd’hui le délégué général de la Fnege, Jérôme Caby, entend aller plus loin pour répondre aux attentes des entreprises : « Nous avons proposé aux associations savantes, qui produisent le classement des revues de la Fnege, de lancer une série d’ouvrages qui prendrait en compte les nécessaires évolutions environnementales dans toutes les fonctions de l’entreprise. Il s’agit de publier des manuels qui prennent en compte la nécessité d’un management décarboné ».
Tous les cours fondamentaux de gestion seront concernés pour accompagner des cours de licence 3 ou de master dans les IAE, de première année des programmes grande école, etc. : « Les associations savantes ont déjà beaucoup travaillé sur ces questions en recherche mais cela ne se retrouve pas encore dans les cours fondamentaux. Ce sera une écriture collective au service de l’intérêt général que nous traduirons ensuite pour le monde anglophone. Cela va plus loin que les préconisations du rapport Jouzel qui n’évoquer que des cours optionnels. Les ruptures climatiques doivent être enseignées dans toutes les disciplines ».
- Lire aussi le rapport de l’association européenne des universités : Universities as key drivers of sustainable innovation ecosystems