Ecole de communication leader, école de journalisme, le Celsa occupe une place à part dans le paysage universitaire français. Directeur du Celsa depuis janvier 2024, Pascal Froissart entreprend de profondes réformes dans son recrutement. Entretien.
Olivier Rollot : Le Celsa tout le monde connait de nom mais pas forcément son périmètre d’action en détail. Comment définiriez-vous sa mission ?
Pascal Froissart : Le Celsa, c’est à la fois une composante de Sorbonne Université et une Grande école, membre de la Conférence des grandes écoles, avec une exigence de qualité très forte pour les professeurs comme pour ses 800 étudiants. Une école forte de ses deux piliers, académique et professionnel, qui forme des esprits bien faits qui accèdent rapidement à un emploi. Le tout dans cinq parcours en communication (entreprises et institutions, marque, médias, ressources humaines et conseil, culture), dont le seul “magistère” de la discipline, un parcours en journalisme, et enfin un parcours en recherche. Nous sommes les seuls à proposer à la fois des formations en journalisme, communication, culture et marketing. Une diversité que nous tenons à conserver.
O. R : Comment intègre-t-on le Celsa ?
P. F : Dans nos parcours en communication, à deux niveaux : en licence 3 et en master 2. Ceux qui ont étudié deux ans à l’Université et les élèves issus de classes préparatoires sont notre bassin naturel et entrent en L3. Au même niveau, nous proposons des voies d’accès spécifiques aux titulaires d’un BTS ou d’un BUT pour diversifier notre public. Certains n’hésitent pas à repasser en L3. Ensuite nous n’avons pas d’entrée directe en première année de master. L’autre niveau pour intégrer le CELSA, c’est la deuxième année de master.
O. R : C’est un mode de recrutement très atypique !
P. F : Pour le moment, il nous a réussi. Mais nous allons passer en 2025 à un recrutement en master 1, comme c’est déjà le cas pour la filière « journalisme ». Les modalités sont encore à définir, mais on sera sur la plateforme Monmaster.
O. R : Quelles filières privilégiez-vous ?
P. F : Les élèves de khâgne représentent la moitié de nos effectifs. Le concours du CELSA fait partie de la Banque d’épreuve littéraires (BEL). Les autres candidats viennent des filières « information-communication » et des disciplines des lettres et sciences humaines au sens large. En tout, chaque année, nous recevons environ 2 500 candidatures pour 140 places en L3. La difficulté pour entrer témoigne de notre attractivité !
O. R : Comment se déroule le concours pour entrer dans les parcours en communication ?
P. F : Le concours s’effectue entièrement à distance, puis environ un quart des candidats passe un oral pendant lequel il faut vraiment démontrer son appétence pour la communication et ses métiers, ainsi que son esprit critique et sa curiosité pour les enjeux actuels de nos sociétés.
O. R : La filière journaliste recrute différemment des autres.
P. F : Oui, en journalisme, l’entrée se fait en M1, sur concours. Nous faisons partie des 14 écoles reconnues par la profession. Notre concours est commun avec 6 autres écoles de journalisme. Il est encore plus sélectif : seulement 30 places pour 800 candidats.
O. R : Quels sont les concurrents du CELSA ?
P. F : Nos concurrents sont les grandes écoles, en particulier les écoles de commerce, et les cursus universitaires d’excellence. Nous avons suivi l’arrivée massive d’établissements d’enseignement supérieur privés, mais notre inscription dans l’Université et l’adossement de nos formations à la recherche en SHS rend le CELSA unique. C’est ce que viennent chercher les candidats.
O. R : La recherche est un enjeu important pour le Celsa ?
P. F : Dans les années 1990, le CELSA a été précurseur en créant un laboratoire spécialisé en communication, le GRIPIC. Même avant, en 1975, le CELSA était à la pointe puisqu’il a participé à la création de la discipline elle-même, les sciences de l’information et de la communication (SIC). Ce n’est que depuis 1975 qu’on donne des diplômes de communication en France.
C’est dans cet esprit que nous offrons un master « recherche » : c’est une sorte de galop d’essai avant de se lancer dans un doctorat. Il est réservé à environ 10 étudiants chaque année qui ont déjà un M1. Et après il est possible d’obtenir un contrat doctoral de 3 ans rétribué 2 000 € par mois. Même dans la recherche, nous avons le souci de la professionnalisation !
O. R : Peut-on suivre le cursus en apprentissage ? Proposez-vous également de la formation continue ?
P. F : Un quart de nos étudiants en master, 150 en tout, sont des apprentis qui suivent une formation avec un rythme spécifique, qui dépend des parcours (par exemple, 1 jour à l’école, 4 jours en entreprise chaque semaine plus des semaines bloquées à l’école).
En formation continue nous dispensons un master en communication et un master en journalisme ainsi qu’un Executive MBA en 18 mois au prix de 23 000 €. Nous allons ouvrir notre 17e promotion dans quelques mois. Par ailleurs, nous proposons une offre de formation courte importante ainsi que des formations intra-entreprises et sur mesure.
O. R : Comment vos étudiants sont-ils acteurs de leur cursus ?
P. F : Des cours en petits groupes, beaucoup d’autonomie, beaucoup d’études de cas… Par ailleurs, nous observons l’enthousiasme de nos étudiants quand on les voit s’engouffrer dans les 16 associations de l’école, théâtre, environnement, littérature, sport, politique, genre, et j’en oublie ! Nous inaugurons cette année un Conseil de vie de l’école pour dialoguer avec eux sur les questions de vie étudiante…
O. R : Recrutez-vous des étudiants à l’international ?
P. F : Nous accueillons 30 étudiants chaque année, souvent de pays francophones dont 3 ou 4 du Liban. Nous offrons un programme 100 % en anglais à Sorbonne Université Abu Dhabi.
O. R : Quelle grandes évolutions vivent aujourd’hui les métiers auxquels vous formez vos étudiants ?
P. F : Le numérique est entré partout, c’est massif, et la numérisation touche les pratiques et les connaissances. Nous préparons nos étudiants à ça, mais nous gardons de la distance. Par exemple, comment enseigner les enjeux liés aux dispositifs d’intelligence artificielle alors qu’ils continuent d’apparaître et de se développer chaque jour ? Le fait d’avoir au CELSA des chercheurs et chercheuses sur le sujet nous permet d’y aller avec mesure… Le numérique n’est qu’un aspect. Nous savons que nous sommes attendus aussi sur les discriminations, de genre comme de race, d’âge ou de classe. Ce qu’il était possible de montrer il y a quelques années ne l’est plus aujourd’hui. Il faut changer les manières de voir. Nous sommes devant la même responsabilité avec la transition écologique. Il ne s’agit pas seulement de diminuer l’empreinte carbone des agences de communication. Il faut changer les représentations de la Nature, du vivant, des ressources. C’est fini, les espaces infinis. À nous, à nos futurs diplômés de renouveler les mythes !