ECOLES DE MANAGEMENT

« Il faut encore enrichir la proposition de valeur de Rennes SB »

Thomas Froehlicher vient de prendre la direction d’une école qui, en quelques années, a su faire la preuve de la pertinence d’un modèle original fondé sur une large internationalisation et une imprégnation multiculturelle uniques. Sa vision de Rennes SB à l’aube de la construction d’un nouveau plan stratégique.

Olivier Rollot : Il y a maintenant deux mois que vous êtes arrivés à la tête de Rennes SB. C’est le temps qu’on se donne généralement pour réaliser ce qu’on appelle un « rapport d’étonnement ». Si vous deviez en faire un que diriez-vous ?

Thomas Froehlicher : D’abord que j’ai pu confirmer ce qui m’avait attiré à Rennes SB : la bonne santé et l’énergie d’une école qui vient de renouveler son accréditation AACSB après Equis et Amba. Une école qui est dans une situation financière très solide sans toucher aucune subvention, y compris de sa chambre de commerce et d’industrie. Les ratios chiffre d’affaires / revenu net sont les mêmes que ceux que j’ai connus à Kedge même si la taille est différente. J’ai pu également me voir rapidement confirmé l’ADN international d’une école dans laquelle il faut forcément parler en anglais si on veut être compris de tous. Nous venons d’ailleurs de réaliser une très belle rentrée de janvier dans nos MSc en recrutant nombre d’étudiants étrangers.

En résumé j’apprécie la jeunesse et l’énergie d’une école qui est non seulement la plus jeune à être triple accréditée mais aussi celle qui les obtenues le plus vite. Le challenge est maintenant de produire, pour la prochaine rentrée, un plan stratégique qui permette de discipliner toute cette énergie tout en poursuivant cette belle trajectoire qu’a conduite mon prédécesseur, Olivier Aptel. Maintenant que nous sommes dans le top 10 il faut encore enrichir notre proposition de valeur par un travail en profondeur dans lequel je vais mobiliser toutes les équipes.

 O. R : Le mode de gouvernance de Rennes SB – associatif – fait-il partie de ses atouts ?

T. F : Nous possédons une gouvernance très dynamique entre un conseil de surveillance, où on retrouve les grands acteurs institutionnels comme notre CCI et que préside son président, et un directoire dont le président est François Chatel et auquel siègent cinq autres dirigeants d’entreprise représentatifs de la région. Cette double structure nous permet de prendre des décisions rapides. Nous bénéficions à la fois d’une belle autonomie et d’une bonne gouvernance.

O. R : Regardez-vous du côté du statut d’EESC (établissement d’enseignement supérieur consulaire) pour mieux assurer votre développement ?

T. F : Être une association nous convient mais nous regardons également ce que pourrait nous apporter le statut d’EESC. Nous n’avons en tout cas aucun souci pour nous développer et nous venons d’inaugurer un nouveau bâtiment et une résidence pour les étudiants. Nous avons la chance d’être tous sur le même campus au centre de Rennes et de pouvoir encore nous y étendre.

O. R : Faire partie du top 10 des écoles de management françaises cela reste un sacré challenge pour toutes les écoles qui ne font pas partie du top 5. Comment allez-vous vous y maintenir, ou y entrer selon les classements ?

T. F : Il ne faut pas se masquer les yeux : nous devons d’abord répondre à un enjeu de masse critique. Nous devons parvenir à dépasser les 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui nous en sommes à 35 M€ et nous atteindrons les 40 M€ en 2018. Cela ne veut pas dire qu’il faut lancer une course folle à la taille, avec des implantations dans le monde entier qui multiplient d’autant les dépenses sans garantir pour autant la qualité d’un développement.

Être une marque internationale passe beaucoup par ses diplômés et il faut avoir des promotions relativement importantes pour avoir de l’influence. Un impact qu’on peut également mesurer par une recherche qui est délivrée par un corps professoral aujourd’hui composé à 94% d’étrangers.

O. R : La force de Rennes SB c’est d’abord d’être l’une des écoles de management françaises dont l’imprégnation internationale est la plus forte !

T. F : Nous avons passé 280 accords de partenariat dans les monde. Les étudiants étrangers que nous recevons dans nos MSc partagent beaucoup de cours avec nos étudiants du programme Grande École qui, pour beaucoup, sont venus nous rejoindre pour profiter d’une ambiance internationale qui se ressent dès qu’on traverse la cafétéria. Il nous reste à améliorer encore cette dimension interculturelle. Nous pourrions par exemple développer des cours anglo-allemands, anglo-chinois ou anglo-arabes dans lesquels nos professeurs enseigneraient dans leur propre langue.

O. R : Et ce ne doit pas non plus être facile de recruter tous ces professeurs ? Sans parler de les garder…

T. F : Ce n’est pas si difficile en passant des annonces sur les plateformes de recrutement. Le tout c’est de s’y prendre suffisamment à l’avance, au moins 1 an, pour avoir le temps d’accompagner les nouveaux recrutés et, éventuellement, leur famille. Heureusement Rennes fait aujourd’hui partie des métropoles qui attirent le plus : elle se classe même à la huitième place pour la recherche et l’enseignement supérieur.

O. R : Cela n’est pas un peu compliqué de gérer un corps professoral qui ne maîtrise pas toujours très bien le français ?

T. F : C’est effectivement parfois difficile de trouver des professeurs capables d’enseigner en français pour des formations plus tournées vers la grande région Ouest que vers l’international comme le sont notre programme Grande École ou nos MSc. Car nous sommes au fond une école internationale anglophone et ce n’est pas facile non plus de dénicher des professeurs susceptibles de favoriser le fundraising quand il faut aller prêcher la bonne parole en français dans les entreprises.

O. R : Avec tout ce développement international Rennes SB est-elle restée assez proche de son territoire ?

T. F : Nous avons un énorme travail à réaliser pour nous ancrer beaucoup plus dans notre communauté locale. Aujourd’hui les deux universités et les écoles d’ingénieurs sont en train de se rapprocher sans nous et c’est dommage. L’IGR-IAE de Rennes possède, par exemple, de très belles équipes en finance. Partout où j’ai travaillé j’ai toujours cherché à créer du lien avec l’écosystème de l’enseignement supérieur, de l’innovation et de l’entrepreneuriat et je le ferai ici aussi.

O. R : Plus largement que vous inspire la question de l’évolution nécessaire des formations en gestion et management ?

T. F : C’est notre grand chantier. Je crois d’abord que toutes les formes d’hybridation sont attendues par les entreprises qui se construisent sur un modèle que je qualifierais d’« ambidextrie ». Nous devons en effet former des professionnels tout à la fois capables d’être opérationnels et d’imaginer l’avenir, la disruption, de leur secteur. Nous formons plus que des professionnels, des pionniers qui doivent avoir une pensée extrêmement ouverte et se nourrir de la complexité de leur environnement.

O. R : Mais comment faites-vous pour former vos étudiants à ces dimensions ?

T. F : Nous devons proposer les pédagogies nécessaires pour former des jeunes qui vivent déjà dans une « humanité digitale ». La vision digitale est dépassée et nous sommes déjà à nous interroger sur les effets du transhumanisme ou de l’intelligence artificielle (IA). Nous sommes dans Asimov ! Il faut être bien conscients de ce qu’est une « data driven » économie dans laquelle la donnée est la première richesse, surabondante et pour laquelle nous devons réinventer tous les business models !

C’est aussi pour cela que les intitulés de cours évoluent. On ne parle plus simplement de « marketing », de « supply chain » ou de « stratégie d’entreprise » mais d’enseignements interdisciplinaires encapsulés dans des challenges. Avec Crédit Mutuel Arkéa nous avons par exemple demandé à nos étudiants de repenser entièrement le monde du retail bancaire en mode « design sprint ».

Pour répondre à ces défis nous devons également faire évoluer les espaces dans nos campus pour mieux mettre en œuvre une pédagogie qui répond à des situations réelles. Sur notre campus toute une vie associative, bien caractérisée par notre « rue des associations », permet également cette mise en situation permanente des étudiants.

O. R : Rennes SB est la seule école de management française à posséder un poste de « happy student officer ». Pourquoi ?

T. F : Nous nous organisons pour apporter de plus en plus de valeur ajoutée à nos étudiants. Après la très forte croissance qu’a vécue Rennes SB ces dix dernières années nous pouvons encore nous améliorer sur le service apporté, le suivi des carrières ou la qualité au quotidien. C’est un sujet qui est tout en haut de la pile de tous ceux que je dois traiter.

O. R : Vous avez déjà des idées de la stratégie que vous allez mettre en œuvre à la rentrée ?

T. F : Je sais déjà que nous sommes au niveau, l’accréditation Equis est là pour le confirmer, sur tous les aspects internationaux. Maintenant il nous reste à mettre en avant des contenus distinctifs. Il y a trente ans nous étions les premiers sur l’international. Il y a dix ans nous avions décidé d’être global, responsable et de former des jeunes créatifs. Tout cela nous le faisons aujourd’hui

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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