Le campus du Havre de l’EM Normandie
C’est une année cruciale pour l’EM Normandie qui vient de revisiter ses principaux programmes. La directrice des Programmes de l’EM Normandie, Anne-Sophie Courtier, revient avec nous sur ces évolutions mais aussi sur la question de l’apprentissage.
Olivier Rollot : Cette année l’EM Normandie a décidé de très largement remodeler ses programmes, Programme Grande Ecole comme bachelors. Pourquoi cette concomitance ?
Anne-Sophie Courtier : Il se trouve que nous arrivions pratiquement en même temps pour les trois programmes – fin août 2025 – à leur examen par la CEFDG (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion). Il nous fallait donc lancer une refonte, un an en avance, pour être prêts. La CEFDG a examiné la refonte des deux programmes bachelors en octobre 2024 et procédera à celle du Programme Grande Ecole en avril. C’est un travail lourd, mais classique, qui avait déjà été initié à mon arrivée dans l’école en mars 2024. Pour cela, nous avons suivi les recommandations de la CEFDG en construisant nos programmes en orientation compétences. Ce travail a été effectué avec l’ensemble de la Faculté.
O. R : Comment vont se différencier vos deux bachelors ?
A-S. C : Nous avions la volonté de repositionner nos deux bachelors – BBA et Bachelor en Management – qui avaient tant de points de convergence qu’il était difficile pour les lycéens et leurs familles de faire la différence au-delà du fait que l’un est en 4 ans, l’autre en trois. A la rentrée 2025, ils seront clairement différents.

La dimension internationale sera portée par l’IBBA, visé bac +4 et grade de licence, ouvert dans le cadre du concours SESAME. 100% en anglais, il propose un parcours international en quatre ans sur nos quatre campus de Paris, Dublin, Dubaï et enfin Oxford. Un programme très spécifique donc sur lequel nous ouvrons 50 places pour les étudiants français et 25 pour les étudiants internationaux. Tous auront la possibilité de travailler, dans chaque pays, sur des projets de consulting pour le compte d’entreprises locales : le Développement Durable (DD) et à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) à Paris, la Tech et le digital à Dublin, la logistique et la Supply Chain à Dubaï, la finance enfin à Oxford. Et dans chaque pays ils s’imprègnent des spécificités avec des cours dédiés.
Le Bachelor en Management, visé bac+3 et grade de licence, va toucher un tout autre public : celui des lycéens qui souhaitent entrer dans une Grande école de commerce mais qui préfèrent suivre un programme 100% en français (avec possibilité néanmoins de le suivre 100% en anglais en 3ème année). Proposé en 2ème année un semestre immersif permet aux étudiants de se consacrer, pendant 6 mois, à un projet qui les passionne. Ils peuvent ainsi rejoindre une association humanitaire à l’international, s’engager dans un service civique, suivre une formation spécialisée pour acquérir une nouvelle expertise à l’école 42 par exemple, se lancer dans un projet entrepreneurial ou encore rallier nos campus de Dubaï ou Dublin ou une université partenaire. Ce programme est d’abord destiné à des étudiants qui veulent se lancer sur le marché du travail et qui sont d’autant plus recherchés par les entreprises que les titulaires d’un bachelor universitaire de technologie (BUT) poursuivent de plus en plus leur cursus au-delà. Nous allons le proposer également à Paris.
O. R : Comment va évoluer le programme Grande école ?
A-S. C : Cette année, notre PGE a quitté le concours de la BCE pour être à 100% accessible sur SESAME et sur Passerelle en admissions sur titre (AST). Les trois premières années sont communes à tous les étudiants pour découvrir les fondamentaux. De plus, ils vont travailler chaque semestre sur une thématique concrète : apprendre à apprendre, développer son esprit entrepreneurial, s’engager dans la RSE, s’expatrier, expérimenter, manager… Le cycle Master a été totalement revu avec la possibilité pour nos étudiants de se spécialiser dans 6 dominantes : Finance, Supply Chain, Entrepreneuriat, Marketing, Digital Innovation, Manager et consultant responsable.
Tout au long de leur cursus, la dimension associative, essentielle, sera prise en compte avec la possibilité pour nos étudiants de gagner des crédits qui entreront dans la validation de leur diplôme. Leur professionnalisation se dessine au travers de stages, challenges et la possibilité de suivre les deux années du cycle master en apprentissage. L’international occupe une dimension toute particulière avec l’opportunité de s’expatrier dès le postbac sur l’un de nos campus et même de suivre la totalité du cursus hors de l’hexagone. Enfin, nos étudiants ont la possibilité de décrocher un double-diplôme – PGE et MSc® – sans surcoût. Sauf s’ils effectuent leur cursus en apprentissage car ils n’en ont alors pas le temps.
O. R : Vous le disiez, vos programmes sont construits en orientation compétences. Qu’est-ce que cela change ?
A-S. C : Nous formons d’abord à des compétences, pas à des métiers. Et pas de la même façon selon le niveau de formation. La stratégie d’entreprise c’est par exemple, une compétence acquise exclusivement en master quand le pilotage de la compétence peut être acquis aussi bien au niveau licence que master mais différemment. Chaque professeur doit donc élaborer son cours dans le cadre d’une acquisition de compétences.
Cette démarche nous a d’ailleurs conduit à construire nos programmes en partant de la dernière année, les compétences finales à acquérir, plutôt que de la première, comme on le fait d’habitude. Pour ce faire, nous avons construit notre propre référentiel de compétences en nous appuyant sur des séances de travail avec nos alumni et des entreprises. La CEFDG a d’ailleurs salué notre travail.
Demain, nous serons capables de délivrer à la fois des bulletins de notes et de compétences sur notre plateforme numérique WARD sur laquelle l’étudiant pourra estimer son évolution, générer un CV augmenté et flécher les offres de stage qui lui correspondent le mieux.
O. R : Quels sont les grands blocs de compétences à acquérir en PGE ?
A-S. C : Ils sont au nombre de sept : Se projeter dans un monde en transformation / Construire une stratégie innovante et durable / Entreprendre autrement / Agir dans un mode digital et de data / Développer son Business / Manager de façon responsable / S’engager dans une performance globale. Ensuite il y a des micro-compétences à acquérir, telles maîtriser les outils d’IA, et d’autres, plus importantes, comme travailler les données issues des IA. Nous demandons par exemple à nos étudiants de créer un business model pour un type d’entreprise en utilisant cinq IA différentes et en comparant leurs résultats pour établir quelle est la meilleure.
O. R : Un sujet d’actualité maintenant. Ces dernières années les écoles ont ouvert très largement les vannes de l’alternance et tout particulièrement de l’apprentissage. Aujourd’hui que les financements baissent peu à peu comment allez-vous évoluer ?
A-S. C : L’alternance est un très bon modèle de formation mais pas forcément l’avenir de nos écoles. Là où l’alternance était initialement conçue comme un moyen de se professionnaliser, elle est devenue peu à peu, un moyen de financement et d’inclusion. Résultat, nous nous trouvons face à des familles qui demandent absolument à ce que les étudiants suivent leur cursus en alternance. Or, cela demande de la maturité et les taux d’échec augmentent avec des étudiants pas toujours assez motivés.
Nous allons donc faire évoluer la sélection : demain, ce ne sera plus le premier demandeur d’un contrat qui sera forcément le premier servi. Ce système favorise en effet ceux qui ont des relations au détriment de ceux qui n’ont pas de réseau. Nous allons faire évoluer nos critères de sélection en mettant l’accent sur le projet professionnel et les résultats académiques, base d’une sélection au mérite.