Ecole associative détenue par son association des anciens, l’Estaca s’est faite une place à part dans l’univers des écoles d’ingénieur en se spécialisant dans le transport. Son déménagement à Saint-Quentin-en-Yvelines en 2015 lui permet d’encore étendre ses activités. Son président, Ludovic Busson, entend bien aller encore plus loin dans les années à venir.
Olivier Rollot : L’ESTACA semble de plus en plus se consacrer à l’aéronautique. Comment faites-vous vivre ensemble vos différentes dimensions de formation au transport ?
Ludovic Busson : L’ESTACA est la seule école d’ingénieurs post-bac en France offrant une formation initiale dans 4 filières de transports : automobile, aéronautique, ferroviaire et spatial. Nous sommes spécialistes des mobilités, immatérielles comme matérielles, parmi lesquelles, en effet, le transport aérien prend une place importante puisque les ingénieurs aéronautiques représentent aujourd’hui la moitié de chacune de nos promotions. Notre visibilité dans le secteur étant encore accentuée par notre appartenance au Groupe ISAE constitué des références du secteur : ISAE-SUPAERO, ISAE-ENSMA et l’Ecole de l’Air.
Les étudiants entrent à l’ESTACA après le bac, puis ils choisissent librement leur filière en 2ème année et se spécialisent pendant quatre ans dans un secteur. Pour autant, le diplôme étant unique, ils peuvent se destiner à l’automobile et travailler finalement dans l’aéronautique. Et vice-versa.
O. R : L’ESTACA a déménagé en 2015 à Saint-Quentin-en-Yvelines. Quel premier bilan faites-vous de cette nouvelle implantation ?
L. B : Cela a été pour nous un investissement très important que nous avons financé en grande partie avec la vente de nos locaux parisiens. Cette nouvelle implantation nous permet de tripler la superficie de l’école en région parisienne en passant de 5000 à 15 000 m2. Il s’agissait de nous rapprocher d’autres établissements d’enseignement supérieur du plateau de Saclay mais aussi de partenaires industriels, par exemple le technocentre de Renault. L’accueil a été excellent du côté des étudiants puisque nos effectifs sont passés très rapidement de 1500 à 2000 élèves. Cela en améliorant encore la qualité de nos recrutements ! Au point que nos nouveaux bâtiments sont déjà saturés.
Parmi les synergies créées, notre proximité avec CentraleSupélec nous a par exemple permis de donner la possibilité à nos étudiants d’y suivre l’une de leurs six spécialités en cinquième année et d’obtenir ainsi un bi-diplôme.
O. R : Faut-il forcément avoir un bac S pour intégrer l’ESTACA? Les filles ont-elles leur place ? Plus largement qu’attendez-vous des candidats ?
L. B : Le bac S n’est pas exclusif mais ses titulaires représentent la quasi-totalité de nos promotions. Nous avons toutefois une part de nos étudiants titulaires de bac STI2D qui bénéficient d’un accompagnement spécifique au sein de notre école. Au total, 77% de nos entrants ont une mention Très bien et Bien. Quant aux filles, si elles ne représentent encore que 13% de nos étudiants, elles sont très demandées par les recruteurs. Tous les profils sont les bienvenus à l’ESTACA, ce que nous recherchons avant tout ce sont des passionnés. Par le produit, la voiture, l’avion, le train bien sûr mais aussi, et de plus en plus, par le process industriel.
O. R : Parce que les attentes des entreprises évoluent extrêmement vite !
L. B : Quel sera le profil de diplômé demandé par Renault, PSA, Airbus, Dassault, Alstom ou l’ESA dans cinq ans sachant que 45% des compétences évoluent dans ce laps de temps ? Faut-il plus former nos étudiants au numérique ou au codage ou encore à réaliser des cahiers des charges ?
Dans dix ans nous vivrons dans un environnement où les véhicules seront autonomes et partagés. Où le verrou actuel de l’assurance – les contrats d’assurance stipulent aujourd’hui que le conducteur doit « toujours être maître de son véhicule » – aura été dépassé car les primes seront justement réduites en fonction du pourcentage de conduite autonome. Un monde où le stockage énergétique sera un enjeu majeur et c’est pourquoi les écoles d’ingénieurs investissent significativement dans la recherche appliquée afin de construire les formations de demain.
À l’ESTACA, nous prenons la mesure de ces évolutions en faisant évoluer en permanence nos formats pédagogiques à travers des méthodes d’apprentissage par « projet », adaptées aux demandes des entreprises.
O. R : Les associations étudiantes ont une importance particulière à l’ESTACA si on en croit le nombre de trophées que vos étudiants remportent.
L. B : Notre vie associative est en effet extrêmement riche et permet à nos étudiants de cultiver leurs passions en développant de véritables projets de A à Z en partenariat avec des industriels. Ils apprennent à répondre aux enjeux des entreprises en développant des projets – comme par exemple pour le Shell Eco Marathon ou cet été le Streamliner électrique, unique au monde, que nos étudiants ont conçu pour la Speed Week de Bonneville. Notre junior entreprise est presque un bureau d’études qui soutient des entreprises dans leurs innovations. Tout cela fait partie intégrante de la pédagogie ESTACA puisque l’Ecole les soutient financièrement et met à leur disposition des moyens : professionnels, enseignants-chercheurs, Fab Lab, atelier, etc. Ces actions sont également prises en compte pédagogiquement et apportent des points d’évaluation..
O. R : Vous parlez recherche. L’ESTACA a-t-elle développé beaucoup de chaires d’entreprise ?
L. B : Nous en avons deux pour l’instant : sur les systèmes d’éclairage embarqués d’une part, sur l’évaluation de concepts novateurs d’avions de transport de l’autre. Sur la première, nous travaillons avec PSA, Renault et Valéo pour définir les besoins en éclairage de l’industrie automobile tout en construisant les formations nécessaires à ce secteur. Le tout débouche sur un mastère spécialisé qui reçoit chaque année 15 à 20 étudiants.
O. R : Vous pourriez un jour créer un bachelor ?
L. B : Nous n’avons pas de projet de bachelor à l’heure actuelle. Nous développons en revanche des options spécialisées (en complément de la formation ingénieur ou sous forme de Mastères spécialisés) qui permettent à des étudiants de compléter leur formation initiale par une formation de niche (pilote de ligne, sport automobile, maintenance aéronautique, entrepreneuriat…).
O. R : Et créer un troisième campus après ceux de Saint-Quentin et Laval ?
L. B : Nous prévoyons déjà d’agrandir notre campus de Laval pour pouvoir accueillir davantage d’étudiants à l’horizon 2020/2021. Par ailleurs nous envisageons effectivement la création d’un troisième campus. Nous étudions actuellement la faisabilité d’une implantation à Bordeaux.
O. R : Alstom passe dans les mains de Siemens. Opel de Peugeot. Les restructurations agitent le secteur du transport. Dans quels secteurs les perspectives d’emploi sont-elles les plus favorables pour vos diplômés ?
L. B : Sur la dernière promotion, 90 % de nos étudiants étaient en activité avant l’obtention de leur diplôme, un étudiant sur deux est embauché au sein de l’entreprise dans laquelle il a effectué son stage et 92% étaient directement embauchés en CDI. Sur la dernière année, d’après l’enquête insertion CGE, l’insertion la plus rapide concerne nos étudiants dans le secteur automobile (94 % avant le diplôme) devant les filière ferroviaire (93 %), aéronautique (88%) et spatiale (86%).
Ces résultats sont assez homogènes entre les filières et constants depuis plusieurs années. Ils sont le fruit des évolutions pédagogiques que nous menons et de notre proximité avec les industriels qui nous poussent à adapter en permanence nos formations aux besoins en compétences de l’industrie.
O. R : Quels salaires peuvent-ils envisager avoir ?
L. B : Cela dépend de la filière, du pays, du type d’entreprise, du poste occupé… Le salaire moyen d’embauche de nos diplômés s’élève à 39 000 € brut/an. Les salaires les plus élevés se trouvent cette année dans la filière spatiale (plus de 45 000 euros sur la dernière promo), ensuite le ferroviaire (40 000 €) et ensuite l’aéronautique et l’automobile. De même les salaires à l’étranger sont souvent plus élevés (plus de 62 000 € aux USA par exemple !).