Le 20 novembre, Le Figaro Etudiant Pro organise à Paris, au Carreau du Temple, en partenariat avec EdTech France et HEADway Advisory, la 1ère édition du Salon EdTech du Supérieur. Un salon BtoB dédié aux décideurs de l’enseignement supérieur, écoles privées et universités publiques. Un rendez-vous pour échanger avec des entrepreneurs de la EdTech, et découvrir les solutions qui accompagnent les établissements dans le déploiement de leur stratégie numérique, et l’hybridation des enseignements.Une journée qui réunit à la fois des startups, des experts de l’ESR et de la formation continue pour donner une vision globale des transformations en cours et à venir. Au programme : des tables rondes, des keynotes prospectives, des interviews, et des pitchs de start-ups..!
Alors qu’étudiants et enseignants se réjouissent de vivre une année presque comme les autres, la question se pose partout : « Comment le digital va-t-il continuer à irriguer tout la société ? Comment s’y former ? Comment former avec le digital ? » En attendant que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) lance une grande enquête, la réflexion se fait au cas par cas avec toujours le sentiment que plus les étudiants sont avancés dans leurs études, a fortiori si on parle de formation continue, plus ils sont susceptibles de recourir à un enseignement digital. Dans le même temps les écoles spécialisées dans le digital connaissent un développement foudroyant. « L’appétence pour la filière phygitale, la valorisation du diplôme sur le marché du travail et la préférence pour des modalités pédagogiques innovantes et participatives sont les trois premiers critères de choix pour les étudiants décidant d’intégrer une école spécialisée dans le digital », analyse Caroline Letellier, senior manager en stratégie numérique et organisation chez HEADway Advisory alors que d’autres préviennent : The educational ‘metaverse’ is coming.
La « Phygital Management Education ». Beaucoup d’énergie a été investie depuis deux ans pour rendre l’enseignement plus digital. Par nécessité, un mouvement qui était déjà très présent s’est considérablement renforcé. « La pandémie nous a obligé à trouver des solutions innovantes, à inventer des approches hybrides en arrêtant de différencier présentiel et distanciel. Aujourd’hui il ne s’agit plus de passer d’un mode à l’autre mais de les mêler », analyse Jean-François Fiorina, le directeur général adjoint de Grenoble EM quand le directeur général de ESCP, Frank Bournois, explique : « Je ne crois pas au digital pur. La règle que nous nous sommes fixés c’est le 20/40 : au moins 20% d’enseignement numérique et au moins 40% d’enseignement présentiel dans chaque cursus. Ce qui laisse aux professeurs une marge d’appréciation tout en sachant que la partie présentielle ne peut en aucun cas descendre sous les 40% ».
C’est tout l’enjeu du « Phygital Management Education » » que mettent en œuvre ESCP comme bien d’autres écoles de management, très en avance sur ces points de par leur forte imprégnation internationale qui passe également par des campus à l’international. Ecole parmi les plus internationales, Rennes SB a ainsi inauguré un dispositif de captation de cours eLive (HiFlex) qui équipe 50 salles avec une centaine de e-modérateurs présents dans ces salles pour aider chaque professeur. « Nous devons nous dire que cette pandémie nous fait basculer aussi dans un monde d’opportunités. Le mode bimodal devient la norme. Des systèmes immersifs de plus en plus intéressants se développent. Il faut cultiver son avatar ! », constate le directeur général de Rennes SB, Thomas Froehlicher.
Le développement des écoles du digital. Les écoles formant spécifiquement aux métiers du digital sont majoritairement privées (à 75%) dans un segment qui représente aux alentours de 50 000 étudiants aujourd’hui et est en plein développement. « Les écoles qui forment aux métiers du digital permettent de se former à des métiers en tension qui continuent de recruter malgré la crise tout en accédant aux formations « gratuitement » grâce à l’alternance. Elles ont également une meilleure capacité à assurer l’enseignement à distance et permettent de s’orienter vers des métiers qui permettent le travail à distance », commente Caroline Letellier.
Si les écoles formant aux métiers du digital sont apparues à la fin des années 70 c’est entre 2010 et 2012 que leur nombre a explosé avec la naissance de 8 nouvelles écoles. Une tendance qui s’est confirmée dans les années suivantes avec l’émergence d’encore 5 nouvelles écoles toutes entières consacrées aux métiers du digital entre 2013 et 2015. A partir de 2015, le rythme de création d’écoles ralentit et le sous-segment commence à se consolider avec le rachat des écoles Studialis (Web School Factory, IESA Multimédia) par Galileo en 2015, et ensuite en 2020 avec 2 fusions notables (Epitech Digital/Sup’Internet, et IESA Multimédia/DC). En 2018 c’est tout le réseau SupInfo qui passe dans le giron du groupe Ionis. « Nous voyons se développer deux types d’écoles : les nouvelles, qui se créent, et peinent à remplir leur cursus notamment en 1ère année, et les écoles de commerce ou d’ingénieurs qui bénéficient déjà d’une marque et d’un réseau alumni et diversifient leurs formations pour proposer des orientations dans le numérique », remarque Alexia Moity, la directrice de ECV Digital.
Un fort intérêt dès le lycée. Cette appétence des étudiants pour les études digitales s’est également traduite au lycée avec création de la spécialité Numérique et Sciences informatiques » (NSI). La part d’élèves ayant choisi cette spécialité est passée de 8% en 2019 à 9% en 2020. Alors qu’elle est loin d’être enseignée partout, c’est même la seule spécialité scientifique qui a vu sa part de marché progresser en classe de première.
Mais en terminale elle fait également partie des plus abandonnées : entre 2019 et 2020 c’est plus de la moitié des élèves qui fait ce choix (53,8%) contre un peu plus de 40% des élèves qui avaient opté pour la spécialité mathématiques. Un fort intérêt des élèves pour le digital donc mais une « réassurance » en terminale en conservant généralement les spécialités mathématiques et physique pour les plus motivés par les sciences « classiques ». La création cette année d’une nouvelle filière de classe préparatoire MP21 (Mathématiques, physique, ingénierie et informatique) peut-elle faire évoluer ces choix ?
Des métiers encore mal connus mais en tension. Malgré cet intérêt croissant, les jeunes connaissent mal la filière : tant les métiers et les débouchés possibles que les formations pour y parvenir. Selon une étude Ifop pour Digital Campus et Hetic menée en juin 2021, plus de la moitié (59%) des jeunes en terminale et des étudiants considère ainsi qu’ils sont mal informés sur les métiers et les formations du numérique. Un chiffre qui atteint les 74% lorsque l’on interroge les moins de 18 ans.
Alors qu’on recense 5 grandes familles de métier auxquels forment les écoles du digital – marketing, gestion de projets, développeur, data et design – leur connaissance est d’autant plus difficile à acquérir qu’ils évoluent rapidement. Une tendance qui va s’accélérer avec à la fois un mouvement de spécialisation et l’émergence de nouveaux métiers. « Les profils deviennent si complexes qu’il devient indispensable de compartimenter les compétences. On parle d’hyperspécialisation des métiers du web. Cette hyperspécialisation se traduit par deux éléments : une spécialisation des métiers et l’émergence de métiers plus transverses devant coordonner les différents spécialistes », spécifie Caroline Letellier.
Résultat : les besoins de recrutements très importants. « Le besoin en emploi est immense est ne sera jamais couvert pas la capacité de formation des écoles », estime même le directeur de l’Esiea, Loic Roussel. Les besoins des entreprises sont tels que la part d’alternants dans les écoles formant spécifiquement aux métiers du digital est plus importante que dans les autres types d’écoles : 55% des effectifs contre 25% par exemple dans les écoles de management. C’est dire si on craint que la méconnaissance de la filière par les étudiants puisse venir limiter la croissance du marché de la formation initiale aux métiers du numérique.
Nouveaux acteurs digitaux et « métavers ». Mais comment les établissements d’enseignement supérieur vont-ils pouvoir résister aux nouveaux acteurs purement digitaux, OpenClassrooms, Udacity, Coursera ou edX, voire demain aux Gafam ? Une question qui n’inquiète pas tant que cela Alice Guilhon, présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) et directrice générale de Skema BS : « Je suis très sereine pour notre modèle face à des certificats vendus 3000€. Dans nos écoles, quand nos étudiants apprennent à coder, c’est après s’être cassé les dents en mathématiques, en IA. C’est comme cela qu’on peut former de futurs CEO. Si Apple veut demain lancer un master dans le numérique en cinq ans cela se complique. Mais quel serait leur intérêt ? Regardez les entreprises qui délivrent des programmes en ligne. Leur offre de cours est excellente mais quand ils veulent délivrer de véritables diplômes, ils doivent faire appel à des Grandes Ecoles ou à des universités ».
Et que sera l’univers de l’enseignement supérieur à l’heure des « métavers » que nous promettent Facebook – dont la maison mère s’appelle maintenant Meta – ou Microsoft ? Une réflexion qui commence à voir le jour comme l’explique Kwang Hyung Lee, le président de l’lnstitut avancé coréen des sciences et de la technologie (KAIST) dans le Times Higher Education : « Nous visons à aller au-delà de l’éducation en ligne en créant un métavers qui fournit une assistance pour la gestion des cours et crée une expérience d’apprentissage immersive qui couvre toute la gamme des activités du campus tout en utilisant les dernières technologies numériques ».