Lui-même diplômé de l’institut de la rue Saint-Guillaume, ancien directeur du programme grande école d’HEC, Hervé Crès, 45 ans, était depuis 2008 le directeur adjoint de Sciences-Po Paris avant, hier, d’être élu à sa tête. En attendant la confirmation de sa nomination par le gouvernement, qui ne devrait pas survenir avant la publication à la fin du mois du rapport de la Cour des Comptes sur l’IEP de Paris, le voilà dans les pas de son mentor, Richard Descoings, dont il assurait déjà l’intérim depuis son décès au printemps dernier.
Hervé Crès, je l’ai rencontré à plusieurs reprises ces dernières années. La première fois c’était à un colloque international organisé à Oxford par des étudiants de grands établissements français et britanniques (Cambridge, LSE, HEC, Sciences Po, l’École Polytechnique et, bien sûr, Oxford). Il y représentait à l’époque HEC et je l’avais trouvé à l’époque drôle, extrêmement sympathique, en un mot très différent de l’Hervé Crès austère que je retrouvais, quelques années plus tard, à Sciences Po. Entre les deux, il avait décidé de quitter une HEC où il était en butte à l’hostilité d’un certain nombre d’étudiants, de ceux qui pensent que la grande école est plus un espace de réseautage et d’amitié que d’études. Un discours que lui, le diplômé de Sciences po Paris, le docteur en mathématiques appliquées et en sciences économiques, en quelque sorte un « pure player » de l’université, ne pouvait sûrement pas entendre.
Dès lors, son passage dans une institution plus « académique » semblait une évidence. Ce que Richard Descoings a très bien senti en le faisant venir à ses côtés – leurs bureaux étaient contigus – pour lui confier la direction des études et de la scolarité puis, depuis 2011, celle de l’école doctorale. Je vous livre ci-dessous des extraits de l’entretien qu’il m’avait accordé dans le cadre du hors-série du Monde « Le guide des grandes écoles » que j’avais édité en 2011.
O.R: Quelles qualités attendez-vous des candidats à Sciences-Po ?
H.C : Nos quatre voies d’accès correspondent à quatre profils différents. En recevant sur dossier des titulaires d’une mention très bien au bac, nous recrutons d’excellents élèves venus de toute la France qui ont su jouer le jeu du lycée dans toutes les matières. Par l’examen d’entrée, nous recherchons des candidats capables de se concentrer pendant deux jours sur des épreuves difficiles : en maths par exemple, il faut travailler sur un seul problème pendant 3 heures, pas sur de petits exercices. Avec les conventions d’éducation prioritaires, nous allons à la rencontre de jeunes qui ont un grand potentiel, ont souvent d’ailleurs obtenu une mention très bien au bac, mais n’auraient pas imaginé par eux-mêmes possible d’entrer à Sciences Po. Enfin, la voie internationale nous permet d’intégrer 30% d’étrangers (40% avec les échanges) et de créer la diversité culturelle que nous estimons aujourd’hui indispensable.
O.R : Qu’est-ce que le « modèle » Sciences-Po ?
H.C : Nous demandons à nos étudiants de consacrer les trois premières années de leur cursus – ce que nous appelons le collège universitaire – à un investissement intellectuel libre de toute vocation professionnelle. Ils auront ensuite tout le temps de se professionnaliser en master. Cycle dans lequel ils sont rejoints par 40% de diplômés issus d’autres cursus, que ce soit des ingénieurs, des juristes, des physiciens, toutes sortes de profils que nous aimons voir se conjuguer.
O.R: Mais pourquoi choisir Sciences-Po et pas HEC ou l’Essec par exemple ?
H.C : La question est d’abord celle ou non de la classe prépa. A Sciences-Po, au-delà du modèle que je viens d’évoquer, les élèves trouvent un environnement international et diplômant quand les prépas sont franco-françaises et non diplômantes. Ensuite, tout dépend de sa vocation. Pour étudier la communication ou les affaires internationales, il est logique de venir chez nous. Dans les masters où nous sommes en concurrence avec les grandes écoles de commerce, comme le marketing ou la finance, nous ne proposons pas les mêmes méthodes. Nous insistons par exemple sur l’histoire pour comprendre le présent. En ces temps où les questions collectives redeviennent centrales, le modèle Sciences-Po a le vent en poupe !
Olivier Rollot (@O_rollot)
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